Des appartements aux différentes couleurs de façades, des toits en béton…Bref, rien ne semble différencier, aujourd’hui, les villages des espaces urbains en termes d’habitation.
Le mécanisme d’aide à l’habitat rural, mis en place depuis le début des années 2000, a eu raison de l’aspect ancestral des localités montagneuses. De loin, on s’aperçoit qu’il s’agit de nouvelles cités en construction, surtout qu’une grande partie des bénéficiaires de ces aides de l’Etat n’ont pas daigné achever correctement leur nouvelle habitation.
Aucune recherche d’une harmonie architecturale quelconque. Rares, voire très rares, sont les villageois qui ont privilégié de réaliser leur habitation conformément au modèle original des villages à travers la mise en place d’un toit en tuile et un espace au milieu de la maison où le soleil peut accéder. En Kabylie, comme dans l’ensemble des régions rurales du pays, le béton a pris le dessus sur la belle image que renvoyaient ces villages depuis de très longues années. Entre les localités montagneuses d’aujourd’hui et celles des années précédentes, aucune comparaison n’est possible. Si la nouvelle «reconfiguration» déplaît à plusieurs amoureux de l’authenticité, les propriétaires des nouvelles habitations, des jeunes en majorité, semblent bien trouver leur compte.
«C’est grâce à l’aide de l’Etat que nous avons pu avoir nos propres habitations. Sinon, nous ne pourrions pas réaliser un tel rêve au vu de la cherté de la vie et notre faible pouvoir d’achat. Quant à l’aspect architectural et l’image du village, cela nous importe peu !», lancent, spontanément, quelques jeunes au village Thassala, à l’est de Bouira. Ici, seules deux vieilles maisons ont résisté à l’invasion du béton et du style urbain. «Pour construire des maisons à l’ancien style, il nous faut beaucoup de temps et d’argent. Et puis, une maison est faite, avant tout, pour être habitée et non pas pour embellir un village», insistent nos interlocuteurs. Une réaction qui renseigne, on ne peut plus clairement, sur l’absence totale de conscience quant à la préservation des spécificités originales.
Il est vrai que les 700 000 dinars octroyés par l’Etat dans le cadre de l’aide au logement rural ne suffisent nullement pour mettre sur pied une demeure répondant à toutes les normes de confort et de moyens, mais le laxisme des habitants a, il faut le dire, une grande part de responsabilité dans la perte de l’«empreinte» séculaire des localités rurales. «Les villages se sont urbanisés de manière sauvage ! Partout, où on se déplace dans l’Algérie profonde, on est choqué par la disparition des belles maisons de nos ancêtres. C’est malheureux !», s’insurge Aâmi Omar, ancien immigré à la retraite et qui garde toujours sa vieille maison au village Aït Imghour, dans la commune de Boghni (sud de Tizi Ouzou). Pour lui, les pouvoirs publics sont aussi responsables de cette situation. «Avant d’octroyer une aide, il fallait imposer des normes relatives au respect de l’aspect architectural collectif des villages», regrette notre interlocuteur. Le visage des loca-lités rurales a changé, tout comme les menta-lités et les goûts de leurs habitants…
A. H.