Qui contrôle Sonatrach?
Ce dossier risque d’avoir l’effet d’un tsunami sur le groupe pétrolier déjà éclaboussé par d’innombrables scandales de corruption.
Il y a des vérités qui donnent des frissons. La suivante en est une: la fiscalité pétrolière échappe totalement à la Cour des comptes. Oui, en 2013, l’Algérie n’a pratiquement pas de contrôle sur sa mamelle.
Cet incroyable aveu a été souligné, hier, par la Cour des comptes dans son rapport d’appréciation sur l’exécution du budget 2011 qui a d’ailleurs relevé «des insuffisances» dans la gestion des services chargés du recouvrement de la fiscalité pétrolière. La situation est inquiétante quand on sait que le montant de la fiscalité pétrolière est faramineux. Rien que pour les quatre premiers mois de l’année en cours, le ministère des Finances a estimé cette fiscalité à près de 20 milliards de dollars!
Comment se fait-il qu’une pareille somme échappe au contrôle de l’Etat? Quels sont les mécanismes de ce contrôle? La Cour des comptes estime que «l’administration fiscale ne dispose pas de moyens appropriés». Seulement trois agents sont affectés au service de la fiscalité pétrolière chargés de la gestion et du suivi des dossiers fiscaux.
Aussi, pour vérifier les déclarations fiscales de Sonatrach et de ses associés, l’institution de contrôle recommande la généralisation des systèmes de comptage des puits de pétrole sur l’ensemble des périmètres en exploitation. «Un nouveau système électronique est installé sur un site pilote (Hassi Berkine) pour une période de dix ans qui tire à sa fin, en attendant la promulgation d’un texte réglementaire portant généralisation dudit système», précise l’institution de contrôle des finances publiques.
Des sources proches de la direction des grandes entreprises rencontrées hier, par L’Expression rapportent qu’«en réalité, il n’y a que deux agents chargés de ce contrôle. Quant au troisième cité par la Cour des comptes il est affecté à la fiscalité parapétrolière».
Les mêmes sources ajoutent que la situation est des plus confuses dans ce dossier. «La DGE est exclue du champ de contrôle. Elle se contente des chiffres que lui fournit Sonatrach. C’est cette dernière qui fait sa propre déclaration et celles de ses associés comme Anadarko et autres. En réalité, elle le fait dans le cadre de la loi 05- 07 instituée au milieu des années 2000.»
La Cour des comptes a recommandé la généralisation des systèmes de comptage sur l’ensemble des gisements d’hydrocarbures en exploitation pour mieux contrôler les déclarations fiscales sur le chiffre d’affaires de Sonatrach et de ses associés. Mais est-ce possible du moment que Sonatrach, en vertu de la loi déclarera ce qu’elle veut ou du moins ce qui lui semble bon?
D’autre part, l’administration fiscale ne dispose pas d’une structure centrale ayant pour mission le contrôle et le suivi des flux des produits pétroliers, relève encore la Cour des comptes dans son rapport. Quant à la direction des grandes entreprises (DGE), la Cour des comptes estime qu’elle n’assure pas pleinement ses attributions, particulièrement en ce qui concerne la gestion des dossiers fiscaux et le contrôle des déclarations fiscales. Pour 2011, note le même document, la DGE n’a procédé, en aucun cas, à des redressements relatifs à la détermination du chiffre d’affaires des compagnies pétrolières.
Les redressements d’un montant de 670 millions de DA enregistrés durant cette année s’avèrent en relation, dans leur totalité, avec la TVA sur des importations ou sur des achats locaux, précise-t-il. Dans le même rapport sur le projet de loi portant règlement budgétaire de l’exercice 2011, la Cour des comptes a fait état d’un cumul de la fiscalité non recouvré qui a frôlé les 8000 milliards de DA à fin 2011 en raison des lacunes dans les procédures de recouvrement. Ce dossier risque d’avoir l’effet d’un tsunami sur le groupe pétrolier déjà éclaboussé par d’innombrables scandales de corruption. Les dossiers Sonatrach 1, Sonatrach 2 n’ont pas été classés et voilà qu’un autre pointe déjà du nez.