Le grand départ
Comme chaque année, des centaines de milliers de citoyens quittent Alger pour aller passer les fêtes de l’Aïd au bled.
Certains ont déjà plié bagage, d’autres s’apprêtent à le faire en prévision de la grande fête annoncée pour jeudi ou vendredi prochain. Comme chaque année, la veille de l’Aïd, des centaines de milliers d’habitants désertent la capitale pour aller passer les fêtes au bled.
La plupart sont des salariés. Mais dans le lot figurent aussi des commerçants et artisans qui, en partant sans crier gare, créent une sacrée pagaille, obligeant les citoyens à se lever très tôt, le matin, pour pouvoir s’approvisionner en pain et en lait. Même si les pouvoirs publics ont promis de remédier à ce problème, en mettant en place un dispositif régulant l’activité commerciale durant les jours fériés et la période estivale, il n’est pas sûr que les permanences qu’ils ont instaurées, à cet effet, soient entièrement respectées. D’autant que par le passé, on a relevé de nombreuses défaillances dans ce sens en raison surtout de l’absence de textes de lois réglementant les congés.
De nombreux patrons de boulangeries se sont, d’ailleurs, plaints à ce sujet, expliquant que les artisans ont le droit de partir, eux aussi, en congé et que rien ne les empêche de les solliciter durant les fêtes de l’Aïd. Lors d’un point de presse qu’il a animé récemment pour expliquer les nouvelles mesures réglementant l’activité commerciale durant les jours fériés et la période estivale, le porte-parole de l’Ugcaa, Tahar Boulenouar a relevé certaines carences. Selon lui, le législateur a, certes, apporté des correctifs en prévoyant, désormais, des sanctions à l’encontre des commerçants réfractaires, mais il a omis d’inclure cependant, certaines modalités concernant, notamment les congés. Soulignant que la plupart des artisans boulangers de la capitale habitent à l’intérieur du pays, il a confié que beaucoup d’entre eux choisissent de partir en congé juste à l’approche de l’Aïd et ne reprennent leur travail qu’une, voire parfois deux semaines après. Qu’à cela ne tienne, la fièvre acheteuse qui s’était emparée des habitants de la capitale a baissé au niveau de certains quartiers. Seules les rues Didouche Mourad et Larbi Ben M’hidi sont encore noires de monde après le ftour. Comptant réaliser de bonnes affaires, des milliers de pères de familles préfèrent attendre les tout derniers jours, c’est-à-dire la veille de l’Aïd, pour acheter des vêtements neufs à leurs enfants. Cela marche parfois, mais ils prennent un risque, celui de ne pas trouver la paire de chaussures ou la marque de vêtements qu’ils désirent. Et lorsque ceux-ci sont disponibles, ils sont obligés de les payer au prix fort. Imaginons le cas de ces familles au revenu très modeste, qui doivent débourser au minimum 4000 DA pour habiller un enfant. Beaucoup se sont endettées durant le mois de Ramadhan et ont dû emprunter de l’argent chez un proche ou un voisin pour faire plaisir à leurs enfants. Et rien ne dit que la saignée va s’arrêter.
Car juste après l’Aïd et les gâteux préparés à l’occasion, il y a les vacances d’été, puis la rentrée scolaire, sans oublier toutes les autres fêtes auxquelles ces familles sont invitées et doivent impérativement honorer. Que ce soit pour un mariage ou une cérémonie organisée en l’honneur d’un enfant circoncis, les personnes invitées se présentent avec de nombreux cadeaux pour honorer leur présence et faire impression. Et pour couronner le tout, des millions de familles mettent la main au portemonnaie pour acheter le mouton de l’Aïd qui risque de battre de nouveaux records cette année, en raison de la cherté des aliments de bétail sur le marché.
Du moins, c’est ce que prétendent certains éleveurs. Un tableau pas très rassurant, en somme, et qui dénote que l’Algérien n’est pas arrivé au bout de ses peines et qu’il doit consentir encore beaucoup de sacrifices pour pouvoir joindre les deux bouts.