Qui peut garantir qu’en juin Bougherra, Yahia, Ziani et Matmour seront au point ?
La qualification de l’Algérie à la Coupe du monde acquise, nous voilà tous en train de spéculer et décortiquer l’Equipe nationale dans toute sa composante.
Chacun se fait dans sa tête le onze de ses rêves, tant pour la CAN que pour le Mondial. Qui mettre et qui enlever ?
Lacen est acquis, après cette tempête médiatique qui a failli faire des dégâts au sein même des Verts. Ziaya aussi a mérité sa convocation pour remplacer Djebbour en Angola. Les noms qui fusent de partout ne laissent pas indifférents les joueurs qui sentent qu’on leur donne encore le sursis d’une CAN, à tout casser, avant de laisser place à d’autres. D’aucuns parmi les responsables de la FAF lèvent un doigt accusateur en direction des spéculateurs, parmi lesquels se trouvent d’anciennes gloires que les journalistes consultent régulièrement, à défaut d’approcher les premiers concernés par cette belle aventure.
Mais peut-on parler de l’effectif de l’EN avant une grande compétition et faire l’unanimité ?
Bien évidemment, cela relève de l’impossible, que ce soit en Algérie ou ailleurs.
Qui peut garantir qu’en juin Bougherra, Yahia, Ziani et Matmour seront au point ?
Et qui dit que les noms qui circulent aujourd’hui dans la presse ou même dans la tête de Saâdane seront tous cochés le jour J ? Qui peut garantir que Yahia, Bougherra, Ziani, Matmour et tous nos meilleurs joueurs actuels seront au point physiquement pendant la CAN et la Coupe du monde ?
Il n’y a pas plus incertain que le futur d’un footballeur qui est soumis chaque semaine aux chocs du haut niveau et aux épreuves diverses.
Que de grands joueurs ont raté la Coupe du monde alors qu’ils étaient quasiment sûrs de la jouer ! Et combien de joueurs ont-ils été surpris de voir leur nom retenu dans la fameuse liste des 23 mondialistes, alors que leurs espoirs étaient très infimes !
Naïli, l’inconnu, a écarté Attouga en 78 de «son» Mondial
Les cas dans le football sont légion. Les plus anciens se rappellent sans doute de Sadok Sassi alias Attouga, ce grand gardien de but de Tunisie qui avait fait pleurer tous les Algériens lors des éliminatoires, avant de céder sa place à un jeune inconnu répondant au nom de Naïli. Ce dernier avait pris la place de cette icône, alors que personne ne s’attendait à voir Attouga rater «SA» Coupe du monde.
Pour expliquer cela aux plus jeunes, c’est comme si on enlevait aujourd’hui Gaouaoui ou Chaouchi, pour mettre à leur place un jeunot qui n’a pas joué un seul match lors des éliminatoires. Cela relève de l’impossible, mais les Tunisiens l’ont bien fait et l’entraîneur qui avait osé ce sacrilège est entré dans l’histoire. Il a pour nom Abdelmadjib Chettali, ni plus ni moins.
En France, Thierry Henry avait été préféré à Ginola, Papin et Cantona
En France aussi, Aimé Jacquet avait fait pareil avec Thierry Henry qui n’avait pas joué une seule seconde avant la Coupe du monde qu’organisait son pays. A l’annonce de la liste des 23 retenus, le nom du jeune ailier de l’AS Monaco faisait tâche d’huile pour la presse locale qui réclamait la présence de Ginola, Papin et surtout Cantona. La suite a donné raison au sélectionneur des Bleus qui offrait à la France sa première Coupe du monde de l’histoire.
Même les sélectionneurs des Verts ont été écartés injustement, dont… Saâdane !
Chez nous aussi, nos deux participations en Coupe du monde ont fait des heureux et des malheureux. A commencer par les trois sélectionneurs qui avaient pris part aux éliminatoires. Avec Maouche et Rogov, il y a avait justement notre cher Rabah Saâdane qui avait laissé sa place à Khalef Mahieddine. Mais ce dernier ne tombait pas du ciel, puisqu’il avait lui aussi pris part aux mêmes éliminatoires en compagnie de Raykov, avant d’être remplacés par Bahmane, puis par le trio cité plus haut. Les changements de coachs étant plus simples à opérer, les responsables de la FAF usaient et abusaient au gré des humeurs…
Chebel, Mahyouz, Kaci-Saïd, Djennadi, , Djadaoui l’ont vécu en 82
Certains joueurs, par contre, avaient reçu de vrais coups de massue à la tête en apprenant qu’ils n’allaient pas faire partie de la liste des Mondialistes. On les avait écartés tant en 82 qu’en 86, pour ramener d’autres éléments, venus alors que la guerre était finie. En 1982, ils avaient pour noms : Chebel, Mahyouz, Kaci-Saïd, Bouiche, Djennadi, Djadaoui pour ne citer que ceux-là. Ces derniers avaient bataillé pendant deux ans pour offrir à l’Algérie cette joie immense qui a fait sortir le peuple comme au jour de l’Indépendance. Mais au mois de juin, ils étaient invités à suivre leurs camarades de loin, la mort dans l’âme. Tout comme Merzekane, Fergani, Yahi, Bouiche, Cerbah et Meddane l’ont vécu à leur tour en 1986.
Fethi Chebel : «En 82, j’ai ressenti une grande injustice, de la trahison même !»
Fethi Chebel s’en souvient bien : «Je ne pouvais pas imaginer un seul instant que je n’allais pas faire partie de la liste des 23, car j’ai été convoqué 16 fois sur 18 matchs. J’avais en plus joué le match le plus dur, à Lagos, ponctué par une victoire 2 à 0 contre le Nigeria. Ce fut un coup de massue effroyable d’apprendre que mon nom ne figurait pas sur la liste du coach. Je ne le cache pas, j’étais resté longtemps traumatisé, car je ne pouvais pas avaler une telle déception», nous a confié l’ancien coéquipier de Michel Platini. Mais que peut éprouver un joueur dans une telle situation ? «Un sentiment de profonde injustice et de frustration. On ne sait pas comment faire face à ses proches et sa famille. Je me sentais trahi, poignardé dans le dos par les miens», a-t-il ajouté.
Kaci-Saïd : «En 82, j’étais titulaire et on m’a écarté !»
Kaci-Saïd aussi était dans le même cas. Il avait «bouffé» la poussière de toute l’Afrique, risqué sa vie dans tous les stades, avant de voir son nom rayé injustement de la liste. «Je me suis senti trahi après mon éviction de l’équipe. De quel droit peut-on enlever un joueur qui a joué pratiquement tous les matchs de qualification pour offrir sa place à un autre moins concerné ? Il n’y a pas de doute, on a été très injuste envers moi et les autres, car on était des titulaires dans cette équipe qui a qualifié l’Algérie. Comment voulez-vous qu’on se taise, même 27 ans après !»
Yahi : «J’avais pourtant été décisif dans cette qualification pour le Mondial 86 !»
Pour Hocine Yahi, l’injustice a été subie en 1986, au Mondial du Mexique. Tant d’années passées n’ont pas réussi à atténuer la douleur de sa frustration. «Je suis resté longtemps traumatisé et à ce jour, lorsqu’on évoque cette injustice, je ne peux pas rester insensible», nous a-t-il dit d’un ton amer. «Ma déception était d’autant grande que j’avais espéré faire partie des 23, après mes belles prestations lors des éliminatoires. J’avais donné des passes décisives et marqué des buts importants. Je ne pouvais donc pas m’imaginer rater ce Mondial. J’étais en plus arrivé à maturité et je pouvais faire encore mieux qu’avant. Mais certains responsables en avaient décidé autrement, à notre grand malheur», a poursuivi l’ailier de charme de l’EN des années 80.
Yahi : «Si un génie émerge, on ne peut pas l’écarter de l’EN, mais… »
Passée la frustration, il était important de connaître l’avis de ces joueurs sur la venue de Lacen, Ziaya et les meilleurs Algériens susceptibles de renforcer les Verts au Mondial sud-africain.
Yahi est on ne peut plus clair : «S’il y a des génies qui émergent d’ici là, je ne vois aucune raison pour qu’on leur ferme la porte. Il y va de l’intérêt de l’EN et celle-ci doit être mise au-dessus de nous tous. Mais si c’est pour faire venir un joueur moyen, juste pour faire plaisir à X ou Y, je ne suis pas d’accord. La liste des 23 devrait dans ce cas renfermer les joueurs qui ont sué pour arracher la qualification. A niveau égal, celui qui a fait partie de l’aventure depuis le début devra être prioritaire, car c’est son droit. Mais si un joueur brille en Europe, il n’y a pas de raison pour ne pas l’accueillir», a-t-il dit.
Kaci-Saïd : «Préserver la stabilité de l’équipe et injecter du neuf à petites doses »
Pour sa part, Kaci-Saïd reste sur une position un peu plus défensive, même s’il reconnaît que l’Equipe nationale appartient à tous les Algériens qui la méritent. «Il faudrait aussi donner leur chance à ceux qui n’ont pas encore joué. Peut-être qu’ils montreront qu’on ne s’était pas trompé en les faisant s’asseoir sur le banc depuis le début des éliminatoires. A mon avis, la santé du groupe est plus importante. Il ne faut surtout pas faire l’erreur d’injecter du sang neuf en abondance, car on risque de tuer le groupe. Il faut tout faire pour préserver la stabilité du groupe. Mais si c’est pour intégrer sagement des joueurs de la trempe de Lacen, je crois que l’EN n’en sera que plus forte», a assuré Kaci-Saïd du haut de sa grande expérience avec les Verts.
Nacym Djender