Le soir, quand la nuit enveloppe la ville, des bouts de rues deviennent des hôtels que se disputent à coups de pied et de poing des parias venus on ne sait d’où. Noyés le matin dans la masse des passants inconnus, le soir, ils se rencontrent en petits groupes pour dormir et vivre leurs rêves sur une paillasse, râpée par le macadam des trottoirs d’Oran.
Combien sont-ils et d’où viennent-ils ?
Les services sociaux de la wilaya estiment leur nombre à moins d’une centaine répartis sur plusieurs sites à l’instar du mur de la garnison à la place Roux, le marché Michelet, le centre-ville ou encore certains autres endroits comme des immeubles classés vieux bâti et vidés de leurs habitants.
«Les Sans domicile fixe ne sont pas une caractéristique d’Oran, nous les retrouvons dans toutes les villes et villages du pays. Actuellement nous menons une campagne à travers le social pour les recueillir et les placer dans des structures d’accueil à l’instar de Diar Errahma de Misserghine. C’est une opération qui n’est pas conjoncturelle mais qui a été renforcée depuis les instructions du wali relatives à l’assistance sociale des couches défavorisées», affirme une source de la direction de l’action sociale.
Ce sont même des familles qui squattent le soir des bouts de trottoirs pour se livrer aux bras de Morphée. «Que voulez-vous que je vous dise, je ne dors que d’un œil pour ne pas me faire voler par des voyous, qui rôdent pour s’attaquer à ceux qu’ils rencontrent sur leur chemin», dira une vieille femme venue d’un douar de la wilaya de Tiaret.
«Je n’ai plus personne là-bas depuis que mon fils a pris la mer avec des harraga. Je suis venue à Oran en croyant que des membres de ma famille allaient m’accueillir mais tous se sont détournés de moi», dira-t-elle avant de remuer le thé qu’elle faisait chauffer dans une bouilloire adossée à un mur de la garnison.
Des enfants que nous avons rencontrés à leur réveil, le matin sous les arcades de la rue d’Arzew, en plein centre-ville, se disent originaires de la wilaya de Relizane. «Lassés de ne pas trouver une occupation, nous avons pris le bus et nous avons débarqué ici. On vit de petits travaux pour les commerçants de la rue de la Bastille, nous gardons les voitures en stationnement et nous mendions. Nous n’avons l’âge ni pour trouver un emploi ni pour bénéficier d’une formation.
Nous avons choisi cette rue pour la sécurité qu’elle offre car ailleurs nous risquons le viol et beaucoup d’autres choses», affirment-ils.
Une association qui s’occupe de l’assistance aux personnes en difficulté et aux SDF a pris l’engagement de construire un centre d’accueil pour les enfants de la rue.
«Le projet est en bonne voie puisque nous avons une assiette de terrain et les travaux ont été entamés. Cette structure aura une capacité d’accueil d’une centaine d’enfants. Elle leur permettra de bénéficier d’une formation et d’avoir une oreille attentive», affirme la présidente de cette association.
Parmi les liasses découvertes se trouvaient des billets rongés par l’humidité
Au niveau de la place Roux, ce sont des familles qui occupent, le soir venu, l’espace. Une vieille personne, qui y avait élu domicile il y a quelques mois, cachait dans son matelas un véritable trésor.
Les agents du Croissant-Rouge qui s’étaient présentés à elle pour l’acheminer vers Diar Errahma ont été surpris de découvrir une grosse somme d’argent en billets de 200 et de 1000 dinars, ainsi que de pièces de 50 et 100 dinars. Ils avaient découvert même un carnet de chèques BNA que cachait sous son matelas cette vieille personne, qui avait choisi cette vie d’errance alors qu’en réalité elle possède des biens à Oran et même à Mostaganem.
Actuellement, le phénomène est sous contrôle à Oran. Le Samu social a lancé une campagne de recensement et de collecte des sans domicile fixe. L’opération ne pourra aboutir aux résultats escomptés que si elle est maintenue et renforcée car si le flux des «hères» ralentit en hiver,
l’été Oran devient une véritable destination pour ces malheureux qui y viennent pour mendier et vivre d’expédients. Les touristes qui débarquent deviennent alors une source de subsistance pour ces SDF dont certains n’hésitent pas à franchir le pas en devenant des délinquants prêts à tous les coups tordus.
F. Ben