Imetal ou l’agonie de l’industrie sidérurgique Algérienne: Décadence d’un fleuron jadis glorieux

Imetal ou l’agonie de l’industrie sidérurgique Algérienne: Décadence d’un fleuron jadis glorieux

P160508-07.jpgAutrefois fierté de l’Algérie, le complexe sidérurgique d’El Hadjar Annaba n’est aujourd’hui qu’une usine fantôme, ballottant entre les conséquences d’un partenariat qui a fait fiasco et les mécanismes de sa réhabilitation.

Depuis Ispat, jusqu’à Imetal en passant par Mittal Steel et ArcelorMittal, le contrat de partenariat avec la multinationale Mittal Steel a été en réalité une véritable arnaque, avant de se transformer en cauchemar pour l’Etat algérien, qui a récupéré son héritage empoisonné.

Ce même Etat qui récolte aujourd’hui, en pleine crise, les conséquences d’un partenariat sur fonds d’escroquerie. Une arnaque qui avait pointé du nez, lors de la signature du contrat, en 2001, par le bradage de l’entreprise pour une somme dérisoire de 20 millions de dollars. Alors que «Roux» un bureau d’études français avait évalué à l’époque, et par défaut, la valeur du patrimoine de la défunte Alfasid à 980 millions de dollars (?!).

Notons qu’en 2001, la majorité des unités de production d’El Hadjar était performante et des créations récentes à l’image de la cokerie, les HF N°1 et 2, les aciéries ainsi que les laminoirs et les tuberies équivaudraient à plusieurs milliards de dollars. Un bradage qualifié de par aussi, plusieurs avantages consentis à Ispat par l’Etat algérien dont la couverture de l’Apsi-Agence pour la promotion de l’investissement; sur 10 ans, effacement de toutes les dettes Alfasid, réduction de 30% sur les redevances globales d’électricité, du gaz et de l’eau et surtout engagement sur la cession des mines de l’Ouenza, l’accès à la propriété de Mittal des stocks de matières premières, pièces de rechange, équipements et matériels, y compris ceux commandés, payés et non encore réceptionnés.

El Hadjar peine à se prendre en charge

C’est à croire que l’Etat algérien voulait se débarrasser de la gestion de cette entité économique! Ce partenariat qui relève de l’escroquerie pure et simple, pour ne pas dire un marché de dupes, a durant 15 ans signifié un bilan zéro. Selon Abdenour H., Dr en économie, la situation prévalant à l’époque justifiait bien les raisons de ce partenariat «le complexe d’El-Hadjar souffrait d’asphyxie bancaire, de difficultés d’approvisionnement en consommables, mais surtout de blocages dans la commercialisation, indispensables au fonctionnement des installations productrices pour indisponibilité de devises», expliqua notre interlocuteur.

Et d’ajouter: «Seulement cela ne justifie en aucun cas, les concessions de l’Etat algérien selon la règle des 51/49%, à cédé 70% des parts au partenaire et gardé seulement 30%, avec un taux de bénéfice zéro. La preuve est, qu’aujourd’hui, le complexe est au pied du mur et peine à remonter la pente». En effet, depuis Ispat et jusqu’à Arcelor, le plan Omga, une politique de réduction de la masse salariale, était à l’ordre de la politique de ce partenaire arnaqueur, pour plus de bénéfices et moins de dépenses.

A commencer par la compression systématique du personnel. Rien qu’en 2002, 1100 départs en retraites, décès et licenciements non remplacés, sur un total de 18.000 employés. Mieux encore, le géant de l’acier dans le monde recourait au recrutement dans le cadre de l’emploi de jeunes par centaines, tous payés par l’Etat algérien. Sans toutefois oublier, ces ayants droit, privés du bénéfice des oeuvres sociales de l’entreprise. Pour ne citer que ces paramètres d’escroquerie à l’indienne. En somme, c’est l’enthousiasme qui se transforme en cauchemar.

En quinze ans de partenariat le bilan n’a rien rapporté à l’Etat algérien. Bien au contraire, profitant des facilités de l’Algérie, le partenaire étranger, après avoir pompé ses comptes dans les banques suisses, et à Londres, est parti en vainqueur. Laissant les équipements d’une entité de la taille du complexe d’El Hadjar dans le délabrement total.

Aujourd’hui et depuis la récupération d’ArcelorMittal, devenue Imetal, les pouvoirs de l’Etat, tentent tant bien que mal de replacer le secteur de l’industrie de l’acier au-devant de l’économie nationale, notamment en cette période de crise où, les rentes hors hydrocarbures sont à leurs plus bas niveau de par la chute du prix du pétrole. La production sidérurgique avoisine, jusqu’à l’écriture de l’article quelque 600 t/j, alors qu’il produisait 900.000 t en 2001.

Etant épuisés jusqu’au pourrissement pour les uns et à l’arrêt pour les autres, les équipements du complexe d’El Hadjar font aujourd’hui, l’objet d’une grande opération de réhabilitation et modernisation. Un programme pour lequel l’Algérie a déboursé une enveloppe de 900 millions de dollars. L’opération dont a bénéficié l’usine, s’inscrit rappelons-le, dans le cadre du plan d’investissement global, visant la réhabilitation et la modernisation de ses installations dans l’optique d’atteindre, à l’horizon 2017, une production de l’ordre de 1,2 million de tonnes d’acier liquide par an.

Est concerné notamment par cette opération lancée fin 2015, le haut-fourneau n°2, poumon de la production d’El Hadjar. Les délais contractuels prévoient la réception pour la fin du mois de mars. Il a été consenti pour cet investissement 1 milliard de dollars, dont 355 millions de dollars réservés au financement d’opérations liées à l’exploitation et à l’assainissement de la situation du complexe et 720 millions pour la réhabilitation de la chaîne de production, avec acquisition d’équipements modernes. Avec 4 500 travailleurs, le complexe Imetal dispose d’une capacité de production prévisionnelle de l’ordre de 2 millions de tonnes d’acier. Par ailleurs, il prévoit d’acquérir et d’installer des équipements modernes adaptés aux technologies modernes de sidérurgie.

A cet effet, nous apprenons d’un cadre sidérurgiste d’Imetal, que sur les 20 employés activant dans le HFN°2, certains bénéficieront, durant la période de réhabilitation, d’une formation de terrain à l’exploitation et à l’entretien des nouveaux équipements, pendant que les autres seront affectés à d’autres unités du complexe.

Une réhabilitation aux moult reports

Contrairement à ce qui a été prévu, la réhabilitation du HF N°2 ne semble pas pour bientôt, au vu de la délicatesse de l’opération, compte tenu du délabrement de cette unité de production. L’impatience grandit de plus en plus au sein des sidérurgistes qui n’aspirent qu’à voir le HFN°2 redémarrer dans les meilleurs délais. Selon le contrat portant réhabilitation des installations du complexe d’El Hadjar, le redémarrage était prévu pour février écoulé.

La reprise de l’activité a été repoussée au mois de mars, avant d’être fixée pour mai prochain, c’est ce qui, avait été déclaré à Abdelmalek Sellal, Premier ministre, lors, de sa visite en mai dernier à Annaba. Les raisons de ce retard résident dans l’état du HF N°2 et tout le reste des installations de la zone chaude, sans entretien depuis 15 ans soit depuis la prise des commandes de l’usine, par l’Indien Lakchmi Komar.

Epuisés jusqu’au pourrissement par celui qui fut notre partenaire, les équipements de production de cette entité économique, ont été abandonnés pour la plupart à l’arrêt par le partenaire étranger, avant de se défaire d’un partenariat gagnant-perdant.

Et emportant la grande cagnotte, plaçant l’Etat algérien devant le fait accompli; face à ce partenariat qui a fait fiasco et un complexe fantôme, une main-d’oeuvre réduite aux trois quarts, et une production d’à peine 600t d’acier/an.

Sur la réfection du HF N°2 et toute l’opération de la réhabilitation, un ingénieur de la direction d’Imetal, justifie les raisons du report de la mise en service du HF N°2: «Une mission impossible, quand on sait l’importance et la diversité des travaux en cours au niveau des différentes parties du site», dira-t-il.

Tout en précisant: «Certes, il avait été prévu sa remise en marche en mars, mais si les travaux de rénovation s’éternisent c’est parce que son état nécessite plusieurs opérations qui n’étaient pas prévues ce qui a retardé son démarrage.»

Rassurant toutefois, que la date butoir est retenue pour le mois de mai, notamment si l’on considère les moyens financiers et humains mis à disposition par l’Etat algérien.

Décidément, le retard dans la mise en marche des unités du complexe sidérurgique d’El Hadjar, le limogeage de son P-DG, Djoudi Kamel, survenu il y a une semaine, sur décision de Abdessalem Bouchouareb, ministre de l’Industrie et des Mines, mais surtout, la houle d’un mouvement syndical qui, selon certaines sources commence à se faire sentir au sein de l’entreprise dont les indicateurs s’orientent de plus en plus vers la zone rouge.

Déjà très mal en point quant à la remise en marche du HF N°2 et le sempiternel conflit intersyndical, dont les armes d’une bataille rangée, sont à moitié cachées, semble favoriser l’effervescence au sein du complexe. «Nous avons décidé de nous tourner vers l’avenir, afin d’assurer une stabilité pouvant booster l’entreprise à un meilleur niveau», nous ont déclaré des sidérurgistes d’Imetal.

Mettant en avant la décision de leur tutelle, notamment avec les bruits qui courent sur le remplacement de Kamel Djoudi, par Habache Maâmar, ex P-DG de l’Opgi. Une décision selon nos interlocuteurs abusive.

«Il est impossible de faire marcher les équipements du complexe, le HF N°2 notamment au vu de la diversité des travaux qui se font en quatre phases», ont justifié les sidérurgistes. Et de souligner:

«Il fallait bien réfléchir avant de laisser les commandes entre les mains du partenaire étranger, à l’origine de tous ces dégâts».

En somme, le plan de réhabilitation du complexe est exécutable en plusieurs étapes et ne peut être achevé qu’en décembre 2016, permettant ainsi, une remise en service après les essais de performance de la zone chaude et les aciéries, selon les explications fournies par des sidérurgistes du HF N°2.

La zone de turbulences

Rappelons que le P-DG d’Imetal El Hadjar, Kamel Djoudi qui, selon certaines informations avait déposé sa démission, acceptée par la tutelle, après avoir fait l’objet de pressions quant au retard dans la mise en marche des unités d’El Hadjar, le HF N°2 notamment.

Le P-DG de Batimetal, Zerkaoui Mouloud, lui aussi, a été limogé récemment. En tout cas, les divergences des «on dit», ébranlent le secteur sur les raisons de ce double limogeage. Les uns parlent de «pressions de la tutelle», les autres évoquent les intérêts. Entre les uns et les autres, il y a ceux qui parlent de compromis entre ministre et ex-responsables dans la wilaya d’Annaba.

Dans cette spirale de questions, entre l’intégrité et l’impunité, seul l’employé reste juge dans ce genre de situation. Dans ce contexte. En effet, suite au limogeage de leur premier responsable, Zerkaoui Mouloud, le P-DG de Batimetal, un élan de solidarité a été observé jeudi, par les travailleurs de Batimetal qui ont débrayé en signe de solidarité avec leur P-DG évincé de son poste.

Le débrayage a été marqué par, l’appel lancé au patron de l’Ugta, Abdelmadjid Sidi-Saïd, afin de dénoncer la situation préoccupante, qui prévaut au sein de leur entreprise suite au limogeage sans aucune raison valable du P-DG, manifestant en même temps leur solidarité avec celui du groupe Imetal, Djoudi Kamel.

Selon certaines informations peu fiables, Abdessalem Bouchouareb, ministre de l’Industrie et des Mines serait revenu sur sa décision, concernant la démission de Kamel Djoudi. Ce dernier aurait jusqu’au 15 du mois prochain comme ultimatum, pour, mettre en marche les usines du complexe d’El Hadjar.