Ils ont quitté la santé publique en deux mois, Une hémorragie de 2 000 médecins spécialistes

Ils ont quitté la santé publique en deux mois, Une hémorragie de 2 000 médecins spécialistes
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C’est par vagues successives que les praticiens de la santé publique quittent leur poste de travail pour des cieux plus cléments. Ce constat alarmant est confirmé par le départ massif de plus de 2 000 médecins spécialistes qui ont préféré exercer leur talent ailleurs.

Mohamed Yousfi, président du Syndicat national des praticiens spécialistes de la santé publique (SNPSSP) a jeté hier un pavé dans la mare. C’est une véritable hémorragie. Quelque 2 000 médecins spécialistes ont quitté la santé publique ces deux derniers mois. Un chiffre effrayant qui a mis à nu la politique adoptée par le gouvernement dans le secteur de la santé. Loin du discours officiel, le chiffre donne froid dans le dos et dénote les défaillances de la stratégie du gouvernement pour arrêter la fuite des cerveaux, des médecins notamment. Ainsi, au moment où le manque de médecins spécialistes ne fait que s’accentuer, notamment dans le Sud, des milliers de professionnels de ce corps préfèrent mettre à profit leurs compétences à l’étranger ou dans des cliniques privées. Mauvaises conditions de travail, absence de considération, salaires médiocres, exclusion, sont, entre autres, les raisons de cette hémorragie. «On a tout fait pour détruire la santé publique. Le gouvernement, par sa politique, est en train de pousser les spécialiste à quitter le secteur public au détriment des citoyens», déplore Yousfi lors d’une conférence de presse. Ce responsable fait état de démissions collectives dans le secteur. Et comme le malheur ne vient jamais seul, la plupart de ceux qui ont quitté la santé publique sont des spécialistes qui traînent derrière eux une expérience de plus de 20 ans. Le président du SNPSSP affirme que sur un totale de 8 000 spécialistes que compte le secteur, 5% (soit 300) ont une expérience de 20 ans. 15 % seulement ont moins de 10 ans de carrière. Le reste, sont des jeunes diplômés, fraîchement sortis de l’université et «ils sont mal formés et sous- payés». «Ces démissions en série viennent d’aggraver la situation du secteur qui souffre déjà des ressources humaines», fulmine-t-il. D’après lui, 1 500 spécialistes ont rejoint les Centres hospitaliers universitaires (CHU) pour faire carrière dans l’enseignement. En effet, ajoute le conférencier, les CHU ont ouvert le mois de juillet dernier un concours de recrutement au profit des médecins spécialistes. Le reste, soit 500 ont quitté le secteur public pour les cliniques privées ou l’étranger.

«Qu’attend-on des médecins lorsqu’on leur impose un régime indemnitaire indigne et un statut qui dévalorise leur métier ? Qu’attend-on des médecins lorsqu’on leur fait des promesses sans lendemain», s’est interrogé Yousfi. Pour ce dernier, «aucune des revendications exprimées par les médecins spécialistes n’a été prise en charge par la tutelle». À commencer par le régime indemnitaire qui se trouve dans les tiroirs de la direction générale de la Fonction publique et qui attend l’aval du gouvernement pour être promulgué. Le conférencier affirme que ce nouveau régime indemnitaire «ne répond nullement à celui qui été signé dans le cadre de la commission mixte ministère-syndicat». «Ce régime a été confectionné de façon à détruire la santé publique», regrette-t-il. Yousfi a rappelé que le dossier du concours pour la promotion dans la carrière professionnelle institué en 1982 «dépend toujours de la signature de la Fonction publique». Pourtant, ajoute-t-il, le ministre s’est engagé à débloquer ce concours. Un engagement qui n’a pas été respecté, a-t-il dit. Idem pour la prime d’intéressement dont le dossier date depuis 2002 et qui se trouve toujours au niveau de la Fonction publique. Le dossier de logements de fonction reste toujours en suspens, soutient le conférencier. S’agissant du service civil obligatoire, le SNPSSP demande toujours son abrogation, soulignant au passage que «son maintien a des conséquence tragiques sur les vies humaines». Le président du SNPSP a exprimé, encore une fois, le rejet du statut particulier humiliant et injuste promulgué en 2009 et demande son amendement sur la base du projet de statut particulier finalisé conjointement avec le ministère de la Santé. Dans ce sens, le conférencier exige l’intervention du ministre auprès de la Fonction publique pour amender ce statut. Bref, toutes les revendications des praticiens spécialistes attendent aujourd’hui une prise en charge de la part des pouvoirs publics. Pour faire pression sur la tutelle, le SNPSSP annonce un mouvement de protestation à partir du mois prochain. Des assemblées générales de ce syndicat se tiendront début octobre pour définir la date et la nature de ce mouvement.

Par Hocine Larabi