Infirmières, espionnes, martyres : les femmes de l’ombre de l’indépendance algérienne

Infirmières, espionnes, martyres : les femmes de l’ombre de l’indépendance algérienne
Algérie : 63ème anniversaire de l’indépendance

Elles s’appelaient Djamila, Hassiba, Zohra, Malika, Baya… Leurs noms résonnent comme des symboles de courage, mais derrière ces figures emblématiques, des milliers d’autres femmes, rurales ou citadines, ont sacrifié leur jeunesse, leur liberté, parfois leur vie, pour l’indépendance de l’Algérie. Des anonymes dont l’histoire murmure les exploits, mais que la mémoire collective n’a pas toujours retenus.

Pendant la guerre de libération (1954-1962), les Algériennes ont été partout : dans l’ombre comme en première ligne. Les fidayates, comme Hassiba Ben Bouali ou Zohra Drif, menaient des actions armées, déposant des bombes dans les lieux stratégiques.

Les moussebilates assuraient le soutien logistique : transport d’armes, soins aux blessés, collecte de fonds. D’autres, comme Malika Gaïd ou les sœurs Bedj, ont combattu dans les maquis, bravant le froid, la faim et la torture.

Pourtant, comme le rappelait Djamila Boupacha : « Il y a de nombreuses autres femmes qui ont souffert plus que nous et que nous ne connaissons pas. »

Baya Hocine,condamnée à mort à 17 ans

Née en 1940 dans la Casbah d’Alger, Baya Hocine rejoint le FLN à 16 ans. Transport de tracts, puis d’armes, elle intègre le réseau de Yacef Saâdi lors de la Bataille d’Alger. Arrêtée en 1957 après une opération au stade d’El Biar, elle est condamnée à mort par la justice française. Elle a 17 ans. Libérée en 1962, elle devient journaliste et députée, mais son nom reste peu connu du grand public.

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Fatiha Bouhired, l’espionne de la Casbah

Veuve à 30 ans avec cinq enfants, Fatiha Bouhired cache dans sa maison le QG de la Zone Autonome d’Alger. Yacef Saâdi et Ali la Pointe y trouvent refuge.

Sa ruse est légendaire : simulant une collaboration avec l’armée française, elle parvient à obtenir une « carte blanche » et une protection militaire de son domicile, tout en collectant des renseignements cruciaux et en identifiant les collaborateurs. Un coup de maître pour la résistance.

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Zhor Zerari, la poétesse résistante

Zhor Zerari, née en 1937 à Annaba dans une famille de nationalistes, a vu son père « disparaître » sous la torture des parachutistes français.

Cet événement forge sa détermination. À 19 ans, elle rejoint le FLN, transportant courrier et munitions, avant de participer à des actions de sabotage. Arrêtée et violemment torturée en 1957 à l’école Sarouy, un centre de torture des paras de Bigeard, elle en gardera des séquelles indélébiles.

Condamnée à perpétuité et incarcérée en France et en Algérie, elle est libérée en 1962. Sa phrase à sa sortie de prison, « Qu’importe le retour, si mon père n’est pas sur les quais de la gare, » résonne comme un cri de douleur et de dignité. Elle deviendra ensuite journaliste et publiera en 1988 un recueil poignant, Poèmes de prison.

Malika Gaïd : L’infirmière des maquis

Malika Gaïd, née en 1933 à Alger, était l’infirmière dévouée de l’Armée de Libération Nationale (ALN). Diplômée et répondant à l’appel du colonel Amirouche en 1955, elle intègre les maquis où elle soigne les blessés, vivant aux côtés des combattants. Sa présence au Congrès de la Soummam témoigne de son importance au sein de la Révolution.

À seulement 23 ans, elle est assassinée, les armes à la main, en tentant de défendre des blessés dans une grotte-hôpital de la région de M’Chedallah, tombant en véritable héroïne.

Les Sœurs Bedj, les lionnes du maquis

Les sœurs Messaouda (dite Meriem ou El Lobba, la lionne) et Fatma (dite Lalia) Bedj, originaires de Laghouat, ont consacré leur vie à la cause. Messaouda, première femme à rejoindre le maquis à Chlef après avoir abandonné ses études de sage-femme, soigna d’innombrables combattants avant de tomber au combat en 1958.

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Sa sœur Fatma, également secouriste, rejoignit le maquis en 1957, soignant blessés et populations civiles, avant de périr elle aussi en 1960. Leur sacrifice illustre la profondeur de l’engagement familial dans la lutte.

Izza Dehiles, la dactylographe de la Révolution

Izza Dehiles (née Bouzekri en 1928), militante précoce au sein de l’Association des femmes musulmanes algériennes, rejoint le FLN en 1954. Épouse d’Abane Ramdane, elle devient la secrétaire du cabinet de guerre du FLN, rédigeant tracts et courriers clandestins.

Son rôle est capital dans la fondation du journal El Moudjahid, dont elle tape les six premiers numéros. Formée à la sténodactylographie, c’était elle qui a dactylographié les résolutions du Congrès de la Soummam, l’acte fondateur de la République algérienne. Décédée en 2017, elle a été la discrète architecte de documents historiques majeurs.

En cette soixante-troisième année d’indépendance, il est plus que jamais essentiel de reconnaître et d’honorer le rôle inestimable des femmes dans la Révolution algérienne. Leurs actions, leur intelligence tactique et leurs sacrifices ont été déterminants pour l’Algérie, et pourtant, leur contribution reste trop souvent minimisée.

Il est impératif, alors que les derniers témoins de cette époque disparaissent, de redonner à ces héroïnes la place qu’elles méritent, non seulement dans les récits historiques, mais aussi et surtout dans la conscience collective.

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Ces femmes ont bravé la torture, la mort et l’oubli, animées par le seul désir de voir leur nation libre. Leurs histoires, tout comme de nombreuses autres mises en lumière par la page Instagram Diafen, sont une source inestimable pour comprendre l’ampleur de leur engagement.

Il est de notre devoir de transmettre leur mémoire et de veiller à ce que leur courage et leur abnégation ne soient jamais effacés des pages de l’histoire.