Les conditions et critères d’accès au master suscitent la levée de boucliers des étudiants licenciés. La formation dans le second cycle reste inaccessible pour la grande majorité des diplômés y compris ceux qui ont fait un cursus assez bon pendant les trois années de licence.
Introduit graduellement comme mode d’enseignement supérieur à partir de 2004, le LMD généralisé cette année, pratiquement à 100% à travers les universités du territoire national, ne cesse de faire des vagues et de plonger diverses facultés dans l’instabilité. L’université est sur un volcan depuis l’introduction de ce système “en raison de son adoption voire son ‘copier-coller’ sans aucune modification et adaptation aux spécificités et aux réalités du pays”, estiment de nombreux enseignants universitaires. Les dysfonctionnements de ce mode se révélaient au grand jour au fil des semestres, notamment ces dernières années, vu l’importante proportion qu’a pris l’élargissement du LMD. Il va sans dire que les lacunes recensées ont à chaque fois plongé l’université algérienne dans un cycle infernal de contestation et de perturbation. Et c’est le cas justement ces dernières semaines.
Le LMD est une fois de plus pointé du doigt et est à l’origine de la crise actuelle que traversent certaines universités. Les conditions et critères d’accès au master suscitent la levée de boucliers des étudiants licenciés. La formation dans le second cycle reste inaccessible pour la grande majorité des diplômés y compris ceux qui ont fait un cursus assez bon pendant les trois années de licence. “Le Master pour tous” est la nouvelle bataille lancée par les étudiants algériens qui réclament leur droit au second cycle. “Nous nous sommes sacrifiés pendant trois années pour pouvoir accéder au master qui, au final, nous est inaccessible pour des raisons que nous ne comprenons pas”, fulmine un licencié en droit. Une autre diplômée rencontrée à l’entrée de la nouvelle faculté avec un groupe d’étudiants qui se concertaient sur la meilleure formule de faire fléchir les responsables ajoute : “Si je voulais m’arrêter à la première lettre du sigle LMD, à savoir la licence en trois années, je n’aurais pas fait de mes études ma seule et unique raison de vivre. J’ai fait un cursus sans faute, et voilà comment je suis félicitée.” Un autre contestataire avoue que “ceux qui ont pu arracher de meilleures notes pour des raisons bien précises et, par conséquent, ont été bien classés et ont pu accéder au master ne sont pas forcément les meilleurs de la promo”. Des étudiants soutiennent qu’il serait plus judicieux pour le ministère d’ouvrir le master pour tous ou d’en faire un concours sur épreuves. “Nous voulons un master pour tous et nous l’aurons”, rechignent d’autres intervenants qui ne comptent pas lâcher prise. Les diplômés de la Faculté de droit menacent de durcir leur mouvement au cas où le rectorat ne revoit pas à la hausse le nombre de postes ouverts. Question : qu’en pensent les responsables des facultés concernées ?
Des recteurs parlent de manque d’encadrement…
Contactés pour avoir leurs versions, des recteurs et doyens nous ont surpris par des positions et des déclarations presque similaires. C’est à croire qu’ils se sont donné le mot. Minimisant l’action de protestation, ils évoquent tous le problème de manque d’encadrement des étudiants en master.
“Je résumerais la situation en deux mots : nous avons procédé à une sélection selon nos capacités pédagogiques, qui sont de 660 postes, auxquels nous avons rajouté un autre quota de 660, et ce, suite à la protestation des gens qui ont entravé le travail de la faculté. Nous avons donc 1 220 postes en master et nous ne pouvons pas faire mieux”, soutient le doyen de la Faculté de droit. Et de préciser que ceux qui ont une moyenne au dessous de 10/20 sont exclus de facto conformément à la réglementation. “Nous ne pouvons pas prendre tout le monde. Il s’agit d’un master, et non d’une année préparatoire ou une licence”, ajoute Slimane Ahmia, qui évoque un problème d’encadrement : “Nous n’avons pas suffisamment d’enseignants.” La proposition des étudiants de transformer le master en concours sur épreuves semble intéresser le doyen qui estime : “Oui, si la tutelle nous le demande. D’ailleurs, nous n’avons jamais ce genre de problèmes avec le magistère, dont le concours est ouvert pour tous, et ce sont les notes qui départagent les postulants.” De son côté, le recteur de l’université d’Alger 3 expliquera que “les dossiers des postulants sont traités par une commission, et ce, conformément à la réglementation en toute transparence. J’ai personnellement supervisé l’opération. Les critères sont appliqués rigoureusement et seuls les meilleurs étudiants y accèdent”. Rabah Cheriet évoquera à son tour “le problème d’encadrement”. “Mais nous sommes la seule université qui a ouvert 3 000 postes en master au niveau d’un institut et de deux facultés”, s’enorgueillit le recteur. Et de soutenir que “la protestation des étudiants de l’université de Dély Ibrahim n’a pas atteint les proportions alarmantes rapportées par certains médias. Ils ont amplifié la situation, alors que les étudiants poursuivent leurs cours le plus normalement du monde. Ce n’est pas une minorité de contestataires qui a eu des résultats médiocres qui va porter atteinte à tout un système”. Un système dont la généralisation risque de réserver encore beaucoup de surprises et de… contestation.
M. B