Les importations de véhicules pour le premier semestre de l’année en cours ont approché les 530 millions de dollars. Un chiffre qui a suscité, rappelons-le, de vigoureuses interrogations, sachant que les quotas ne sont toujours pas libérés et que le montant représente la moitié de la valeur globale des importations autorisées durant l’année 2016.
Le ministre du commerce a très vite réagi pour préciser que ces importations ont été dans leur totalité effectuées par des particuliers sur fonds propres. Autrement dit, le Trésor public n’a pas été sollicité.
Une première lecture de ces données laisserait, à l’évidence, penser que face à la pénurie qui est désormais inscrite dans la durée, les Algériens ne pouvaient rester les bras croisés et attendre les hypothétiques quotas qui semblent être reportés aux calendes grecques. D’autant que les transports en commun sont encore loin de répondre d’une manière efficiente aux attentes des utilisateurs. D’où cette ruée vers les concessions automobiles européennes.
Néanmoins, une approche détaillée de ces opérations d’importation enregistrées au cours de la première moitié de l’année en cours nous renvoie vers une autre réalité beaucoup moins limpide qu’elle n’apparaît. C’est celle de véritables réseaux structurés autour de plusieurs revendeurs et quelques concessionnaires représentant des marques prestigieuses en Algérie.
Il y a lieu d’abord de souligner que presque la totalité de ces acquisitions ont été opérées dans le cadre des licences de moudjahidine qui bénéficient d’une exonération totale des taxes et droits de douane et que dans cette gamme de véhicules, le segment du haut de gamme domine largement. Signalons que ces fameuses licences sont attribuées tous les quatre ans aux seuls moudjahidine et veuves de moudjahidine et pas les veuves de chahids. Avec un prix moyen de 30 000 euros, on pourrait estimer le volume réalisé par ces transactions à quelque 17 000 véhicules importés. Les revendeurs commencent par opérer une véritable razzia sur les licences disponibles sur l’ensemble du territoire national en contribuant en même temps à la flambée de leur prix de cession qui varient actuellement entre 350 000 et 400 000 DA.
Ensuite, si la plupart effectuent par eux-mêmes ou leurs correspondants en Europe ou dans le Golfe les procédures de commande et d’acheminement jusqu’aux ports algériens, d’autres, en revanche, se concertent avec des représentants de marques installées en Algérie pour réaliser des commandes directement auprès du constructeur et obtenir de la sorte des véhicules adaptés aux c
onditions de roulage locale et une garantie couvrant effectivement les éventuels dégâts causés par la qualité du carburant notamment. Des berlines haut de gamme, des SUV, des utilitaires et même des citadines aux immatriculations étrangères se retrouvent dans les showrooms et sur les trottoirs de certaines villes du pays. La suite est une affaire de réseau de connaissances et une clientèle ciblée et habituée à renouveler fréquemment son parc auto. Les prix, en dépit de l’exonération des droits et taxes, se situent bien au-dessus des niveaux raisonnables. Et comme les perspectives d’évolution du marché officiel en Algérie sont loin d’être rassurantes, on peut avancer que la filière des moudjahidine a de beaux jours devant elle.
B. Bellil