Ils payent pour des prestations non honorées ,Les locataires AADL en ont-ils pour leur argent ?

Ils payent pour des prestations non honorées ,Les locataires AADL en ont-ils pour leur argent ?

Destinée aux bourses moyennes, la formule location-vente lancée en 2001 a introduit dans la redevance locative un chapitre appelé charges dont la contribution du locataire est censée couvrir, du moins en partie, les frais de gestion du site (gardiennage, femmes de ménage, maintenance des parties communes, des ascenseurs, citernes à eau, minuterie, etc.).

Le montant des charges a été fixé lors du lancement des programmes à 2 500 DA par mois, ce qui représente près de la moitié du loyer pour la majorité des locataires qui sont en droit d’exiger de l’AADL, la contrepartie en prestations. Qu’en est-il au juste ? Quelques années à peine ont suffi pour créer un conflit : d’une part, les locataires décriant un manquement aux engagements contractuels et, d’autre part, le gestionnaire qui accuse ces derniers d’être à l’origine des détériorations causées notamment aux biens communs. L’enquête qui suit a ciblé quelques sites à Alger.

El-Hadj K. est un de ces vieux de Sebala où il partage un F4 au 8e étage avec son fils et sa petite famille. Il assume parfaitement le statut de retraité dans lequel il est confiné depuis des années. Curieux, savant, grincheux. Son seul cauchemar c’est lorsque l’ascenseur tombe en panne, lui qui souffre déjà de maladie chronique. Il aurait souhaité un logement plus près du sol mais il a certainement frappé à la mauvaise porte. “Au début, c’était tout nouveau tout beau, mais avec le temps le site a connu beaucoup de dégradations tant au plan sécuritaire que celui de l’état des bâtiments. Il y avait au départ de bonnes initiatives d’améliorer le cadre de vie, malheureusement, cette volonté s’est estompée, et nous sommes réduits actuellement à sauver le strict nécessaire”, raconte le vieux. C’est la faute à qui ? “C’est vrai que les locataires n’ont plus l’engouement du début, mais la maintenance ne suit pas, surtout pour les ascenseurs dont les pannes sont devenues fréquentes depuis quelque temps”, répond-il, avant d’expliquer que “l’AADL ne répond pas en temps opportun aux doléances des locataires alors que ces derniers paient des charges équivalentes à la moitié du loyer”. Au fait, c’est d’une filière de cette agence qu’il s’agit, en l’occurrence, la direction générale de la gestion immobilière (Gest-Immo), Epic chargée de la gestion des sites AADL. Son voisin renchérit : “Nous payons régulièrement le loyer avec les charges afférentes à l’entretien, mais on n’a pas la contrepartie attendue. À quoi servent ces charges en dehors des pannes d’ascenseurs qui sont rarement importantes ?”, s’interroge-t-il. D’autres locataires soulèvent le problème des femmes de ménage qui ne viennent qu’une fois par semaine et dont le travail laisse à désirer. “Rien qu’à voir la manière dont elles passent la serpillère, on est renseigné sur le résultat”, dira ce jeune cadre déçu de l’état de cette cité dont il espérait mieux. À présent, il se voit partir d’ici dès que possible. Mais où ? Changement de lieu. Direction El-Achour. L’un des tout premiers sites à avoir vu le jour avec ses fameuses tours que l’ancien DG, Lazhar Bounafaâ, était fier de surnommer Tween Tours, allusion faite aux tours jumelles de New York. Autre temps, autres mœurs, cette cité occupée depuis dix ans n’a rien à envier aux autres cités en matière de problèmes. Ascenseurs en panne, coupures d’eau fréquentes ou, au mieux, une pression insuffisante boudant les étages supérieurs. Karim en connaît un bout de ces histoires d’eau. Il a vécu le cauchemar il y a quelque temps. Même si une amélioration est constatée, il n’en demeure pas moins que les coupures d’eau le hantent toujours.

Un ascenseur nommé désir

L’Algérien a-t-il la culture des IGH (immeubles à grande hauteur) ? En se fiant aux sondages les plus optimistes, on peut récolter 30% de oui. Pourquoi alors le gouvernement s’acharne-t-il à construire des tours partout ? Le sujet mérite réflexion, d’autant que les premiers de ce type d’immeubles livrés n’ont pas tardé à mettre en exergue l’échec de cette expérience. Il n’est même plus besoin de demander l’avis des experts pour s’en rendre compte et aboutir à un constat désolant. D’El-Achour nous décidons de nous rendre aux Bananiers. Mais avant, marquons une escale au site La Concorde dans la commune de Bir-Mourad-Raïs. L’un des plus petits sites de l’AADL comptant quatre tours visibles du fameux périphérique Dar El-Beïda-Zéralda. Côtoyant le BCBG Sidi-Yahia et le huppé Hydra, ce site qui avait tous les atouts d’une résidence où il fait bon d’y habiter et dont l’ancien ministre Noureddine Moussa se complaisait à appeler le bébé de l’AADL, est en proie, pourtant, à deux problèmes majeurs qui risquent de le déprécier sérieusement si aucune mesure n’est prise pour le sauver. Les ascenseurs et les bâches à eau constituent son talon d’Achille. Oui, les engins qui font monter les habitants dans leurs logements sont essoufflés et les bricolages menés en urgence ne peuvent malheureusement apporter que de courts soulagements aux habitants exaspérés et désespérés de voir ce cher matériel ne servir que tous les saint glin glin alors que les charges concernant cette rubrique sont payés chaque mois. Et si on faisait la part des choses pour, justement, donner l’occasion aux responsables de s’expliquer. Elias Beniddir, DG de l’AADL, s’en est défendu lors de la conférence de presse animée récemment. Pour lui, il est clair que le premier responsable de cette situation n’est autre que l’utilisateur.

Ce qu’en réalité, il faut lui concéder. “Les ascenseurs sont utilisés à d’autres fins que celle pour laquelle ils sont destinés à savoir faire monter les personnes”, s’écrie-t-il, précisant que ces ascenseurs sont devenus des monte-charges pour les matériaux de construction et les gravats. Mais, là aussi, on peut lui retourner la question pour savoir si ces “engins” sont de bonne qualité. Un ascenseur neuf qui montre ses limites au bout de deux ans laisse croire à une qualité douteuse. Le commentaire des spécialistes reste cependant catégorique à ce sujet : il y a, d’une part, les surcharges fréquentes et, d’autre part, les mauvaises manipulations à l’exemple du blocage des portes par la force, ce qui occasionne des petits dérèglements au début qui finissent avec le temps par générer des pannes plus lourdes et donc plus coûteuses. Le site Les Bananiers n’est pas mieux loti. La dégradation de la cité est remarquable de jour en jour. “À force de plaintes sans suite, on a fini par se résigner. Il n’y a qu’à consulter les registres de doléances qui, à mon avis, ne sont même pas lus par les hauts responsables, pour se rendre compte que tout ce qui a été convenu dans le contrat liant les deux parties n’est qu’une vue de l’esprit”, observe ce locataire qui soulève un problème d’étanchéité auquel il était confronté durant des années. En somme, les problèmes sont quasiment les mêmes avec des petites spécificités pour chaque site.

Un montant des charges largement dépassé

Face à cette situation caractérisée par la colère des locataires qui se disent plutôt floués en matière de prestations, Gest-Immo présente de sérieux arguments démontrant preuve par neuf que le gros des problèmes trouvent leur origine chez le locataire. À commencer par le plus courant qu’est la dégradation des sites. “Pensez-vous que l’AADL ou Gest-Immo est responsable d’actes de vandalisme constatés à l’intérieur des cages d’escaliers. Interrupteurs brûlés, arrachés, fils électriques pendants, sans parler des ascenseurs livrés aux enfants et jeunes adolescents qui les prennent pour des jouets ? Les parties communes sont certes protégées par le maitre d’ouvrage mais celui-ci n’a pas les moyens de surveiller à toute heure l’intérieur de chaque immeuble à plus forte raison lorsqu’il s’agit d’un grand site”, répondent les responsables. Affirmant que les charges payées par le locataire sont nettement dépassées pour couvrir les frais d’entretien des sites, M. Beniddir argumente : “Le montant des charges était plus ou moins proche de la réalité il y a quelques années. Aujourd’hui, tout a augmenté en prix à commencer par les produits d’entretien comme les détergents, balais, serpillères avant d’arriver aux pièces de rechange des ascenseurs. Ce n’est pas avec 300 DA de charges d’ascenseur qu’on peut assurer une maintenance adéquate sachant que les pannes arrivent à la vitesse de la lumière”. Ce que relaie le DG de Gest-Immo expliquant que malgré cette contrainte majeure, le cap est tenu pour concrétiser dans peu de temps un plan de maintenance généralisé des ascenseurs. Sur 1 456 ascenseurs, 323 nécessitent une remise à niveau. Un premier avis d’appel d’offres national s’est avéré infructueux. La curiosité nous a poussés à enquêter sur ce refus de prendre de l’argent sachant que notre offre était de 20 000 DA par ascenseur, soit un marché de 40 milliards. La raison est bien évidente : sur 10 ascenseurs en panne, 8 le sont par le fait des utilisateurs. Ce qui revient à dire que les pannes seraient tellement fréquentes que le réparateur ne rentrerait jamais dans ses comptes. Un deuxième avis d’appel est lancé et dont Gest-Immo escompte un résultat favorable. Il faut savoir qu’un ascenseur fait une moyenne de 200 rotations par jour. Cette surutilisation n’est pas, selon notre interlocuteur, sans porter un sacré coup au parc ascenseurs dont les réparations en 2012 ont coûté pas moins de 30 milliards de centimes dont plus de 700 millions en boutons indicateurs d’étages dégradés. Parallèlement, un autre phénomène est causeur de dégâts, nous dit-on. Il s’agit de la sous location dont chaque déménagement engendre une rotation accélérée et une surcharge pour les ascenseurs. L’exemple vient du site Les Citronniers d’Aïn Naâdja. 20% des bénéficiaires de cette cité n’occupent pas réellement leur logement qu’ils ont mis en location discrète. Le délai d’usage est excessif car les déménagements sont fréquents en raison des durées de location courtes. Les surcharges répétées ne font qu’écourter, en effet, la durée de vie d’un ascenseur. Il y a aussi le mauvais usage comme le fait de bloquer la porte de l’ascenseur par la force. Cette mauvaise manipulation qui affecte le système électronique de l’appareil coûte 13 000 DA en réparation.

Qui a tort ? Qui a raison ? Difficile à dire. Les locataires sont bien en droit d’attendre les prestations convenues dans le contrat les liant à l’AADL et pour lesquelles ils continuent de verser mensuellement le montant fixé. Les arguments de l’agence sont tout aussi plausibles devant le manque de civisme de certains locataires comme il faut reconnaître le fait de l’inflation qui rend dérisoire la contribution des charges à l’entretien des sites. Une refonte totale de gestion avec des moyens adéquats est nécessaire principalement à l’endroit des tours exigeant une maîtrise en équipements. Il semble, comme l’a confirmé le DG de l’AADL, que les choses ont été menées avec précipitation à ce sujet. Cela servira peut-être d’expérience aux projets futurs.

A. F