Élaboré “sans les concernés”, ce texte de loi est “en porte-à-faux avec la Constitution”, “irréfléchi” et “en contradiction avec le souci d’une vraie justice, avec les droits de l’Homme”,
estiment les robes noires. ont marché hier à Alger pour l’abrogation de la loi portant statut de l’avocat. Comme attendu, la police n’a pas laissé faire et a empêché la marche de manière musclée. Des avocats ont été bien secoués, d’autres ont failli s’évanouir. Ils ont, cependant, réussi à atteindre l’Assemblée nationale partant du siège du tribunal d’Alger.
L’essentiel pour les avocats est dans le fait qu’ils ont réussi à “exprimer leur demande de retrait du texte de loi. Ils demandent ainsi à ce que le statut soit revu et corrigé et mis en conformité avec l’État de droit, la Constitution, les pactes et chartes internationaux sur les droits et libertés, notamment le droit de la défense”, pour reprendre le propos de
Me Sillini, bâtonnier d’Alger.
Les avocats situent leur action dans la perspective d’établissement d’une véritable justice. Comptent-ils, d’ailleurs, à travers la marche d’hier interpeller le président de la République pour qu’il “puisse jeter un regard sur ce texte qui escamote le droit de la défense”, souligne Me Sillini. Le premier point marqué contre une Assemblée qui adopte à main levée des textes controversés, les commentaires des avocats n’ont pas manqué, explicatifs, vulgarisation afin certainement de mieux tenir au courant et de prendre à témoin l’opinion publique sur la légitimité de leurs revendications.
Il s’agit d’abord, selon
Me Sillini de rallier les autres avocats à cette cause, alors que de son côté, Me Yahia Cherif qui a juste après la marche “donné son opinion” à travers un communiqué, a considéré que le texte de loi “manque énormément d’intelligence”.
Ce n’est pas l’unique grief qu’il a relevé puisque, a-t-il estimé, “ce texte de loi est en porte-à-faux avec la Constitution” et son élaboration a “oublié” les concernés, c’est-à-dire les avocats qui n’ont pas été conviés à donner leur avis. “Irréfléchi, prématuré, en contradiction avec le souci d’une vraie justice, avec les droits de l’Homme…” Une sorte d’héritage du parti unique, a estimé l’avocat qui n’a pas manqué de critiques contre le système actuel prédominé par les “administratifs”. Il a également mis l’accent sur la tendance en cours qui est l’universalité de la justice incluant de facto comme règle essentielle, l’État de droit et les droits de l’Homme et le droit de la défense. Une uniformisation qui oblige la justice algérienne à se conformer aux nouvelles règles introduites par les pactes et conventions internationaux qu’elle a ratifiés.
Les députés, qui auraient déclaré que le texte est renvoyé à la session d’automne (n’est-ce pas pour gagner du temps et refroidir l’élan contestataire des avocats ?), ne semblent pas, de l’avis des avocats, avoir saisi la portée d’un projet de texte qui “n’est pas réaliste” et que, selon le communiqué de Me Yahia Cherif, “la raison commande son retrait et la conscience d’y réfléchir aux conséquences fâcheuses s’il viendrait à être adopté…” L’avocat propose des ateliers impliquant les 31 barreaux du pays afin de se pencher sur ce domaine, l’état de la justice et la réforme de la loi 91 régissant la profession d’avocat. Et de résumer l’équation enfin avec cette implacable sentence inspirée du fonctionnement de la justice algérienne : “Le déni de justice est un crime contre l’humanité.” Car, a-t-il dit, “la justice est dans une situation catastrophique”.