Ils s’étaient engagés à ne pas juger les manifestants : La promesse oubliée des magistrats

Ils s’étaient engagés à ne pas juger les manifestants : La promesse oubliée des magistrats

Il est bien loin le temps où les magistrats battaient le pavé, en osmose, avec le mouvement du 22 février pour réclamer un État de droit et une justice indépendante. Il est également loin le temps où un procureur de la République, depuis le perron du tribunal de Sidi M’hamed, s’élevait contre la suspension d’un magistrat ayant refusé de statuer sur une affaire de manifestant participant au mouvement. Ce jour-là, ce procureur avait clamé que “le but du hirak est de mettre fin à certaines pratiques d’un autre temps faisant du magistrat un outil aux mains du pouvoir exécutif, soumis à ses demandes et à ses desiderata”.

Un autre procureur avait même promis qu’“aucun manifestant pacifique ne sera jugé par nos soins. Nous allons imposer le respect des lois et rien que les lois”. Mais cette euphorie n’a été qu’un feu de paille. Aujourd’hui, ce sont des magistrats qui mettent sous mandat de dépôt des manifestants arrêtés pour possession de drapeau amazigh. Ces magistrats savent mieux que quiconque qu’il n’y a aucune disposition pénale qui sanctionne le port d’un emblème autre que l’emblème national. Cet épisode des manifestants arrêtés pour possession du drapeau amazigh cultive encore plus le doute sur l’indépendance de la justice. Un doute déjà bien installé lorsque l’on sait que Hadj Ghermoul est toujours en détention.

Son seul tort est d’avoir été le premier Algérien à avoir brandi une pancarte contre le cinquième mandat. Le doute est plus que permis quand des magistrats ont laissé la mort emporter Kamal-Eddine Fekhar, juste parce qu’il se battait pour faire valoir ses opinions. Un prisonnier politique qui meurt en prison, c’est toujours catastrophique en termes de crédibilité. Sur ces cas, on pouvait espérer au moins une réaction des magistrats. Mais rien n’a été fait. Le débat autour de l’indépendance de la justice n’est pas près d’être clos.

Dans l’un de ses communiqués, le Syndicat national des magistrats, version Issaâd Mabrouk, se dit libre et indépendant, mais en même temps, il reconnaît que “les conditions ne sont pas réunies pour l’être”. Certes, les magistrats sont sur le pied de guerre en poursuivant l’instruction dans plusieurs dossiers relatifs à des faits de corruption et de détournement de deniers publics, mais la justice donne toujours l’impression de fonctionner au gré de la conjoncture. Elle serait plus crédible si, en plus de mettre les méchants en prison, elle s’assurait que des innocents n’y vont pas.

Saïd Smati