La justice ne réagira plus aux lettres anonymes, ont affirmé plusieurs sources. La décision, si elle venait à être officialisée, permettra de consacrer un autre principe de justice, celui de la présomption d’innocence.
Une source de la cour d’Oran ne manquera pas de rappeler que la lettre anonyme n’a jamais servi à envoyer un justiciable en prison. «Elle servait dans certains cas une autosaisine qui permettait l’ouverture d’une action publique qui débouchait sur une instruction, mais elles n’a jamais servi de base pour mettre quelqu’un derrière les barreaux», affirme notre source.
Une autre source rappelle que plusieurs citoyens, notamment des employés d’institutions et d’entreprises publiques, ont eu recours à cette forme de dénonciation au lendemain des restrictions imposées à l’action de la cour des comptes. «Durant les années soixante-dix, cette juridiction épluchait inopinément et régulièrement les dossiers de gestion et confiait les résultats de ses investigations au parquet qui ordonnait l’ouverture d’une instruction judiciaire.
Aujourd’hui, ce sont d’autres structures qui sont chargées du contrôle de la gestion des entreprises et des institutions publiques et c’est ce qui a conduit certains à user, à tort ou à raison, de lettres anonymes pour dénoncer des faits de gestion ou certaines pratiques qu’ils jugeaient contraires à la réglementation».
Notre interlocuteur ne manquera pas de rappeler qu’au niveau de la cour d’Oran, aucune instruction ou recommandation officielle, concernant les lettres anonymes, n’est parvenue. «Mais je tiens encore à vous rappeler que la lettre anonyme n’a aucune assise juridique du moment que l’action publique ne peut être entamée que sur la base d’une plainte dûment établie, où la partie civile est identifiée.»
Il y a lieu de rappeler qu’au lendemain de la restructuration des entreprises publiques et l’opération mains propres engagées durant la moitié des années quatre-vingt-dix, plusieurs cadres, souvent intègres,
ont été injustement emprisonnés sur la base d’une simple dénonciation anonyme. Cette opération avait poussé plusieurs cadres du secteur public à l’époque à créer des comités et une association de soutien à leurs pairs placés en détention provisoire sur la base de lettres anonymes puis blanchis de toutes les charges après leur passage devant la cour.
«Justement, ces cas prouvent que la justice n’a pas été instrumentalisée et que toutes les procédures engagées, peut-être sur la base d’une dénonciation anonyme, ont conduit au triomphe de la vérité», note la même source. «Les principes de justice et d’équité ne sont pas en contradiction avec une dénonciation anonyme mais motivée.
Elle peut être l’élément déclencheur d’une instruction judiciaire mais elle ne peut en aucun cas se substituer à une action du magistrat instructeur et du parquet qui ont toute la latitude pour examiner les éléments du dossier et décider des suites à donner à l’action engagée», affirme la même source. Cette dernière ne manquera pas de souligner que la justice ne sert pas la délation ou le règlement de comptes «qui usent souvent de ce moyen pour sévir».
F. Ben