Un événement est survenu à Zéralda. Il a servi, selon toute vraisemblance, d’alibi au limogeage des généraux responsables de la sécurité du Président, à savoir le chef de la Garde républicaine Moulay Melliani et celui de la Direction générale de sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP), Kehal Djamel Medjoub, et au rattachement de la structure gérée par ce dernier à l’état-major. L’onde de choc a emporté
le responsable du contre-espionnage, Ali Bendaoud. Décryptage…
“Rixe entre gardiens, pétards lancés par de jeunes estivants provoquant une panique au sein de la garde rapprochée du Président et de malencontreux coups de feu, ou encore une tentative d’intrusion dans la résidence médicalisée du Président repoussée.” Cela ne tient pas la route. Une mise en scène ? Cela a, en tout cas, l’allure d’un coup fomenté.
Inutile de rappeler ici que la résidence est ultrasécurisée et qu’un échange de tirs avec des intrus ne peut se faire que dans un rayon d’au moins deux kilomètres. Donc, les pétards, aussi gros soient-ils, ne peuvent être entendus que vaguement par la Garde présidentielle et ne peuvent provoquer la panique des éléments bien entraînés du GIS ou de la troupe d’élite de la Garde républicaine qui assurent la sécurité du Président.
Or, la famille du chef de la DGSPP ou lui-même, parce qu’il ne pouvait pas ne pas être au courant de la démarche de sa famille, a souligné dans son communiqué diffusé le lendemain de son limogeage qu’il n’a surtout pas manqué à sa mission. Il est évident que faire croire à des défaillances dans la sécurité du Président ou, plus grave, à un coup d’État déjoué, aurait d’incommensurables conséquences dans le contexte actuel qui se traduiraient en autant de dividendes politiques pour ceux qui s’entêtent à maintenir Abdelaziz Bouteflika à la tête de l’État en dépit de son état de santé, au moment où la gestion des affaires publiques avec la crise économique qui se profile nécessite une présence permanente de sa part.
D’abord, sur le front interne, de tels événements aux alentours de la résidence présidentielle peuvent faire admettre auprès de l’establishment militaire et de l’opinion nationale la thèse de la “négligence” dans la sécurité du Président et, du coup, justifier la purge opérée, faut-il le noter, de manière aussi brutale que le limogeage, il y a une année, de l’ex-ministre d’État Abdelaziz Belkhadem, puni à l’époque pour avoir assisté à un congrès de l’opposition. En un mot, un alibi pour poursuivre la restructuration du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), seul véritable contrepoids au pouvoir de la Présidence. Après le rattachement de la DGSPP à l’état-major de l’ANP, le DRS est, comme on dit dans le management, réduit à ses métiers de base : l’espionnage et le contre-espionnage. Le DRS n’a plus aucun contrôle sur l’armée depuis le rattachement de la Direction centrale de sécurité de l’armée (DCSA) et du service de la Police judiciaire à l’état-major en septembre 2013 déjà, et inutile de dire aussi qu’enlever son “œil” à la Présidence affaiblit davantage le général Mohamed Toufik Mediene sur le front interne. On lui a laissé à peine le temps pour une sortie honorable. Son sort dépend désormais du bon vouloir du clan qui tient les manettes. Ensuite, sur le front externe, présenter Bouteflika devant l’opinion publique internationale comme un chef d’État faisant face à des généraux putschistes atténue toute velléité d’écourter son mandat électif pour cause de maladie et désigne les interlocuteurs “fiables” pour ceux qui veulent discuter de l’avenir de l’Algérie. L’attentat contre le convoi du Président en 2007 à Batna, qui avait fait une vingtaine de morts et plusieurs dizaines de blessés parmi les citoyens venus l’accueillir, n’avait pas suscité une réaction aussi brutale. À peine l’admission à la retraite du chef du secteur militaire territorialement compétent et la mutation du chef de sûreté de wilaya à Skikda.
L. H