Dans ce créneau inédit, l’échange d’expérience est très développé.
Dans ce créneau inédit, l’échange d’expérience est très développé.
Le boom de la téléphonie mobile en Algérie a créé de nouveaux métiers, notamment celui de réparateur de portables. Chez nous, les adeptes de cette nouvelle occupation ont un parcours atypique. Ils n’ont pas fait l’Usthb (Université des sciences et des technologies Houari-Boumediene) ou une quelconque autre école d’électronicien. Le métier, ils l’ont appris sur le tas. Ils ne se forment pas. Mais, l’on ne sait par quelle magie ils réparent les téléphones portables. Parfois ils réussissent à faire redémarrer le téléphone, parfois pas. Dans leurs boutiques, des miracles se produisent et les clients repartent avec leurs terminaux, le sourire aux lèvres. Comment devient-on «ingénieur électronicien»? Mode d’emploi.
A Belfort, du côté d’El Harrach, le comptoir de Saïd a pignon sur rue. Depuis 2004, Saïd est l’un des «ingénieurs électroniciens» les plus sollicités dans ce quartier, où, le business du mobile prospère. «Mon fils, je ne sais pas ce qui se passe avec mon téléphone. La batterie est pleine, mais lorsque je passe un coup de fil, il s’éteint parce que la batterie est déjà à plat!» dit une cliente à notre expert. Et ce dernier de lui répondre: «Ma mère, c’est ta batterie qui dérange.»
La quinquagénaire qui tend son portable à Saïd, semble anxieuse. Le technicien lui conseille aussitôt: «Ya yéma il faut changer la batterie, elle coûte entre 100 et 200 DA en occasion et 800 DA neuve!». Incrédule, la cliente fronce les sourcils: «800 DA?» «Oui ma mère. C’est le prix de la batterie d’origine dans son emballage!» insiste Saïd qui maîtrise décidément son sujet.
Sur ce, la quinquagénaire reprend son téléphone et s’en va, sans mot dire. «Vous voyez mon frère, c’est très difficile de travailler. Les gens ont l’impression qu’ici à Belfort, les téléphones et accessoires sont gratuits. Est-ce que je les fabrique?» interroge le technicien. Son téléphone sonne. Il décroche: «Non je n’ai pas encore fini de réparer. Repassez plutôt demain» dit-il à son interlocuteur avant de raccrocher.
Pendant ce temps, un autre client est déjà planté devant lui et demande: «Hein, tu n’as pas encore fini de changer mon afficheur (l’écran de l’appareil)?» Mais le réparateur lui adresse un sourire appuyé en guise de réponse: «Il faut trouver un autre afficheur identique. Je n’ai pas encore trouvé ça!» lui répond-il. Si le jeune homme répare les portables depuis six ans, ne lui parlez surtout pas de formation continue. En Algérie, on entre dans le métier avec un coach. Lui-même a été apprenti, son coach aussi avant lui et le coach du coach avant eux… mais personne ne sait qui a formé le tout premier.
Progressivement donc, l’apprenti répare les petites pannes que lui confie son mentor. Merouane, un ancien vendeur reconverti réparateur témoigne: «J’ai fait l’enseignement technique au lycée. Et donc, j’ai des dispositions pour tout ce qui est technique. Mais lorsque tu apprends, lorsque tu es bloqué, tu appelles ton prof à ton secours» confie-t-il.
A en croire ces gourous du portable, l’on comprend bien des mécanismes par la simple observation. En effet, et à les en croire, ils
ouvrent les téléphones et les observent attentivement. Après, ils les démontent pièce par pièce. «Sans ça, tu auras des surprises. Il arrive des jours où je dépanne un téléphone, et après l’avoir remonté, je me retrouve avec une pièce entre les doigts alors que le téléphone fonctionne déjà!» dit-il dans un éclat de rire. Saïd ajoute: «C’est pour cela que lorsque tu arrives, la première chose à faire, c’est d’observer. Tu ne négliges aucun détail.» Dans ce créneau inédit, le partage de l’expérience est très développé. Saïd, l’un des doyens de ce haut lieu de la vente du portable en gros et au détail, rapporte: «Personne ne peut maîtriser tous les téléphones. Certains sont forts sur les Motorola, alors que d’autres sont plus habiles à dépanner les Sony Ericsson. Lorsque tu es bloqué, tu fais appel à un collègue» informe Saïd. Tout est expéditif dans ce carrefour du mobile. Ici on reçoit les clients en moins de 5 minutes.
«Le client pose son problème. Si je peux le résoudre séance tenante, je le fais. Dans le cas contraire, je lui dis de repasser dans un ou deux jours. Tout dépend de la gravité de la panne» explique Saïd dont la table est truffée de téléphones, tous modèles confondus. Son matériel est dispersé de part et d’autre du plan de travail. A coté, une bouteille d’eau minérale non encore entamée. «Il m’arrive de travailler le soir et cette boisson me permet de mieux supporter les soirées de l’été» signale-t-il. Les prix des dépannages varient en fonction de la valeur de l’appareil.
En général, les réparations ne dépassent guère les 1000 DA pour le bas de gamme et n’excèdent rarement les 5000 DA, pour les portables haut de gamme. Selon les réparateurs, les plus difficiles à réparer sont les Sony Ericsson car ils ont des pièces délicates et chères, les Sagem à cause de la rareté de leurs pièces et enfin les téléphones chinois à deux puces. Les plus simples sont les Nokia, Motorola et LG.
L’activité semble florissante «Avant, il y avait à peine quelques réparateurs dans la capitale, Aujourd’hui, ils sont nombreux à travers tout le territoire national. Toute chose qui a provoqué la chute des prix des prestations. C’est très dur de gagner de l’argent aujourd’hui», déplore Merouane.
Saïd songe déjà à se reconvertir: «Le milieu est déjà saturé. Je suis en train de songer à changer de job» envisage cet homme marié et père d’un enfant. «Ce docteur ès bricole» se vante d’avoir déjà formé deux «étudiants». Il faut assurer la relève…