«Les appâts empoisonnés et les produits anticoagulants utilisés lors des campagnes de dératisation, semblent n’avoir plus aucun effet sur les rats d’égouts à Sidi Bel- Abbès.» C’est le constat dressé par les spécialistes du bureau d’hygiène communal de Sidi Bel-Abbès qui relèvent, curieusement, qu’après le traitement de chaque foyer d’infestation, les populations de ces envahissants rongeurs, au lieu de se réduire par l’effet d’ingestion d’importantes doses létales de raticides, auraient tendance à se maintenir, voire augmenter, dans la quasi-totalité des quartiers de la capitale de la Mekerra.
Le niveau de pullulation des rats et des souris est tel, aujourd’hui, que le phénomène a fini par susciter les plus grandes inquiétudes au sein de la population locale et des responsables des services municipaux.
Selon Bounia Abdelkader, cadre de la santé auprès du BHC, «le problème se pose tout particulièrement pour le ‘Klerat’, un anticoagulant de marque utilisé depuis plusieurs années à grande échelle à Sidi Bel-Abbès et qui vient de prouver, avec le temps, son inefficacité chez de nouvelles générations de rats et de souris. Consommé même à petite dose, le Klerat qui réduit la capacité du sang à se coaguler (anticoagulant) devrait, en toute logique, provoquer la mort des rongeurs par hémorragie.
Malheureusement, ce ne fut pas toujours le cas sur un grand nombre de sites traités en ville…» «Le phénomène serait dû, explique le spécialiste, au fait qu’après des années d’utilisation de ce produit, les rats d’égouts et les souris auraient pu développer une forme de résistance aux anticoagulants.

D’une opération à l’autre, les équipes de dératiseurs mobilisés par le BHC, constatent, amèrement, que tous leurs efforts devenaient de plus en vains sur le terrain… Et que les populations de rongeurs nuisibles n’en finissaient pas de proliférer à une échelle jamais connue auparavant. »
«Des cas gravissimes ont été relevés, notamment au niveau du centre-ville et de la périphérie, avec des ordures ménagères et détritus de tous genres qui s’amoncellent à longueur de la nuit et de la journée sur les trottoirs, les terrains vagues, les chantiers abandonnés et à proximité des marchés de fruits et légumes où les colonies de rats ont trouvé un lieu favorable à leur survie et leur reproduction.»
Le problème se pose avec une acuité extrême au faubourg de Sidi Djillali, la cité Sorecor, le Rocher et certains groupes d’habitations et d’édifices publics du centre-ville dont les caves et les canalisations du soussol ont été totalement colonisées par les populations de rats.
Il y a quelques mois, comme nous l’a rapporté le même cadre du BHC «des dératiseurs, dotés pourtant des équipements adéquats, ont dû boucher, à l’aide de gros sacs, certaines issues traversées en leur présence par des vagues incessantes de rats…
Ce n’est qu’après qu’ils ont pu travailler tranquillement sur les sites ciblés.» En dépit des règles d’hygiène qui se sont relâchées, notre interlocuteur n’en reste pas moins persuadé que l’inefficacité du produit, à savoir le Klerat, est, dans le cas présent, le premier à mettre en cause.
Cet avis est aussi partagé par des spécialistes de l’Institut national de la protection des végétaux (INPV) qui confirment l’existence, depuis quelques années, de foyers de résistance aux anticoagulants chez certains rongeurs, notamment le rat d’égout.
Des études auraient été menées sur le sujet par de nombreux chercheurs étrangers, notamment britanniques et français, qui avancent l’hypothèse que le phénomène serait dû à une mutation génétique. Ce gène serait le VKORC1 qui aurait muté, note-ton, chez les populations de rongeurs résistants. Ce qui serait sans nul doute le cas observé chez les rats d’égouts à Sidi Bel-Abbès qui auraient transmis la mutation de résistance aux générations actuelles.
C’est pour dire que ce problème de rats mutants est loin d’être une vue de l’esprit et nécessite, par voie de conséquence, une prise en charge urgente de la part des laboratoires spécialisés et des autorités locales pour épargner d’autres souffrances à la population bel-abbésienne qui garde toujours en mémoire le triste épisode des deux décès dus à la leptospirose en 2007 ou encore les 98 personnes admises, l’été de la même année, au CHU Hassani Abdelkader pour une infection due à un hantavirus transmis aux malades par l’intermédiaire… des rats d’égouts.
Mir Mohamed