Immigration clandestine ,L’Algérie passe du statut de pays de transit à celui de pays d’accueil

Immigration clandestine ,L’Algérie passe du statut de pays de transit à celui de pays d’accueil

“Le problème de l’immigration clandestine doit être réglé d’une manière humaine et sociale. La sanction pénale n’est pas la solution appropriée à ce phénomène”, estiment les spécialistes en droit international.

L’Algérie est devenue depuis quelques mois la destination de centaines, voire de milliers de ressortissants africains venus de différents pays du Sahel. Même si les services de sécurité ne communiquent pas les chiffres officiels sur ce phénomène, une simple virée dans les différents quartiers des grandes villes du pays, ou même dans les petites bourgades les plus éloignées, suffit pour se renseigner sur l’affluence, voire un rush sur le nord du pays.

Qualifié par certains de bombe à retardement et de danger, car ces ressortissants sont souvent en situation irrégulière et incriminés dans des affaires de faux et usage de faux, charlatanisme, falsification de documents officiels et de billets de banque, escroquerie et de crimes, sans parler des maladies sexuellement transmissibles et de commercialisation de kif, de drogues dures et d’or, ce phénomène est inquiétant.

Les victimes des Subsahariens sont nombreuses et les affaires traitées par la justice sont multiples et, parfois, complexes. Ces dernières années, les services de sécurité ont enregistré plusieurs affaires scabreuses qui mettent en péril la sécurité des Algériens. La défaillance des États avoisinants, notamment au Mali, Niger, Burkina Faso, Côte d’ivoire, Congo, Ghana… à fournir les services de base et une vie décente à leurs citoyens respectifs et à répondre aux défis sociaux et sécuritaires et les conflits existants n’a fait qu’accentuer la situation. Pour certains immigrants, l’Algérie n’est qu’un pays de transit, mais pour d’autres, c’est un pays d’accueil où ils cherchent quiétude et paix sociale.

“Nous ne sommes pas venus en Algérie pour transiter vers d’autres pays, mais pour travailler”, nous dira Fofana, 26 ans, un Malien rencontré devant un dortoir en plein centre-ville de Sétif. “Au chef-lieu de la wilaya, il n’est pas facile de trouver un travail. Nous dénichons de petits jobs dans les petites bourgades des villes d’El-Eulma, Aïn Oulmène, Aïn El-Kébira et au niveau des villages de la petite Kabylie.

Les gens y sont accueillants et sympathiques”, ajoute notre interlocuteur qui voit que l’Algérie est un pays d’hospitalité. Possédant tous les papiers nécessaires et en séjour légal, Fofana n’a jamais eu de problèmes avec la police ou la Gendarmerie nationale. Cependant, il nous a indiqué que plusieurs fois, il a entendu parler d’autres ressortissants africains qui ont été interpellés par les services de sécurité algériens. “Chaque trois mois, je traverse la frontière pour revenir quelques jours plus tard afin de pouvoir séjourner durant trois mois sans pour autant être inquiété”, nous dira Youcef, un autre Malien. “Je travaille dans une petite fabrique de sachets en plastique située à une dizaine de kilomètres de Sétif et je m’entends très bien avec mon patron. Je séjourne dans un dortoir à Sétif ville et Papa, le patron du dortoir, est très bien avec nous”, renchérit Youcef.

Il est à noter que du côté de la capitale des Hauts-Plateaux, les dortoirs qui abritent les Subsahariens poussent tel des champignons. À 250 DA, toutes les places sont réservées et il est difficile de se procurer un lit, voire un matelas pour passer la nuit. Par ailleurs, il est à noter que certains immigrants clandestins utilisent de faux documents pour entrer et séjourner en Algérie qu’ils qualifient d’eldorado de l’Afrique. Devant ce phénomène, les pouvoirs publics ont essayé de mettre fin à cet état de fait qui a pris des proportions alarmantes en promulguant de nouvelles lois dont celle datant de 2009 pour incriminer l’acte de sortie et d’entrée du territoire national d’une façon illicite en utilisant des documents officiels falsifiés ou usurpation d’identité. Certains spécialistes parlent d’autres fléaux étroitement liés à l’immigration clandestine dont la traite des personnes.

“Il ne faut pas omettre que l’esclavagisme moderne, voire la traite des personnes a atteint son paroxysme ces dernières années. Les conjonctures nationale et internationale ont engendré le phénomène de la harga qui est purement algérien et qui touche toutes les catégories des Algériens. Cela a encouragé les Africains à faire de même. En effet, les restrictions administratives imposées par la France ont encouragé le recours à ce genre d’immigration”, nous dira Me Kamel Fercha, docteur en droit international et consultant juridique international sur les migrations clandestines, le trafic des migrants et la traite des personnes. Le spécialiste estime que l’Algérie est passée de statut d’un pays de transit à un pays d’accueil et indique que la traite des personnes ou la nouvelle formule d’esclavagisme passe par l’immigration clandestine.

Promesse de mariage, exploitation sexuelle et utilisation dans des actes criminels et terrorisme, ce phénomène touche toutes les catégories d’âge et concerne les hommes, les femmes et les enfants dont la vie est mise en péril à cause des promesses des passeurs qui ne cherchent que le gain facile. “Le problème d’immigration clandestine doit être réglé d’une manière humaine et sociale. La sanction pénale n’est pas la solution appropriée à ce phénomène. La preuve, le nombre de récidivistes est éloquent.” Et d’ajouter : “Est-ce qu’il est admissible de considérer les femmes et les enfants comme immigrants illégaux et punis par la loi comme les trafiquants ? La loi algérienne ne fait pas de distinction entre les victimes et les auteurs de l’infraction, à savoir la traite des personnes.”

Selon le spécialiste, l’article 12 du code pénal met, sur un pied d’égalité, les enfants qui sont souvent exploités sexuellement, les femmes maltraitées et victimes de violence, de viol et autres agressions et les trafiquants et n’assure pas de protection à ces victimes. Il faut une loi spéciale qui prend en considération tous les aspects de ce phénomène qui constitue un cas humanitaire pour régler ce problème. Notre interlocuteur ajoute : “Il y a quelques années, un rapport des États-Unis d’Amérique a classé l’Algérie parmi les pays où la traite des personnes a atteint des proportions alarmantes. C’est peut-être exagéré certes, mais il y a une part de vérité.” Les articles 303 bis et 304 du code pénal et un nouveau texte qui s’appuie sur le texte intégral du protocole des Nations unies incriminent la traite des êtres humains sans pour autant préserver les victimes.

F. S