Les élus tentent de reconquérir leur crédibilité. Ils accorderont aux citoyens le droit de leur adresser des pétitions.
Les citoyens ne vont plus attendre que leurs élus daignent se préoccuper de leur vécu. Ils comptent pilonner à coups de pétitions les collectivités locales et le Parlement. Mais ce n’est pas suffisant.
Ils veulent aussi conquérir le droit d’adresser des pétitions à l’APN et au Sénat. Certains députés ont même l’intention de déposer des propositions pour amender la loi organique sur le fonctionnement de l’APN et du Sénat pour donner une base légale à cette revendication. Elle serait même inscrite dans la Constitution qui sera remaniée. Ils rappellent qu’un article était introduit dans ce sens lors de la première législature dans les années 1990 mais sans succès. C’était le Parti des travailleurs qui avait défendu cette option. Le président de l’APN de l’époque, Abdelkader Bensalah, avait opposé une fin de non-recevoir à cette idée. Et il avait un argument. Il ne voulait pas que son institution soit inondée de pétitions des citoyens.
Plusieurs années plus tard, il semblerait que les institutions n’ont d’autre choix que de se plier à cette exigence. L’objectif n’est pas de les faire crouler sous des tonnes de papier. Ce serait, au contraire, un formidable moyen de désamorcer la contestation sociale qui s’exprime dans la rue. Le Parlement aurait-il ainsi laissé filer sous son nez un mécanisme original qui lui aurait permis de ne pas rompre les ponts avec les électeurs? En tout cas, le pays est en train de payer la facture du fossé qui sépare les élus des citoyens.
Cette fermeture des canaux de communication a contribué à décrédibiliser la fonction de député, de sénateur ainsi que celles des membres des présidents d’APC et des APW. Les premiers (sénateurs et députés) sont accusés par la population de ne penser qu’à leurs salaires de 30 millions et une retraite dorée tandis que les seconds (membres d’APC et d’APW) sont perçus comme des prédateurs du foncier et des logements lorsqu’ils ne sont pas impliqués dans des magouilles de toutes sortes.
Mais qu’est-ce qui pousse citoyens et élus à penser à cette nouvelle forme de démocratie? Est-ce un effet de mode passager pour imprégner l’impression selon laquelle des concept modernes sont introduits dans la gestion des affaires de la cité? Bonne gouvernance et démocratie participative sont parmi ces notions qui reviennent régulièrement dans la bouche des dirigeants et des politiciens sans qu’on y décèle une once de leur concrétisation sur le terrain.
Malgré cette offensive verbale, il n’est pas sûr, non plus, qu’une forme de démocratie directe soit la panacée à un déficit de représentativité. Le cas de la Libye l’illustre parfaitement.
Le Guide n’a aucune fonction officielle et il laisse le peuple maître de son destin. Message subliminal: les citoyens sont autant responsables de leur bonheur comme de leur malheur et les dirigeants s’en lavent les mains lorsque les citoyens sombrent dans le mépris. Les tenants d’un pareil régime peuvent même transmettre le pouvoir à leur progéniture sans aucune autre forme de procès, bafouant ainsi un principe démocratique qui veut que la souveraineté revienne aux citoyens. Mais le mépris, désigné sous le vocable de hogra, n’est pas l’apanage de ce genre de systèmes politiques. Le reproche selon lequel les gouvernants font la sourde oreille aux revendications populaires est incrusté dans la pensée populaire même en Algérie et c’est en partie pour sortir de cette impasse que des réformes politiques vont être engagées avec en point de mire, l’espoir de restaurer la crédibilité de l’Etat. Chose qui ne peut se faire sans que le citoyen n’arrive à conquérir sa place dans le processus de décision politique.
Les griefs des représentants de la société civile et des partis vont très loin. On a entendu à la télé le membre d’une organisation de défense des droits de l’homme clamer, haut et fort, que le peuple algérien n’est toujours pas indépendant. 50 ans après la libération du joug colonialiste, le constat fait peur. Dans une tentative de faire barrage à ce genre d’appréciations, ce n’est qu’en 2011 que Abdelaziz Ziari découvre les vertus d’asseoir un dialogue permanent entre parlementaires et électorat. Encore que ce discours est surtout destiné à la consommation extérieure.
En effet, c’est à Panama, dans un continent lointain, que le président de l’APN veut exempter son institution de l’accusation selon laquelle elle n’est qu’une chambre d’enregistrement.
Ziari impute les troubles sociaux aux crises qui ont touché les équilibres économiques et sociaux, ce qui ne serait que le résultat d’une mondialisation insuffisamment maîtrisée. Ces problèmes dépassent les élus, se dédouane-t-il. Sans sombrer dans un antiparlementarisme fasciste, c’est court comme argument. L’abstention, l’islamisme et l’extrémisme sont les réponses à ce défaitisme.
Ahmed MESBAH