En effet, les marchés de gros, tels que Semmar, Jolie Vue ou celui de la commune de Bachjarrah (La Montagne), étaient presque vides hier. Seuls, quelques dizaines de locaux étaient ouverts.
Les prix de l’huile végétale et du sucre ont sensiblement diminué chez certains grossistes, alors que d’autres ont préféré baisser le rideau et ne pas vendre leurs produits, vu que les prix ne les arrangent pas. Ce sont là les propos de certains grossistes que nous avons interrogés. Autrement dit, le prix de la bonbonne d’huile végétale de 5 litres était cédé entre 530 et 550 dinars, alors que le prix du sucre était hier entre 70 et 80 dinars le kilo.
Une différence de taille, puisqu’il s’agit là de prix de gros. Une petite tournée à travers quelques marchés de gros nous a permis de voir de plus près l’atmosphère qui régnait durant cette journée très particulière. Nous sommes arrivés au marché de gros de Semmar (Gué de Constantine) à 11h30mn. Dans ce grand carrefour de gros, plus de 300 grossistes exercent depuis plus de sept ans.
Sur les lieux, notre surprise fut grande. Presque tous les locaux étaient fermés. Plus de la moitié des grossistes ont baissé le rideau, d’autant plus que des rumeurs annonçaient la veille une «opération» des contrôle visant ces commerçants de gros. Une panique s’est installée dans ce marché de gros depuis la matinée d’hier, selon quelques grossistes que nous avons interrogés.
«Je ne sais pas pourquoi ils sont fermés aujourd’hui, mais d’après les rumeurs des contrôleurs de la DCA vont bientôt arrivés. Je pense que c’est la seule raison pour laquelle la plupart de ces grossistes ont préféré ne pas ouvrir aujourd’hui», explique un locataire. Ce dernier ajoute : «Pour ma part, j’ai décidé d’ouvrir parce que j’ai un registre du commerce authentifié, avec des factures authentifiées, et je n’ai rien à cacher. Pour les autres commerçants, je pense qu’ils ont décidé de fermer pour éviter les casse-tête avec les contrôleurs de la direction du commerce». L’explication de ce commerçant nous paraît un peu louche, d’autant plus que certains commerçants de gros travaillent avec de fausses factures, révélation déjà faite par la DCA. Ces derniers ont tout simplement évité d’être appréhendés par les contrôleurs. D’ailleurs, les dernières émeutes qui ont eu lieu à travers le pays sont à l’origine de la flambée des prix des matières de base, à savoir l’huile végétale et le sucre. Le départ de feu avait commencé aux marchés de gros qui, sans aucune raison apparente, ont décidé de faire augmenter les prix des produits de première nécessité. Plusieurs grossistes ont décidé d’augmenter les prix de l’huile végétale et du sucre, car le pourcentage gagné par la vente de ces deux produits n’était pas suffisant pour couvrir leur chiffre d’affaires. Ils gagnaient 1% sur ces deux produits.
Face à cette situation, la plupart des grossistes ont décidé d’augmenter les prix de l’huile et de sucre face à la forte demande des détaillants, défiant ainsi les pouvoirs publics, mais la loi du commerce permet le libre marché en Algérie. Les conséquences de ce comportement «abusif» étaient graves. Dans ce contexte, le prix de la bonbonne de 5 litres d’huile végétale a atteint le seuil époustouflant de 980 dinars, frôlant ainsi les 1000 dinars, alors que le prix d’un kilo du sucre a atteint les 140 dinars. Cette forte augmentation a été mal perçue par les consommateurs algériens. Ces derniers ont exprimé leur colère en occupant les rues de la ville et en cassant les biens publics. Des pillages, des saccages et des émeutes ont eu lieu à travers plusieurs wilayas du pays à cause de la flambée des prix de ces deux produits de base. Le gouvernement a vite réagi en décidant de faire baisser les prix, d’annuler les 17% de TVA, et surtout de passer à l’action en contrôlant de plus près les marchés de gros. C’est pour cette raison qu’hier, 2 000 contrôleurs ont été mobilisés. Toutefois, ces agents de la DCA ont fait face à une problématique de taille. Avant d’arriver sur les lieux du contrôle, les grossistes étaient déjà informés par des «tuyaux» donnés par des agents mêmes de la DCA, et avaient ainsi le temps de fermer leur magasin. Une fois les locaux fermés, les contrôleurs ne peuvent rien faire pour réaliser leur mission de contrôle et identifier ceux qui augmenter les prix et surtout ceux qui trafiquent les factures.
Ce handicap de taille a affecté la tâche des agents de la DCA, rendant ainsi leur mission plus difficile que prévu. Il y a quelques jours, le directeur général du contrôle économique et de la répression des fraudes avait déclaré sur les ondes de la Radio nationale que le processus de mise en place d’un organisme chargé de la création et de la gestion des marchés de gros dans le but de réguler les circuits de distribution est enclenché, et que cette structure devrait être opérationnelle au courant du second trimestre de l’année en cours
. En attendant cette mise en place et la nouvelle démarche de l’Etat qui vise à combattre la flambée des prix, le consommateur algérien se demande si ces nouvelles mesures arrêteront cette hémorragie des prix. Réponse dans quelques mois.
Par Sofiane Abi