Va-t-on manquer de carburant?
Le programme ministériel de modernisation des raffineries n’a pas vu le jour.
Pour la troisième fois, en moins de deux mois seulement, la raffinerie de Skikda prend feu au niveau de l’unité 100 de traitement des essences (magna formé). Ce regrettable incident, qui s’est produit dans la soirée de jeudi dernier, a semé la panique parmi la population des localités environnantes comme Barrot, Ben M’hidi, Acacia, Hamadi krouma… et autres quartiers de Skikda même. Deux blessés légers, trois selon certaines sources, sont à déplorer dans cet incendie, survenu après une forte explosion et qui a complètement ravagé le four de cette unité.
Ce serait l’injection d’une charge vers le four, lors du démarrage, qui a provoqué l’explosion. Cette section n’est pas concernée par la réhabilitation qui aurait été effectuée à hauteur de 70% de l’unité 100 par les Sud-Coréens de «Samsung». Les éléments de la Protection civile et ceux de la Force d’intervention rapide, (FIR), ont été rapidement dépêchés sur les lieux pour circonscrire le feu, ce qui fut fait en moins de deux heures avec l’aide des agents d’intervention de la raffinerie. Une expertise sera effectuée incessamment par une équipe conjointe de Sud-Coréens et d’Algériens, représentants de Samsung et Sonatrach, pour déterminer les causes ayant engendré cet incident, le énième!
Le wali de Skikda et quelques responsables des complexes de la zone industrielle se sont rendus sur place pour constater les dégâts. Il faut dire que le processus de modernisation de la branche raffinage, le passage d’instrumentation à DCS (Digital contrôle système), qui n’a pas encore été réceptionné, ne se fait apparemment pas sans dégâts.
Pour rappel, l’incident du
«Gl 1k», le 19 janvier 2004, ayant fait 27 morts et 74 blessés, s’était produit dans les mêmes conditions: la phase d’essai des techniques de modernisation n’ayant pas été concluante. Deux incendies pareils sont advenus les 17 et 20 décembre 2012 dans la même unité de reforming, rappelle-t-on. Contacté par nos soins pour un avis sur ces incidents répétitifs dans la raffinerie de Skikda, l’expert Abderrahmane Mebtoul n’écarte pas une perturbation dans la «distribution de carburants pour la consommation locale et les exportations». Il s’élève contre les sites d’implantation de telles unités. «Il est incompréhensible, dit-il, que des plates-formes dangereuses de raffineries soient installées si près de la population, alors que dans d’autres pays, aux USA par exemple, elles le sont à 20, voire 30 kilomètres des sites densément habités comme Skikda ou Arzew.»
Il citera notamment le projet d’ammoniac et d’urée du «complexe pétrochimique d’Arzew dans lequel le groupe français Total a investi 5 milliards de dollars,» qu’il qualifie de «véritable semi-bombe atomique, avertissant que, si demain une explosion s’y produit, c’est 50% d’Arzew et de Mostaganem qui seront détruits.» En sus, ces installations pétrochimiques dangereuses provoquent-elles «des effets nocifs aux enfants et causent des effets asthmatiques aux populations…»
Mebtoul s’interroge si la sécurité de ces sites est liée au cahier des charges ajoutant que ces installations nécessitent une vigilance collective comme pour arrêter les vannes en début d’incendie.
Enchaînant ses impressions sur la position inquiétante de l’Algérie sur le marché mondial des hydrocarbures, Mebtoul rappelle que l’Algérie devrait, selon les contrats signés «généraliser l’essence sans plomb et moderniser ses raffineries sur ce plan. Ce genre d’inconvénients mène l’Algérie à des importations tous azimuts en devises fortes et a un fort impact sur la consommation interne et à l’exportation dans un marché international fort concurrentiel» notamment le marché européen.
A ce propos, Mebtoul indique que cette concurrence repose sur deux grands projets de gazoducs russes permettant de contourner l’Ukraine, la Pologne et les pays Baltes. L’un passe au nord, North Stream, à travers la mer Baltique, l’autre au sud, South Stream, à travers la mer Noire, l’Autriche et l’Italie. Il citera ce qu’on appelle aujourd’hui «l’émirati polonais» qui exploite le gaz de schiste en assurant 12 à 15% des besoins de l’Europe.
Pour examiner ce problème, le commissaire européen à l’Energie viendra bientôt à Alger pour demander une baisse des prix du gaz algérien, a encore confié Mebtoul.
Parmi ces cas concurrentiels de l’Algérie, il citera les nombreuses découvertes en Afrique et les réserves libyennes en pétrole léger comme celui produit en Algérie, et qui dispose de 1500 milliards de mètres cubes non exploités.
Quant aux USA, forts importateurs de pétrole algérien, ils deviendront exportateurs dès 2017 alors que 35% des recettes de Sonatrach proviennent des exportations vers les Etats-Unis, avertit encore cet expert.