In Salah, autonomie du pouvoir et nouveaux protocoles d’expérimentation

In Salah, autonomie du pouvoir et nouveaux protocoles d’expérimentation
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In Salah est devenu un laboratoire grandeur nature et l’on se comporte avec sa population comme si elle n’en faisait pas partie. Intéressée mais exclue du forum qui discute de son existence et de son milieu. Impliquée mais non concernée: Objet (neutralisé) mais non sujet. Les règles scientifiques ont changé mais on continue à opérer à In Salah comme si on opérait dans un laboratoire clos où choses et hommes étaient séparés. Comme si l’on pouvait séparer gaz de schiste, milieu physique et milieu humain comme dans un laboratoire où l’on procède à une expérimentation en milieu fermé pour maîtriser toutes les interactions et tous les effets.

Si à In Salah on ne peut pas appliquer les nouvelles règles de la méthode scientifique (1), les nouveaux protocoles d’expérimentation, c’est que l’existence du pouvoir algérien tient à ce rapport unilatéral aux ressources naturelles qui fait son autonomie. Il faut caractériser le pouvoir algérien comme le mode d’existence d’une élite révolutionnaire dans la période post-coloniale. Le pouvoir algérien tient son autonomie d’un principe et d’un exercice (2): Il a libéré le pays, il n’exploite pas la société (il donne sans demander). C’est en méconnaissant ces deux sources de la légitimité que l’on se méprend sur les possibilités de réforme.

Il serait dangereux de méconnaître la nature objective d’un tel pouvoir. Son refus des nouvelles règles ne tient donc pas à quelque intérêt dont il pourrait se dispenser, il tient à son fondement. Une remise en cause violente d’un tel pouvoir ne serait d’aucune utilité. Elle serait même dramatique car sans issue, elle ne pourrait profiter qu’à une nouvelle « élite révolutionnaire » qui voudrait moins remettre en cause la méthode de gouvernement que renouveler le principe de légitimité (3). Or c’est de la méthode de gouvernement dont il est question.

Afin que le pouvoir algérien puisse faire corps avec un État de droit, il faudrait qu’il révise son fondement: Non plus des ressources autonomes du point de vue du monde ET de la société mais de sources sociales (fiscalité ordinaire) et autonomes relativement du point de vue du monde (part dans la production mondiale). Il faudrait qu’il puisse passer à une nouvelle légitimité d’exercice. L’ancienne s’épargnant l’implication sociale, la nouvelle l’exigeant. La société doit pouvoir réaliser de véritables « progrès en organisation ». Or dans le cas d’In Salah, le pouvoir se trouve confronté à une telle épreuve. En souhaitant expérimenter dans le laboratoire grandeur nature d’In Salah, sans appliquer les nouveaux protocoles d’expérimentation, pour perpétuer ses ressources et son autonomie en s’appuyant sur des lobbies pétroliers, il empêche le nouveau pilier dont il aura besoin pour conserver son autonomie à longue échéance.

Il entame la nouvelle légitimité d’exercice avant même qu’elle ne soit développée, au moment même où l’ancienne prépare sa mutation (e.g.: Des péages d’autoroute, etc.). Le soutien actuel des lobbies étrangers vise autant l’intérêt présent que l’intérêt futur de leur conduite actuelle. Comme je l’ai soutenu dans l’article précédent, à propos de l’industrialisation, le pouvoir algérien en ne mettant pas la société en mesure d’incorporer les normes mondiales de production, marginalise le pays davantage.