De Ghardaïa à In Salah, ça chauffe au Sahara
Habituellement calmes et sereins, les habitants du Sud expriment violemment leur mécontentement. Un changement d’attitude qui est très lourd de sens…
Le vent de la contestation souffle de nouveau dans le Sud algérien. Des heurts communautaires en passant par la distribution des logements jusqu’au gaz de schiste, sont autant d’étincelles qui ont mis le feu dans les quatre coins de cette région sensible du pays! La fracturation du sol pour l’exploitation du gaz de schiste a réveillé les «volcans» que sont les populations de l’extrême sud du pays. Des habitants de In Salah dans la wilaya de Tamanrasset, ont dénoncé le lancement de l’exploitation des gaz de schiste dont l’inauguration du premier puits a été effectuée la semaine dernière en présence du ministre de l’Energie, Youcef Yousfi. Depuis le début de cette nouvelle année, des milliers de citoyens manifestent pour exprimer leur opposition à l’exploitation du gaz de schiste qu’ils estiment très dangereux pour la nappe phréatique et très polluant pour la nature. Ces citoyens ont bloqué des axes routiers dont l’accès au plus grand champ gazier du pays, le PK 35.
Ils se réunissent également tous les jours et pendant des heures devant la daïra de In Salah, pour disent-ils, dénoncer le refus du ministre de l’Energie, en visite la semaine dernière dans la région, de les écouter et de considérer leurs préoccupations d’ordre environnemental. Ils réclament un moratoire sur l’exploitation de ce gaz, interdit dans de nombreux pays de par le monde. Hier et avant-hier, leur protestation s’est propagée vers d’autres wilayas du Sud. Les habitants de Tamanrasset (chef-lieu de la wilaya), Djanet, Illizi, Laghouat et Ouargla ont gagné la rue pour soutenir leurs frères de In Salah. Avant ces événements, c’est Ghardaïa qui avait conclu l’année comme elle l’a commencée, c’est-à dire dans la violence. Les affrontements ont repris en fin d’année dans la petite ville de Berriane (wilaya de Ghardaïa) après une accalmie de près de trois mois. De violents heurts ont opposé les jeunes malékites et ibadites. Depuis plus d’un an déjà, la situation est tendue dans toute la vallée du M’zab. Une simple étincelle et c’est parti pour plusieurs heures de bataille telle une véritable guerre. La wilaya de Ghardaïa en général et Berriane en particulier, vit ces dernières années au rythme des violences communautaires qui ont connu leur apogée en cette année 2014. Les premières émeutes ont commencé au début de la décennie 1990 à Berriane, la ville au nord du M’zab. Et tous les cinq ou six ans, la région connaît, depuis, des accès de fièvre. Mais l’embrasement qui s’est emparé de Ghardaïa à partir de décembre 2013 est incontestablement le plus grave. Le vent de la «f’itna» n’a cessé de souffler depuis sur la vallée du M’zab au point de menacer la stabilité du pays.
A Tindouf et Touggourt, ce n’est pas la «f’itna» mais le logement qui a allumé la mèche! Les habitants de Tindouf ont «réveillonné» dans l’émeute. La publication par la daïra d’une liste des bénéficiaires de 892 logements, a provoqué la colère des non-bénéficiaires qui ont organisé un rassemblement devant le siège de la wilaya.
La suite est classique. Les autorités locales gèrent mal la crise et c’est l’émeute! Le siège de la daïra a été saccagé par les protestataires et la manifestation a tourné en émeute face aux services du maintien de l’ordre débordé. Une contre-manifestation a été organisée par les bénéficiaires qui ont eu peur que cette fameuse liste soit annulée. Il s’en est suivi une véritable débandade au cours de laquelle les habitants de la même ville se tapaient dessus à cause de l’incurie des autorités. Ces malheureux évènements sont encore plus graves car les responsables de Tindouf n’ont pas appris que des erreurs ont été commises par leurs alter ego de Touggourt. Fin novembre dernier dans cette ville de la wilaya de Ouargla, des manifestations ont causé la mort de trois personnes et fait plus d’une trentaine de blessés dont une dizaine de policiers.
Les habitants ont protesté contre le retard dans la distribution de terrains constructibles et le non-raccordement des constructions au réseau d’eau potable. Il aura fallu l’intervention des hautes autorités du pays, notamment le Premier ministre Abdelmalek Sellal et le ministre d’Etat ministre de l’Intérieur Tayeb Belaiz, pour mettre fin aux hostilités. De grandes mesures d’urgence ont du être prises sur place par les deux responsables pour calmer la population locale. Plusieurs responsables locaux ont même été relevés de leurs fonctions. En décembre dernier, des centaines d’habitants des quartiers de Hassi Messaoud ont aussi bloqué l’accès à la base du 24 Février demandant au gouvernement de lever le gel décrété en matière de constructions, il y a une dizaine d’années sur cette ville.
La wilaya de Ouargla qui est la mamelle du pays, puisque les plus grands gisements pétroliers se trouvent dans cette wilaya, est elle sujette à la protestation chronique. Que ce soit le mouvement des chômeurs, le logement ou même un petit match de foot, tout est bon pour les Ouarglis pour exprimer violemment leur ras-le-bol! Habituellement calmes et sereins, ces dernières années, les habitants du Sud expriment violemment leur mécontentement. Ces citoyens soulèvent d’autres problèmes encore plus graves avec la même tonalité, à savoir la marginalisation. Ils estiment que le Sud reste sous-développé malgré les richesses de son sous-sol. Ce changement d’attitude est très lourd de sens. Il résume à lui seul le sentiment de laissée pour-compte, de marginalisée d’une frange de la population vivant dans la région la plus riche du pays. Les autorités doivent au plus vite répondre à ce SOS d’une population en détresse. Sinon le Sud risque de perdre le…Nord!