Le gouvernement voit en ces espaces commerciaux illicites une source d’approvisionnement accessible aux franges de la population, notamment celles aux revenus faibles
En dépit des textes de loi qui interdisent ce genre d’activité et la traque des vendeurs indélicats par les services de sécurité, le commerce informel ne connaît pas de répit en Algérie. Des cités entières sont squattées et des quartiers sont investis de manière illégale par des marchands clandestins qui imposent leur diktat en vendant des produits de large consommation, des fruits et légumes et autres vivres d’origine souvent douteuse. Des produits contrefaits ou dont la date de péremption est dépassée, des aliments périssables exposés au soleil et à la poussière… sont régulièrement vendus dans ces espaces illicites. Pour certains citoyens, aux bourses moyennes, la présence de ces marchands informels fait le bonheur des consommateurs.
Car, “c’est avec ces points de vente illégaux que l’on peut faire des emplettes. Ici les prix sont très accessibles. La vie est très chère, nous avons besoin de ce type de marché pour nous permettre des achats en tous genres”, arguent-ils. Les clients sont attirés par les prix abordables pratiqués par ces vendeurs arnaqueurs et ne tiennent plus compte de la qualité et de la traçabilité de la marchandise proposée à la vente.
C’est à ce niveau précisément que se situe le danger. Car, la consommation de ce type de produit peut aisément causer des maladies à la clientèle. Ces transactions commerciales informelles posent, en effet, un véritable problème de santé publique que les autorités concernées doivent impérativement prendre en charge. Dès 2012, l’État a décidé d’éradiquer à jamais ce phénomène en recourant à la force publique. Les descentes intermittentes organisées par les brigades mixtes, gendarmerie, police et agents de contrôle des directions du commerce, n’ont pas réussi, toutefois, à libérer les villes du joug du marché noir.
La mise en œuvre du vaste plan de nettoyage de ces artères commerçantes parallèles, décidé par l’État, n’a, finalement, pas atteint les objectifs escomptés. Les responsables chargés de cette mission ont baissé la garde et leur laxisme a fini par prendre le dessus. Résultat des courses : le fléau s’est renforcé, s’est imposé puis s’est étendu à toutes les contrées du pays. Il a pris des proportions préoccupantes. Familles et commerçants, qui payent leurs impôts, s’en plaignent fréquemment. En vain. Leurs plaintes sont restées lettre morte. Eux qui s’acquittent de leur fiscalité, se trouvent lourdement pénalisés par ces pratiques commerciales anarchiques échappant à toute forme de contrôle et ne contribuant nullement à l’économie nationale.
La persistance de ce fléau socioéconomique a provoqué l’ire des commerçants installés légalement. Plusieurs d’entre eux ont pris la décision de cesser leur activité et de geler leur registre du commerce, afin d’opter, eux aussi, pour l’informel. Les citoyens estiment que leurs quartiers sont devenus invivables étant donné le désordre occasionné. Certains observateurs pensent que l’indifférence des autorités, voire le laisser-aller quant à l’émergence de ce commerce irrégulier sur les trottoirs est dû au fait qu’il (ce commerce) nourrit des familles entières. Les marchands ambulants qui opèrent leur come-back aux… affaires, après chaque opération de contrôle, invoquent le problème du chômage qui, selon eux, les contraint à s’adonner à ce type d’activité.
Ce marché noir qui nourrit des familles !
“Nous travaillons pour vivre et faire vivre nos familles. Si nous avions des postes d’emploi stables, nous ne serions pas tenus de suivre ce chemin”, expliquent-ils. “Il est préférable pour nous de gagner notre vie de la sorte au lieu de voler…”, précisent-ils encore. À quelques jours du début du mois de Ramadhan, les pouvoirs publics vont, encore une fois, fermer les yeux sur ces pratiques commerciales illicites. L’État va blanchir ce marché… noir !
Il voit en ces lieux commerciaux interdits, une source d’approvisionnement accessible aux franges de la population, notamment celles aux revenus faibles. Cela dénote, par ailleurs, de l’incapacité de la tutelle à réaliser le programme quinquennal du président de la République qui prévoit la création de 30 marchés de gros, 800 de détail et 1 000 autres de proximité. Le ministère du Commerce, faut-il le souligner, a, pour le moment, perdu la bataille de l’éradication de l’informel. À l’approche du mois sacré, point de mesures importantes et urgentes prises dans ce sens. Le scénario de l’année 2016, voire des dernières décennies, va certainement se reproduire avec tout ce que cela engendre comme conséquences sur le consommateur, l’activité commerciale légale et l’économie nationale. L’on assistera vraisemblablement à la naissance de nouveaux points de vente illicites et l’élargissement de tout le marché parallèle.
Or, les pouvoirs publics sont conscients que le secteur informel qui représente, selon certains experts, entre 50 et 60% de l’économie nationale (45% du PNB, selon l’ONS), se dresse comme un obstacle majeur contre la promotion de la production nationale, insérée dans le processus de la diversification économique, enclenché par le pays. En définitive, le défi que doit relever le département du commerce est de réussir à convaincre ces “vendeurs malveillants” à suivre la voie de la légalité en leur proposant des solutions concrètes.
Le ministère gagnerait à leur offrir en fait la chance de pouvoir régulariser leur situation. Il faut, pour cela, étudier avec minutie les raisons qui poussent ces citoyens indélicats à jeter leur dévolu sur ce monde de transactions parallèles. L’on peut citer toutes les conditions jugées inaccessibles pour exercer ce métier en conformité avec la réglementation en vigueur. Au lieu d’inciter ces personnes à travailler dans la légalité, payer leurs impôts et à louer leurs locaux sans payer de charges, on les pousse à manger le pain de l’illégalité.
Tant que le problème n’est pas réglé définitivement, l’informel s’enracinera davantage et le marché sera inondé de produits périmés et contrefaits… Reste à savoir si l’étude lancée en ce sens par la tutelle apportera les solutions idoines et le remède efficace qui réduira un tant soit peu les méfaits de cette pathologie…