L’appréciation négative est très répandue en Algérie : «Les députés et sénateurs de la Nation ne servent à rien. A réclamer chaque fois plus d’indemnités, plus de moyens matériels les concernant personnellement, en se moquant éperdument de la base citoyenne qui leur a permis de se retrouver dans l’hémicycle…»
Et ce n’est pas la poignée d’élus qui se démènent pour contredire le préjugé, par leur engagement exceptionnel, qui pourra réhabiliter le Parlement. APN, les raisons de la mauvaise réputation…
La télévision publique diffuse parfois ces images révélatrices de gradins vides de l’APN, l’Assemblée populaire nationale souvent désertée par les députés trop occupés ailleurs, probablement à profiter de leur statut pour régler leurs problèmes.
Rachid, cadre dans une banque non loin du siège de l’Assemblée témoigne : «J’en connais plusieurs, la plupart sont dans les affaires et voyagent tout le temps, soit vers leur région d’origine soit à l’étranger. Lorsqu’on les interroge sur leur action au quotidien, ils ne cachent même plus leur désintérêt pour leur mission initiale. Ils avouent qu’ils n’ont aucun rôle réel, comme si cela suffisait pour les excuser de ne s’occuper que de leur propre business.»
Quand les députés sont soudainement nombreux à se regrouper au boulevard Zighout-Youcef, c’est que le gouvernement ou le président de la République les convoque pour leur faire voter un texte. Là, les citoyens algériens constatent avec quelle docilité les soldats du pouvoir législatif lèvent le bras quasi-unanimement pour approuver un texte que la grande majorité n’a pas lu. Seuls quelques petits groupes parlementaires de l’opposition écrasée par la masse des députés pro-gouvernement feignent de s’opposer en s’abstenant de voter ou en votant contre le projet en question tout en sachant que leur suffrage n’y changera rien…
Passifs face aux périls
Quel député peut se vanter d’une loi qui porterait son nom ou d’une initiative historique ? Quel sénateur aura osé crever l’abcès en soumettant au Conseil de la nation une question, un dossier en relation avec le quotidien de ces millions d’Algériens privés de représentants sérieux et efficaces au niveau d’une institution si importante pour le fonctionnement de la démocratie ? L’interpellation des ministres demeure toujours timorée, jamais assez audacieuse, pour éviter de s’attirer les foudres des chefs.
Le débat est verrouillé. On l’a vu lors des discussions sur nombre de projets de loi tels celui de l’ouverture de l’audiovisuel où les députés se sont contentés d’avaliser la vision rétrograde des autorités qui ont ficelé la nouvelle loi. Les députés ont renoncé à leur devoir de protéger la liberté d’expression et le rattachement à la modernité. Pis encore, tandis qu’un grave dérapage a été commis par le chef d’un parti politique, la chambre basse n’a eu aucune réaction. Pourtant habilitée à répondre aux questionnements pointus de la classe politique, en ce qui concerne l’application de la loi en cas de crise politique, de vacance du pouvoir ou d’atteinte aux institutions.
Ainsi, les députés sont restés silencieux à propos de l’agression qu’a subie l’institution militaire de la part d’un de ses anciens premiers responsables, Amar Saâdani. L’APN n’ayant pas non plus jugé utile d’intervenir au sujet de l’article 88 que certains ont évoqué pour en terminer avec l’exercice d’une présidence diminuée par la maladie du locataire d’El Mouradia. Incompétence ou stérilité forcée, le mal qui tétanise nos députés et sénateurs est trop grave pour qu’on puisse continuer à agréer une APN et un «Sénat» sans aucune utilité pour la République face à mille périls.
Au point que le prochain président élu sera peut-être contraint d’en dissoudre la composante humaine coupable d’avoir accepté de geler, sans le dire, l’un des trois pouvoirs constitutionnels du pays.