L’Agence internationale de l’Energie (AIE) a tiré hier la sonnette d’alarme quant à la baisse drastique des investissements mondiaux dans le secteur pétrolier. La chute des cours pétroliers mondiaux y est pour beaucoup.
Sous l’effet de cette dégringolade des prix amorcée depuis juin 2014, les majors pétrolières mondiales se sont mises aussitôt à couper dans leurs budgets et effectifs, de manière draconienne, dans une tentative de faire face à la conjoncture. Résultats : c’est l’industrie pétrolière mondiale qui accuse le coup. Conséquemment à cette situation, l’AIE est sortie hier de son silence pour réclamer une reprise des investissements mondiaux dans le secteur pétrolier afin que la production, pourtant abondante aux Etats-Unis, puisse suffisamment progresser pour répondre à la demande après 2020. « Comme nous l’avons souligné de manière répétée, la faiblesse des investissements mondiaux reste une source d’inquiétude », a déclaré Fatih Birol, le directeur exécutif de l’agence, cité dans un communiqué. L’inquiétude se fait ainsi sentir chez les consommateurs de brut, après avoir été clairement affichée par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) qui a eu, elle aussi, à tirer le tocsin sur des prix de pétrole ne favorisant aucunement la reprise des investissements mondiaux. Consommateurs et producteurs sont décidément sur la même longueur d’onde pour dire que la baisse des investissements mondiaux dans le secteur pétrolier serait un danger. « Il faudra plus d’investissements pour compenser les champs pétroliers en déclin – le monde doit remplacer
3 millions de barils par jour chaque année, l’équivalent de la mer du Nord – tout en faisant face à la croissance robuste de la demande », a expliqué le patron de l’AIE qui, certes, défend l’intérêt des pays consommateurs, mais rejoint néanmoins l’Opep dans ses analyses plaidant pour un prix plancher qui favoriserait le retour aux investissements, faute de quoi il serait pour le moins difficile de répondre à une demande mondiale de brut appelée à s’accroître dans les années à venir. Les conséquences pourraient se traduire à la fois par une hausse des cours et par une fragilisation de la position de l’Opep sur certains marchés. L’Agence internationale de l’Energie, qui publie ses prévisions à cinq ans sur le marché pétrolier, estime que la demande devrait augmenter de 6,9 millions de barils par jour (mb/j) d’ici à 2023 à 104,7 mb/j. Cette croissance sera tirée essentiellement par la Chine. Cependant, les capacités de production mondiales devraient pour leur part progresser de 6,4 mb/j pour atteindre 107 mb/j à la même échéance, essentiellement grâce aux Etats-Unis. L’AIE souligne que l’augmentation de la production permettra de largement répondre à la croissance de la demande jusqu’en 2020. Au-delà de 2020, consommateurs et producteurs pourraient faire face à une dangereuse période d’incertitude, met en garde l’AIE. Les Etats-Unis, dont la production est soutenue par l’exploitation des huiles de schiste, vont couvrir à eux seuls 80% de la croissance de la demande sur les trois prochaines années. Le reste viendra du Brésil, du Canada et de la Norvège. Mais il faudra des investissements supplémentaires pour encourager l’offre après 2020, souligne le rapport de l’Agence internationale de l’énergie. Le secteur n’a en effet pas encore récupéré après l’effondrement des dépenses en 2015-2016. Le scénario met clairement les pays de l’Opep en retrait sur certains marchés, dont la couverture devrait être assurée par les producteurs de pétrole de schiste. Ce serait un remake de certaines situations d’avant le contrechoc pétrolier de juin 2014, lorsque les Etats-Unis déclassaient l’Opep sur certains marchés, ce qui a fait sortir les Saoudiens de leurs gonds, entraînant aussitôt l’Opep dans une guerre contre le schiste américain. Les pays de l’Opep risquent de revivre la même situation après avoir été durement affectés par la baisse des cours. Selon l’AIE, il n’y aura peu ou pas d’augmentation des dépenses dans l’exploration-production en dehors des Etats-Unis, cette année comme en 2017
Écrit par Hakim Ould Mohamed
