L’indice des prix à la consommation a connu une très forte hausse estimée à 9,34% en février 2012 par rapport au même mois de l’année 2011, en raison d’une hausse généralisée des prix des produits agricoles frais qui ont augmenté de 19,27%.
Les étiquettes des fruits et légumes font tourner la tête de la ménagère.
La conséquence : une hausse du rythme d’inflation annuel (février 2011-février 2012) à 5,3% contre 4,9% en janvier dernier, soit un taux nettement supérieur à l’année 2011 (4,5%). Les causes sont-elles seulement climatiques notamment par les fortes intempéries du mois de février, qui ont provoqué une flambée généralisée des prix à l’instar de la pomme de terre dont le prix a atteint les 100 DA/kilo contre une moyenne de 40 à 50 DA le kilo durant l’année 2011 ? Où est donc la politique de régulation par le de stockage annoncée et le programme du PNSDA qui a englouti des centaines de milliards de centimes et dont aucun bilan n’a été fait à ce jour ?
La première raison de l’inflation est la non-proportionnalité entre la dépense publique et les impacts économiques et sociaux : 200 milliards de dollars annoncés entre 2004/2009 (pas de bilan à ce jour) et 286 milliards de dollars (Mds) entre 2010/2014 dont 130 Mds de reste à réaliser des projets de 2004//2009 pour un taux de croissance ne dépassant pas 2/3 % moyenne 2004/2010 (donc plus de 400 milliards de dollars soit presque le programme de relance US et chinois). Cela a, évidemment, un impact autant sur le taux d’inflation que sur le taux de chômage réel qui est largement supérieur au taux officiels. Une récente étude de l’OCDE montre clairement, parmi certains pays du pourtour méditerranéen que l’Algérie dépense deux fois plus pour deux fois moins de résultats.
La deuxième raison, liée à la première, est la faiblesse d’une politique salariale cohérente privilégiant les créateurs de valeur ajoutée, le travail et l’intelligence au profit d’emplois rentes, ce qui fait que la productivité globale est une des plus faibles au niveau de la région. Pour preuve, le ratio masse salariale sur le PIB pour 2009/2011 est inférieur à 20% contre plus de 45% à la fin des années 1976/1979 contre une moyenne mondiale supérieure à 60% démontrant que les augmentations de salaires pour les secteurs à valeur ajoutée (inclus la santé et l’enseignement) ne sont pas la cause essentielle de l’inflation mais que celle-ci réside plus dans les emplois improductifs. On assiste donc a des distributions de rente sans relation avec la production et la productivité.
La troisième raison est l’extension de la sphère informelle qui contrôle quatre segments : celui des fruits et légumes, de la viande rouge et blanche, du poisson et du textile-cuir, ce dernier à travers les importations de valises avec plus de 40% de la masse monétaire en circulation. L’allongement des circuits de commercialisation à travers leur désorganisation entre le producteur et le consommateur favorise les rentes de monopole. Ce qui fait que le chèque obligatoire (qui a été implicitement abrogé) pour toute transaction supérieure à 500 000 dinars et le contrôle des prix sur essentiellement le détaillant sont – ou seront – de peu d’efficacité, car ils ne s’attaquent pas à l’essence à des phénomènes. C’est que la sphère informelle favorisant les actions spéculatives est le produit de la bureaucratie et des dysfonctionnements des appareils de l’Etat nourrissent des liens dialectiques entre la sphère informelle et la logique rentière. Il en résulte l’absence d’une régulation produit d’une incohérence et du manque de visibilité dans la politique économique et sociale et en cas de remous sociaux, une mentalité bureaucratique qui laisse croire que des lois et des commissions résoudront les problèmes.
La quatrième raison liée à la précédente est l’inflation importée. Mais la question qui se pose est de savoir pourquoi lorsque le taux d’inflation mondial allait vers zéro en 2009 cela n’a profité ni aux producteurs ni aux consommateurs algériens. Le dérapage à la baisse du dinar a gonflé artificiellement les recettes fiscales (voilant l’importance du déficit budgétaire). Le fonds de régulation des recettes calculées en dinars algériens, les taxes exorbitantes au niveau des douanes qui s’appliquent à un dinar dévalué pour entretenir notamment les couches rentières ont largement contribué à la hausse des prix. Des mesures ponctuelles récentes sans vision stratégique sont édictées, principalement pour freiner les importations à la suite de l’importante augmentation des salaires. Elles ont des répercussions négatives, tant pour les opérateurs qui s‘approvisionnent en Europe que sur le pouvoir d’achat des citoyens. Comme par le passé à l’époque du dollar faible, la dépréciation du dinar a répondu au souci de gonfler artificiellement le fonds de régulation des recettes et la fiscalité pétrolière variant entre 60-70%, et donc de voiler l’importance du déficit budgétaire et l’inefficience de la dépense publique. Exemple, le fonds de régulation de un (1) dollar donne 100 dinars, pondéré par une dévaluation de 20 % donne une valeur de 120 dinars calculé par le trésor et la banque d’Algérie dans leurs bilans annuels, et il en est de même pour la fiscalité pétrolière. Avec une dévaluation de 20 % cela abaisserait le montant de la fiscalité pétrolière. Cela renvoie à une économie totalement rentière où 98% des exportations sont le fait d’hydrocarbures et 70/75% des importations (équipement, matières premières où plus de 80% des entreprises privées et publiques fonctionnent avec des inputs importés) et les biens finaux représentent entre 2009/2010. Il s’ensuit de cette situation que l’on peut en déduire quatre remarques.
Premièrement, Le calcul d’un indice est historiquement daté impliquant que l’organe officiel de la statistique l’ONS revoie la composante du panier ayant présidé à son calcul- au XXI siècle avoir un ordinateur par exemple est une consommation normale. Deuxièmement, le calcul de l’indice par l’ONS est un indice global qui voile les disparités sectorielles et structurelles car plus de 70% des salariés algériens perçoivent moins de 30.000 dinars net par mois et consacrant ce modeste revenu étant consacré à plus de 70% aux produits de première nécessité. Certes la cellule familiale, paradoxalement la crise du logement et les transferts sociaux d’où l’importance de son éclatement posant la problématique de lier tout processus de développement à la répartition du revenu et au modèle de consommation par couches sociales.
Troisièmement, bon nombre de produits importés sont subventionnés. Or ces subventions sont généralisées, mal ciblés et ne s’adressent pas toujours aux plus démunis et aux segments à valeur ajoutée que l’on voudrait promouvoir. La faiblesse d’une politique de prix reflétant la rareté des ressources entraine le gaspillage, l’importation et freine la production locale. Par railleurs, ces subventions combinées à la distorsion du taux de change du dinar favorisent bon nombre de fuite aux hors des frontières.
Enfin quatrièmement, sans subventions qui doivent être transitoires permis grâce à la rente des hydrocarbures, le taux d’inflation dépasserait les 10%. Si le processus inflationniste continue à ce rythme entre 2002/2013, cela aura également des incidences sur le taux d’intérêt des banques qui devraient le relever au moins de deux à trois points par rapport aux taux d’inflation réel, si elles veulent éviter la faillite. Ou alors l’Etat devra recourir à nouveau à leur assainissement comme par le passé. Cela freinerait à terme le taux d’investissement utile, la plupart des opérateurs économiques préférant se réfugier soit dans les activités et spéculatives à court terme actuellement dominantes. Mais surtout, le processus inflationniste en Algérie a un impact négatif sur le pouvoir d’achat de la majorité de la population algérienne. Cela explique la faiblesse du pouvoir d’achat, le Smig étant à 150 euros au cours officiel moins de 110 euros au cours du marché parallèle. En effet, depuis plus d’une année existe une différence entre le cours du dinar sur le marché parallèle (plus de 140 dinars un euro) et la cotation officielle (un euro pour 100 dinars) soit un écart de plus de 40 %. Le tarissement de l’épargne de notre émigration ou certains voyages ponctuels vers l’étranger (du fait de l’allocation devises limitée), souvent invoqués, ne sont pas les seules explications. Certainement bon nombre de personnes fortunées achètent des biens à l’étranger. Sinon, comment dès lors expliquer la hausse du cours de l’euro sur le marché parallèle par rapport au dinar algérien alors que son cours baisse par rapport au dollar au niveau international. Cela renvoie à la concentration excessive du revenu national au profit des rentes spéculatives et non de producteurs de richesses.
En résumé, actuellement tout le monde veut sa part de rente, d’où des augmentations de salaires de 30à 40% quitte à aller vers un suicide collectif, processus amplifiée par une corruption socialisée à tous les niveaux de la base au sommet, d’où les difficultés de l’instauration d’un Etat de droit et d’une justice trie impartiale, phénomène qui prend des proportions certes qui a toujours existé mais qui prend une ampleur inconnue depuis l’indépendance politique. D’où l’urgence de penser en urgence une moralisation de la vie politique et sociale, de la transition d’une économie de rente à une économie hors hydrocarbures, en évitant l’utopie néfaste de l’autarcie tout en faisant jouer un rôle stratégique à l’Etat régulateur, et du tout Etat, devant s’adapter aux nouvelles mutations mondiales et l’économe algérienne s’insérer dans un espace plus large, l’avenir étant le Maghreb et l’Afrique. En effet, on peut établir un coefficient de corrélation entre la cotation du dinar et l’évolution du cours des hydrocarbures pour un taux d’environ 70%, 30% étant dues aux phénomènes spéculatifs et aux sections hors hydrocarbures bien que limitées. Sans hydrocarbures la cotation du dinar s’établirait entre 300-400 dinars un euro, selon l’offre et la demande, l’économie algérienne étant une économie totalement rentière. En bref, l’essence du processus inflationniste en Algérie est liée profondément à la panne de la réforme globale. Depuis 1986, l’Algérie est dans une interminable transition n’étant ni une économie étatisée, ni une véritable économie de marché concurrentielle, expliquant le peu d’efficacité tant de la régulation politique, sociale et économique.
Depuis 50 ans, malgré les discours, le constat en Algérie est le suivant : la rente, toujours la rente qui donne des indicateurs biaisés tant du taux de croissance, du taux de chômage, du taux d’inflation, les réserves de change qui ne sont qu’une richesse virtuelle qu’il s ‘agit de transformer en richesse réelle, le cadre macro-économique artificiellement stabilisé mais éphémère sans de profondes réformes structurelles renvoyant au politique, au social, au culturel et à l’économique en fait au système lui même.
Abderrahmane Mebtoul, professeur d’université