Si de nombreux chantiers du bâtiment et des travaux publics sont actuellement en cours aux quatre coins de la wilaya de Tizi Ouzou, il n’en demeure pas moins que les entreprises de réalisation sont confrontées à de grosses difficultés financières engendrées, comme d’habitude, par les fréquents retards de paiement.
D’ailleurs, ils sont de plus en plus nombreux les entrepreneurs qui perdent leurs marchés à la suite des défaillances d’avancement des travaux dus essentiellement au manque de finances, surtout que certains d’entre eux sont souvent sommés de régler des pénalités de retard et sont même traînés devant les tribunaux. “Nous n’avons même pas de quoi payer nos ouvriers car de nombreuses situations financières tardent à être réglées et virées dans nos comptes bancaires”, nous a confié un entrepreneur de réalisation d’un projet de logements à Tizi Ouzou qui avoue que de nombreux chefs de projets ont même abandonné cette activité et ont carrément changé de métier.
“Quand j’ai demandé à l’administration locale de me régler mes factures impayées depuis longtemps, on m’a intimidé, et face à tous ces aléas, j’ai dû abandonner le secteur du bâtiment pour investir dans un tout autre créneau, à savoir l’agriculture dans le Sud. Dites-vous bien que, tout récemment, il a fallu que je fasse une grève de la faim pour que l’on me règle l’une de mes situations financières, alors que tout était en règle, ce qui est inconcevable”, dira un autre chef d’entreprise en bâtiment de Draâ El-Mizan, tout en précisant que d’autres collègues abandonnent leur métier car la main-d’œuvre coûte très cher surtout que tous les artisans (maçons, plâtriers, carreleurs et peintres) exigent d’être payés à la tâche.
“Les montants avec lesquels nous soumissionnons ne nous permettent pas de régler les sous-traitants car, de nos jours, personne n’accepte d’être rémunéré au salaire journalier”, a regretté un autre entrepreneur qui a mis la clé sous le paillasson depuis quelques années déjà. Par ailleurs, les microentreprises de peinture, de plomberie sanitaire ou d’électricité, généralement créées dans le cadre de l’Ansej ou de la Cnac, ne savent plus à quel saint se vouer lorsque leur argent n’est pas versé à temps ou est bloqué quelque part pour une raison ou une autre. “Si vous exigez votre dû, vous risquez de ne plus bénéficier de nouveaux projets.

Alors, nous devons nous soumettre tout en subissant le harcèlement de nos créanciers, à savoir les banques qui ne nous font pas de concession”, a, de son côté, estimé le gérant d’une entreprise de peinture en bâtiment domicilié à Boghni. D’ailleurs, que de fois avons-nous entendu que des projets ne sont pas livrés dans les délais contractuels et certains remontent à une dizaine d’années, voire plus dans certaines localités de la wilaya.
Le cas du projet des 100 logements à Frikat dans la daïra de Draâ El-Mizan est édifiant car ces appartements sociaux, qui ont été lancés depuis près d’une dizaine d’années, ne sont toujours pas achevés, et ce, malgré l’appel à plusieurs entreprises, mais qui s’est avéré vain.
Pourtant, même l’ex-wali de Tizi Ouzou, Mohamed Bouderbali, avait piqué une colère en apprenant, en novembre 2016, que le projet était à l’arrêt depuis près de trois ans. Par ailleurs, dans la commune rurale de M’kira, des logements lancés dans le cadre du RHP ne sont pas encore livrés depuis une vingtaine d’années. “Les entreprises ne peuvent plus supporter de tels retards dans le règlement de leur situation, et c’est une vraie galère pour la plupart des entrepreneurs, surtout que les réévaluations des projets tardent de plus en plus, et la faute ne nous incombe pas”, conclut un autre entrepreneur de Draâ El-Mizan.
C’est dire que le secteur du bâtiment est de plus en plus boudé par de nombreux entrepreneurs qui avaient cru en cette activité — surtout que les projets prolifèrent dans la wilaya — avant de découvrir la triste réalité du terrain.
O. Ghilès