L’attente des Algériens est très loin de ce que propose la carte politique actuelle
«52% des Algériens n’accordent aucune confiance aux partis politiques.»
La politique dont on parle, celle qui attire la curiosité des médias, qui se raconte et se met en scène en cette période précise de l’histoire de l’Algérie, tente de se maquiller et de se faire plus belle que belle. Les «politiques», qui n’ont pas connu une adolescence très dure, s’adonnent à un exercice de manipulation à grande échelle avant de s’asseoir sur des sièges «éjectables», tentent au bout du compte de se maintenir davantage. En face, un peuple à qui on demande de choisir de ne rien choisir «comme d’habitude», au moins pendant les périodes d’élections. Aujourd’hui, la problématique est purement politique, puisqu’elle s’articule sur les points suivants: «La disqualification du politique par un système qui a tout clientélisé, les élections sont devenues une foire de maquignons, enfin, le système politique est devenu stérile dans sa fonction de produire de l’alternance et très fécond dans sa manière de se régénérer avec l’absence totale de débat», a soutenu un observateur bien au fait de la chose politique.
Concrètement, les réformes politiques initiées par le chef de l’Etat ont vite fini par être vidées de leur substance, si ce n’est totalement détournées de leur vocation, notamment celles qui visent une ouverture politique à la hauteur des aspirations du peuple. Le constat est édifiant, selon une enquête réalisée par un groupe de recherche algérien pour le compte d’Arab Barometer, un organisme de recherche constitué d’universitaires américains et de chercheurs arabes: «52% des Algériens n’accordent aucune confiance aux partis politiques». Cette enquête a révélé que «97% n’adhèrent à aucun parti, 84,5% ne s’intéressent pas à la politique et 60% veulent des lois respectueuses de la charia».
Un petit flash-back pour la circonstance
Les partis existant depuis plus de 20 ans, n’ont ainsi réussi à faire adhérer que 3% des Algériens à leurs structures. Ce qui signifie que l’attente des Algériens est ailleurs, très loin de ce que propose la carte politique actuelle.
18 mai 2007: Les résultats des élections législatives ont été publiés par le ministre de l’Intérieur. La coalition au pouvoir a obtenu 249 sièges à l’Assemblée populaire nationale (APN), soit une majorité absolue. Pour l’histoire, il faut rappeler que l’abstention était très élevée puisque seuls 35% des citoyens se sont prononcés (soit 6,6 millions de personnes) et parmi ces votants, 1 million de personnes ont glissé des bulletins nuls dans les urnes. Cette législature va rester dans les annales de la politique en Algérie.
Premier acte: les députés ont rompu, dès le début de leur mandat parlementaire, le lien de confiance qui devrait lier les citoyens à ceux qui ont la charge de l’intérêt général. Les députés ont procédé au triplement de leurs salaires qui sont portés en «une levée de main» plus de 25 fois le salaire minimum. Ce qui a choqué beaucoup d’Algériens qui dénonçaient alors une énième injustice.
Nouveaux partis dites-vous?
Le contexte paraît propice, selon le discours dominant de l’heure, à l’arrivée sur la scène politique de nouveaux partis. Mais, en réalité, c’est la montagne qui accouche d’une souris. Puisque le terme «nouveau», doit être pris avec des pincettes. Il faut comprendre simplement qu’il y aura du recyclage de la classe politique. Soit l’avènement de «nouveaux» sigles, pour de «nouveaux» partis, par les anciennes «gueules»!
Un petit récapitulatif du parcours des initiateurs de ces nouveaux partis renseigne sur le fait qu’aucun nouveau visage n’a émergé. Ces partis sont portés par d’anciens dignitaires du régime: ancien ministre (Amara Benyounès), ancien chef de gouvernement (Sid-Ahmed Ghozali) et ancien haut cadre de l’Etat et anciens diplomates (Mohammed Saïd). C’est dire qu’il ne s’agit là que d’une opération de recyclage de l’ancienne clientèle à qui on veut faire porter un nouvel habit. Même les islamistes qui ont lancé des nouveaux partis n’apportent pas de nouveauté, étant donné que leurs noms sont déjà connus du grand public. On cite Abdallah Djaballah, fondateur des mouvements Islah et En Nahda et Abdelmadjid Menasra, transfuge du MSP.
Et la jeunesse?
La jeunesse, «c’est une force qu’on a voulu anesthésier, marginaliser et surtout priver de tout espace d’expression», estime Kamel, un jeune licencié en psychologie. Si le pays a raté la saison du «printemps arabe», les séquences qui s’annoncent ne semblent pas être à la hauteur, ni des attentes, encore moins des enjeux nationaux et régionaux. Il est très peu probable que l’échéance électorale prochaine soit enthousiasmante. L’abstention «attendue» en est presque la réponse à terme.
Les jeunes estiment que le carnaval électoral est de retour en Algérie avec son cortège inépuisable de bluffs, de magouilles politiciennes, de mensonges, d’illusions.
En réalité, on essaie de dire et de faire croire que les dés ne sont pas pipés d’avance. Mais qu’en est-il réellement? Ce sont toujours les mêmes qui gagnent les élections. L’expérience est déjà faite depuis longtemps. C’est pourquoi aujourd’hui encore, les mêmes têtes appellent le peuple algérien à aller massivement participer aux prochaines élections, si ce n’est au nom de la défense de leurs intérêts immédiats et historiques. Cette attitude n’est pas spécifique aux élections législatives qui vont se dérouler prochainement. Les Algériens n’ont depuis toujours, plus aucune possibilité d’utiliser les élections pour défendre leurs intérêts. La seule tâche qui reste au peuple algérien maintenant est de se préparer à affirmer sa propre perspective afin de détruire de fond en comble ce système agonisant. Pour y parvenir, il doit revoir toutes ses méthodes de lutte passées, devenues désormais caduques. Ainsi, aujourd’hui, la classe ouvrière n’a pas le choix. Ou bien elle se laisse entraîner sur le terrain électoral par les anciennes gueules, qui organisent, comme de coutume, son exploitation et son oppression. Ou bien, elle organise ses luttes collectives, de façon solidaire et unie, pour défendre son avenir et celui de ses enfants.
Ce n’est que de cette façon que le peuple pourra opérer le véritable changement, c’est-à-dire, unifier ses rangs et s’organiser en dehors des partis déjà existants et dominants. Ce n’est que de cette façon qu’il pourra, dans le futur, édifier une nouvelle société affranchie du carcan de l’exploitation et de la misère sociale