À première vue, les chiffres présentés par la Banque mondiale (BM) lors de la publication de son rapport 2024 à Alger sur l’économie algérienne ont de quoi rassurer.
Une croissance soutenue, une inflation en recul, une productivité en amélioration… Mais au-delà des chiffres positifs, plusieurs signaux invitent à la prudence.
Entre essoufflement du secteur des hydrocarbures et besoin pressant de transformation structurelle, l’économie algérienne se trouve à un tournant délicat.
Le rapport, qui a été officiellement lancé à l’université de Tizi-Ouzou et mis à disposition en ligne, dresse un tableau contrasté. Oui, l’Algérie avance. Mais à quel prix et sur quelles bases ?

Une croissance portée par les secteurs hors hydrocarbures
« L’Algérie maintient une trajectoire de croissance solide », affirme Cyril Desponts, économiste principal de la BM pour l’Algérie. En 2024, le produit intérieur brut (PIB) hors hydrocarbures a progressé de 4,8 %, tiré par une consommation des ménages robuste et des investissements publics massifs. Cette performance témoigne d’un certain dynamisme économique, en particulier dans :
- L’industrie manufacturière, dopée par la demande intérieure croissante ;
- Le secteur des services, notamment le commerce, l’hôtellerie et la restauration ;
- L’agriculture, qui a connu une excellente saison céréalière, en dépit d’une pluviométrie limitée.
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Selon Amel Henider, économiste à la BM, cette embellie agricole a permis de limiter la hausse des prix alimentaires, contribuant ainsi à faire baisser l’inflation à 4,0 %. Une décélération significative, perçue comme un signal encourageant pour le pouvoir d’achat.
Hydrocarbures en recul : le revers de la médaille sous la loupe de la Banque Mondiale
Cependant, cette croissance reste partiellement plombée par des secteurs clés en déclin. Le secteur pétrolier, traditionnel pilier de l’économie nationale, affiche une baisse de la production liée à la réduction des quotas. Quant au gaz naturel, ses exportations ont reculé, affectées par la chute de la demande externe et la baisse de la part du GNL dans les ventes.
Ainsi, les exportations d’hydrocarbures ont chuté de 38 % en 2024, entraînant un déficit courant de 1,7 % du PIB, malgré une dette publique contenue grâce à l’épargne pétrolière.
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L’économiste note toutefois que ce déficit devrait se résorber à moyen terme, alors que les recettes publiques devraient repartir à la hausse dès 2026, portées par un effort de consolidation budgétaire en cours.
Économie algérienne : une transformation structurelle, plus urgente que jamais
La Banque mondiale insiste. La croissance actuelle est encore trop dépendante de la dépense publique et des ressources naturelles. Pour bâtir une économie plus résiliente et durable, le pays doit impérativement :
- Réorienter l’emploi vers des secteurs à haute valeur ajoutée, notamment les services productifs et l’industrie.
- Stimuler l’investissement privé à travers des réformes ciblées.
- Améliorer la productivité, surtout dans les secteurs manufacturiers.
- Renforcer la gouvernance économique et le cadre macroéconomique.
- Développer le capital humain, notamment par la formation et la montée en compétences.
Cyril Desponts le souligne : « Il existe un fort potentiel de rattrapage dans les secteurs manufacturiers et des services. »
La BM préconise également d’attirer davantage d’investissement étranger, pour faciliter le transfert de technologies et de pratiques de gestion modernes, indispensables à la montée en gamme de l’économie algérienne.
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Si l’année 2024 s’inscrit dans une dynamique globalement positive, la Banque mondiale anticipe un ralentissement de la croissance à 3,3 % en 2025. Une tendance qui s’explique par la stabilisation des investissements publics et le redressement progressif des secteurs extractifs.
Cependant, cette phase de transition pourrait poser les bases d’une croissance plus saine, à condition que les réformes structurelles soient menées à bien.