Ce n’est pas un banal acte de vandalisme. C’est un véritable business qui cible des cimetières chrétiens en Algérie. Les profanateurs, qui font partie d’un réseau international, ouvrent des tombes, dépouillent les cadavres des objets de valeur, emportés avec eux, pour les revendre dans des salons des capitales occidentales. La Gendarmerie nationale enquête sur un réseau international.
La profanation des tombes, un phénomène en vogue depuis quelques années, vient de livrer ses premiers secrets. En effet, dans la journée de mardi dernier, trois individus ont été interpellés, la main dans le sac, en train de profaner une tombe dans laquelle étaient enterrés quatre Français. Ces derniers, inhumés dans les années 1873 et 1947, avaient emporté avec eux dans leur tombeau des vases de grande valeur. Des objets de valeur qui devraient profiter aux chercheurs universitaires, aux archéologues et autres historiens afin de situer le profil de ces individus, d’une part, et de remonter dans l’histoire, à savoir la période coloniale en Algérie, pour connaître leur confidentialité, d’autre part. Tout a commencé quand des citoyens ont contacté, via le numéro vert 10 55, les gendarmes de Mostaganem pour leur signaler que des individus étaient en train de creuser les tombeaux de ces ressortissants étrangers.
Au même moment, leurs complices surveillaient les lieux à bord d’un véhicule de marque Volkswagen Golf. Aussitôt alertés, les gendarmes enquêteurs se déploient. Arrivés à proximité du cimetière, les complices, à la vue des services de sécurité, ont pris la fuite, laissant leurs acolytes creuser les tombes. Pris en flagrant délit de profanation, les trois malfrats seront immédiatement interpellés. Jusqu’ici, rien d’anormal puisque l’enquête allait être orientée sur un acte de vandalisme. Mais l’aveu coupable de l’un des mis en cause a tout changé. Ce dernier avait avoué qu’ils venaient d’Oran pour récupérer des objets dissimulés dans ces tombes, indique le lieutenant-colonel Abdelhamid Keroud, chargé de la communication à la GN. “Ces malfrats avaient ciblé cette tombe, mais pas une autre, non pas pour commettre un acte de profanation, mais pour récupérer des vases ou d’autres objets enterrés avec ces personnes décédées durant les années 1800 et début des années 1900. Le comble, les mis en cause ont été envoyés d’Oran vers Mostaganem, c’est-à-dire qu’il s’agit d’une commande spéciale !”.
Ce fait, autrefois classé dans la catégorie de faits divers, est loin d’être un acte de banal vandalisme et revêt un caractère d’une extrême importance pour les gendarmes enquêteurs. D’autant que les malfrats étaient sur le point de les brader à des sommes dérisoires, entre 200 000 et 300 000 DA !
Les objets volés sont destinés à la vente aux enchères
Les profanateurs exercent pour un réseau basé à l’oueCe n’est pas un banal acte de vandalisme. C’est un véritable business qui cible des cimetières chrétiens en Algérie. Les profanateurs, qui font partie d’un réseau international, ouvrent des tombes, dépouillent les cadavres des objets de valeur, emportés avec eux, pour être revendus dans les salons des capitales occidentales. La Gendarmerie nationale enquête sur un réseau international.st du pays et qui récupère des objets datant de plusieurs décennies. Mais au profit de qui ? Le chauffeur de la Golf, arrêté plus tard, révèlera, au même titre que ses acolytes, qu’ils avaient déjà vandalisé des dizaines de tombes et dans plusieurs cimetières situés à Oran.
Si l’on se réfère aux dernières investigations menées par la Gendarmerie nationale, à travers les cellules chargées de la protection du patrimoine, dont les sépultures, des réseaux internationaux, notamment basés en Tunisie, en Espagne, en Italie ou encore en Égypte, pillent tout ce qui date de l’Antiquité, mais aussi de l’ère coloniale française en Algérie. Ces objets bradés pour la mafia occidentale sont finalement destinés à la vente aux enchères dans les capitales occidentales à des prix astronomiques. Récupérés, ils sont immédiatement envoyés dans les musées, les bases de données archéologiques et les sites historiques aux fins d’étudier l’évolution des sociétés autrefois colonisés, d’une part, et de prendre en charge le volet inhérent aux situations précoloniales et postcoloniales des populations.
Sinon, comment expliquer la profanation de certaines tombes et pas d’autres ? Comment des tombes sont ciblées à Mostaganem, à Constantine, à Tizi Ouzou, à Béjaïa et à Annaba, mais pas d’autres tombes dans ces lieux-dits ou encore dans ces douars et villages où Français civils, des chrétiens ou encore des juifs ont également été enterrés ? Les enquêteurs soupçonnent directement l’existence de filières spécialisées dans ces actes criminels à bien des égards, non sans mettre le holà dans les enceintes portuaires à partir desquelles ces objets sont transférés.
D’autant plus que la période est propice pour tous genres de trafic avec le retour des émigrés vers les capitales occidentales. À titre illustratif, un objet moyen et sans grande valeur historique est vendu aux enchères, sous d’autres cieux, entre 200 000 et 500 000 euros, alors que la valeur d’autres objets, comme les manuscrits confidentiels, les photographies ou autres objets dorés et gravés, oscille entre 2 et 3 millions d’euros.
Reste à savoir l’issue de cette enquête au vu de la gravité de la chose afin d’identifier les tenants et aboutissants de cette affaire tant en Algérie que dans l’Hexagone. Un travail de longue haleine dans lequel Interpol doit s’impliquer pour collaborer avec les services de sécurité algériens pour endiguer ce phénomène.
F .B