«Les retraités méritent plus de considération»
Pour joindre les deux bouts, des milliers de retraités sont obligés de chercher un autre travail.
Deux événements s’annoncent pour les retraités: d’abord un rassemblement ce 25 juillet devant la Centrale syndicale, puis l’inscription de leur dossier parmi les priorités de l’Ugta à débattre lors de la tripartite de septembre prochain. Beaucoup d’espoirs en perspective. D’ailleurs, le patron de la Centrale syndicale, Abdelmadjid Sidi Saïd, n’avait pas manqué d’estimer, le 1er juillet dernier, que «les retraités méritent plus de considération», annonçant par-là même, que leur dossier sera prioritaire lors de la tripartite avec ses partenaires sociaux (gouvernement et patronat). Comment donc les retraités ont accueilli cet intérêt de l’Ugta?
C’est bien, mais…
D’une manière générale, ils saluent cette initiative tout en émettant des doutes que leur situation s’améliore au lendemain d’une «tripartite ordinaire». Ils rappellent, à juste titre, que des dispositions, les concernant, adoptées lors de la tripartite de 2009 ne sont pas appliquées à ce jour.
Mohamed A. retraité de l’entreprise publique Ecotex, ex-Sonitex, estime que l’initiative de l’Ugta «est une bonne chose», car, a-t-il ajouté, «pour une fois ils n’ont pas oublié les retraités». Cet ex- responsable commercial de l’Ecotex considère que des négociations lors ce rendez-vous est le meilleur moyen pour obtenir une amélioration du vécu des retraités à travers une augmentation de la pension. «La plupart des augmentations salariales sont arrachées après des mouvements de protestation et le blocage des secteurs d’activité. Or, les retraités ne peuvent enclencher un mouvement d’envergure ni paralyser aucun secteur d’activité, car ne travaillant pas, ne peuvent avoir des revalorisations de cette manière», a-t-il expliqué.
Pour lui, les mouvements de protestation de la Fédération nationale des retraités, ne sont que des formalités et des actions symboliques pour attirer l’attention des autorités. Toutefois, le rassemblement de ce 25 juillet est «une action qui ne fera certes pas de bruit, mais elle est importante pour qu’on se fasse entendre».
Le même raisonnement est partagé par Malek Adour, retraité à Alger. Il estime que l’Ugta a bien fait de programmer le dossier de cette corporation pour les débats à l’occasion de la tripartite.
M. Adour souhaite que cette tripartite soit suivie de mesures concrètes et consacrera «une retraite raisonnable qui assure une dignité aux retraités qui ont travaillé des dizaines d’années au service de l’entreprise et du pays».
Sadek Benidir, retraité d’une filiale de Sonatrach, estime que les retraités, notamment ceux qui n’ont pas d’autres sources de revenus, vivent une «situation déplorable». Pour lui, la prochaine tripartite ne sera une réussite que dans la mesure où «elle apporte du baume au coeur de cette corporation». D’autres retraités n’accordent aucun intérêt à cette tripartite. Djamila H. est de ceux-là. «La tripartite ne travaille que pour elle-même et ce n’est que des paroles en l’air qu’on entend. On est déçu par notre gouvernement», a-t-elle tranché. Cette ancienne assistante de direction demande rien moins qu’un équilibre entre les pensions de retraités et les exigences d’une vie décente
«Aujourd’hui, on est livré à nous-mêmes et ma retraite ne sert que pour un pot de yaourt et un bout de pain», a-t-elle dit, déplorant le fait que «on est vraiment lésé pour avoir donné le meilleur de nous-même pour d’abord nos entreprises, et partant, pour le développement de notre pays».
Notre interlocutrice a expliqué que pour joindre les deux bouts, elle s’est dégotée un autre boulot: standardiste.
Pour permettre aux retraités de mener une vie respectable, Djamila veut une retraite décente.
«Avec une retraite décente, l’Etat peut compenser la différence en réduisant les frais de soins et d’hospitalisation des vieux et vieilles en ce sens qu’ils seront mieux nourris et mieux logés, donc moins exposés aux maladies», a-t-elle souligné.
Pour la réactualisation des retraites
Les retraités que nous avons rencontrés et interrogés souhaitent également que la prochaine tripartite aboutisse à la révision du système de calcul de la retraite et sa réactualisation.
Pour eux, le système actuel est «discriminatoire» et «injuste».
Mohamed A. illustre, dans ce sens, qu’une personne ayant eu sa retraite en 1996 et une autre en 2011, ayant assumé la même fonction dans la même entreprise, n’ont pas la même pension puisque «cette dernière est calculée sur la base du salaire touché par chacun». «Avec les augmentations salariales obtenues depuis, le retraité de 2011 touche le double, voire plus que le retraité de 1996», affirme notre interlocuteur, jugeant «injuste» cette différence.
Les retraités veulent donc la réactualisation de leur pension et son établissement sur la base du dernier salaire appliqué sur la même fonction et son actualisation à chaque fois que le Snmg augmente. Ils veulent qu’un ingénieur qui est parti à la retraite en 1996 ait une retraite calculée sur le salaire de l’ingénieur qui part à la retraite en 2011. Le retraité de 2011 ne doit pas être différent de celui de 2020 et ainsi de suite. Pour étayer ses propos, Mohamed A. nous étale son propre cas. Lui, retraité de l’Ecotex, ex-Sonitex, entreprise publique, responsable commercial touche une pension de retraite de 25.000 dinars. «Une pension de misère», juge-t-il. «Le responsable commercial de l’entreprise qui sort à la retraite en 2011 aura une pension d’environ 38.000 dinars». «C’est injuste», a-t-il ajouté, précisant que les conditions de travail à l’époque sont plus dures que celles d’aujourd’hui. «S’il ne veulent pas réviser ce système de calcul, alors il y a une solution. En 1996, le Snmg était de 8000 dinars et le kilo de sucre coûtait 5 dinars. En 2011, le Snmg est de 15.000 dinars et le sucre coûte 80 dinars. Qu’ils nous édictent des mesures pour qu’on achète le sucre avec le même prix qu’en 1996 puisque notre retraite est calculée sur la base de nos salaires de l’époque», a-t-il soutenu.
Pour affronter la vie et joindre les deux bouts, surtout pour ceux qui ont à leur charge des enfants scolarisés, les retraités se cherchent d’autres boulots.
Pour l’augmentation de la prime de conjoint
Les retraités plaident également pour l’augmentation de la prime de conjoint (prime octroyée à l’épouse). Actuellement, il est estimé, selon eux, à 1 731 dinars. «C’est insuffisant», disent-ils.
Ces derniers veulent son augmentation pour au moins 6000 dinars le mois. Les retraités d’Alger, initiateurs de l’action de protestation de ce 25 juillet, revendiquent une indemnité pour la femme au foyer de 6000 dinars. Plusieurs retraités demandent également la suppression de l’impôt sur le revenu global (IRG).