Impact des transferts de fonds sur la pauvreté et les inégalités : Les enseignements de deux enquêtes menées en Algérie

Impact des transferts de fonds sur la pauvreté et les inégalités : Les enseignements de deux enquêtes menées en Algérie

Trois catégories de ménages ont été interrogées et le questionnaire comporte plusieurs volets : un volet ménage avec migrant et transfert, un volet ménage avec migrant mais sans transfert et un volet ménage sans migrant.

Deux enquêtes sur l’impact des transferts de fonds sur la pauvreté et les inégalités ont été menées, en mai et juin 2011, auprès de familles récipiendaires résidant dans deux communes d’Algérie, Nedroma dans la wilaya de Tlemcen et Idjeur dans la wilaya de Tizi Ouzou, révèle le Forum euroméditerranéen des instituts de sciences économiques (Femise) dans un rapport publié en avril dernier. La réalisation de l’enquête sur le terrain a été coordonnée par le Centre de recherche en économie appliquée au développement (Cread), précise le rapport du Femise.

Trois catégories de ménages ont été interrogées et le questionnaire comporte plusieurs volets : un volet ménage avec migrant et transfert, un volet ménage avec migrant mais sans transfert et un volet ménage sans migrant. Les questions posées portent sur les caractéristiques de chaque membre de la famille, leur situation sur le marché du travail (activité professionnelle, emploi). D’autres questions concernent les avoirs du ménage (habitations, terres, etc.), les revenus annuels du ménage et leurs sources de financement, dont les revenus en provenance de l’étranger, les envois d’argent des migrants et les pensions de retraite.

Une des originalités de l’enquête est qu’elle recense les anciens migrants retournés en Algérie qui perçoivent des retraites en provenance de leur ancien pays d’accueil, soit la France pour la très grande majorité des cas.

En effet, les transferts de l’étranger ne se limitent pas aux seuls envois d’argent des migrants, mais aussi aux pensions de retraite perçues par les anciens migrants revenus en Algérie. Les deux régions ont été choisies pour leur statut de région d’émigration, même si le profil des deux communes est légèrement différent.

Dans les deux régions, la migration est très forte, puisque seulement 30% des ménages à Nedroma n’ont jamais eu de membre migrant. La part est un peu plus forte à Idjeur, mais n’atteint pas la moitié des ménages.

En revanche, beaucoup plus de migrants kabyles transfèrent, car parmi les ménages d’Idjeur qui ont des migrants, près des deux tiers reçoivent des transferts. L’étude précise que beaucoup de vieux migrants sont retournés à Idjeur et perçoivent leurs retraites. Dans la commune de Nedroma où la migration est plus récente, ce pourcentage est plus faible que sur les 70% de ménages qui ont des migrants, seule la moitié reçoit des transferts. L’analyse de la partie “revenus” met en avant les ressources supérieures des ménages avec transferts, dont le revenu annuel total moyen est de l’ordre de 768 000 DA.

Ce montant est deux fois plus élevé que le revenu moyen des ménages avec migrant sans transfert (376 000 DA) et le revenu des familles sans migrant (354 000 DA). Dans ces revenus de l’étranger, la part des retraites venant de France est très importante, puisque 36% des ménages récipiendaires en bénéficient. “Si l’on rapporte cette part des retraites à l’ensemble des ménages, le taux est de 14%. Cette part est plus forte (17,5%) à Idjeur, qui a beaucoup plus de migrants âgés retournés en Algérie au moment de la retraite, alors qu’à l’inverse les ménages de Nedroma reçoivent plutôt des transferts des migrants (29% contre

22% pour Idjeur)”, précise le rapport.

En revanche, il y a près de 20% des ménages d’Idjeur qui n’ont aucun revenu local et ne survivent qu’avec les revenus de l’étranger. Ce pourcentage est bien plus faible à Nedroma, puisqu’il est de 8% (92% des ménages de Nedroma ont un revenu local). Selon le Femise, pour les deux régions, les transferts des migrants ont tendance à accroître les inégalités. “En utilisant la méthodologie du scénario contrefactuel, les transferts des migrants accentuent l’indice de Gini de sept points, passant de 0,335 à 0,403, soit une augmentation de près de 17%”, indique le Femise. L’indice de Gini est un indicateur synthétique d’inégalités des revenus.

Parmi les transferts des migrants, l’étude a mis l’accent sur l’importance des retraites de l’étranger. Elles ont un poids plus important que les envois de fonds.

“Ainsi, une augmentation de 10% du revenu due aux retraites étrangères et aux transferts accroît les inégalités respectivement de 1,1% et 0,7%”, relève l’étude. Par ailleurs, les transferts permettent de réduire de près de 9% le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté moyen, en passant celui-ci de 21,1% à 19,5% dans ces régions algériennes. Le rapport ajoute que “cet impact serait très amoindri, si les régions offraient de meilleures possibilités d’emploi”. L’étude souligne, enfin, “le cas des familles extrêmement pauvres, qui connaissent une “double absence’’, celle du migrant parti et celle du transfert qui ne se fait pas. Pour ces familles, la migration accroît la pauvreté”.

M. R.