Un livre, Alger-Paris : une histoire passionnelle, et voilà que les regards se braquent sur le gouvernement Sellal, dont certains membres sont cités comme étant propriétaires de biens immobiliers sur les plus huppées avenues parisiennes. L’opus, œuvre de deux journalistes français, jette un doute sur la probité de certains ministres. Du coup, il les rend objet d’une interpellation publique. À plus forte raison quand les réseaux sociaux se sont mêlés pour en faire des buzz.
Le livre, auquel les médias français ont assuré une publicité conséquente, cite, entre autres ministres ayant des biens en France, le ministre de l’Industrie, Abdeslam Bouchouareb, l’ancien gouverneur d’Alger et plusieurs fois ministre, Cherif Rahmani, le Premier ministre lui-même à travers sa fille, etc. L’ancien gouverneur d’Alger avait déjà été brocardé par Le Canard enchaîné sans avoir daigné répondre. Aussi, il se trouve qu’en dépit de la force de l’interpellation, les membres du gouvernement mis en cause n’ont pas cru utile de s’en expliquer. De leur part, aucune expression de dénégation, la justification dans pareille situation n’étant pas, il est vrai, dans la tradition des commis de l’État de rang supérieur. Seulement, pour contraster négativement avec ce qui est revendiqué officiellement comme volonté politique d’instruire les procès de la corruption, les investigations de Christophe Dubois et Marie-Christine Tabet, mais aussi les accusations proférées par des partis politiques à l’encontre de ministres ne semblent pas avoir laissé indifférents en haut lieu. Du moins, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, donne l’air d’en être sérieusement préoccupé. C’est ainsi qu’il a instruit les ministres et l’ensemble des hauts cadres de l’État de fournir par écrit la déclaration exhaustive de leurs biens, y compris leurs comptes bancaires, ainsi que leurs salaires, assortie d’une déclaration sur l’honneur. L’instruction a été édictée le 18 avril courant. À en croire des sources proches du Palais du gouvernement, un spécimen (un document type) de déclaration de patrimoine est déjà remis aux ministres et hauts cadres de l’État.
L’instruction du Premier ministre invoque en référence la loi sur la prétention et la lutte contre la corruption, ainsi que le décret présidentiel relatif à la déclaration de patrimoine. Notre source au niveau du Premier ministère ne sait pas si l’instruction de Sellal vise juste la récolte de l’information en interne ou si alors elle prélude d’une intention de publication publique. Il est fort improbable, cela dit, que la démarche de Sellal obéisse, dans ce cas précis, à une volonté de faire accéder le grand public aux informations relatives aux membres de son cabinet. Les déclarations de patrimoine sollicitées serviraient, tout au plus, à motiver d’éventuelles sanctions politiques, c’est-à-dire un débarquement du gouvernement. Il en va d’ailleurs de l’image d’un Exécutif dont nombre de membres se trouvent interpellés sur la possession de biens à l’étranger, sinon leurs noms mêlés à des affaires de corruption.
S.A.I.