En matière de trafic de drogue, comme dans d’autres activités criminelles, nous avons l’habitude de considérer que ce qui nous est révélé par intermittence n’est que la partie visible de l’iceberg, ou l’arbre qui cache la forêt. En plus, si, avec tous les réseaux démantelés et les barons coffrés jusque-là, il en reste toujours suffisamment pour alimenter les bilans de commissariats de police ou groupements de gendarmerie tout en alimentant les journaux en informations sourcées, c’est que l’ampleur du «phénomène» est autrement plus inquiétante.
Plus inquiétant encore : si l’on considère qu’un trafic dont on n’arrive pas à atténuer l’importance même avec autant d’efficacité dans la guerre qui lui est faite perdure encore, c’est que son «personnel» se renouvelle très vite et suscite toujours d’autres vocations. A moins que les chiffres des réseaux démantelés, des quantités de «marchandise» saisies et des trafiquants arrêtés ne soient que des… chiffres qu’on veut bien nous mettre sous les yeux.
Parce que dans la vraie vie, la volonté de lutter contre le trafic de drogue et d’obtenir des résultats en l’occurrence a besoin de livrer de vrais indices pour que cela puisse convaincre.
A commencer par là où ça devrait… commencer : la consommation. Or, on ne peut pas vraiment dire que l’investissement en la matière soit un exemple de détermination et de réussite. Les «accrocs» cliniques ne peuvent pas se désintoxiquer parce qu’il n’y a ni espace ni accompagnement humain pour ça, l’administration est plus encline à fermer les bistrots que ne l’est la police pour démanteler les «mahchachate», les islamistes qui détiennent une part du marché ne disent que ce n’est pas interdit par la religion et ils sont plutôt écoutés, le verre de vin coûte dix fois plus cher que le joint et les associations sont plus dans la morale que dans thérapie. Avec ça, on comprend qu’il y ait autant de barons. Pas spécialement ceux qu’on arrête tous les jours que Dieu fait.