Ils occupent de plus en plus les artères d’Alger : La mendicité ne «jeûne» pas

Ils occupent de plus en plus les artères d’Alger : La mendicité ne «jeûne» pas

Il est bien vrai que la pratique est vieille comme Hérode, il n’en demeure pas moins qu’elle fleurit d’une manière fulgurante durant le ramadhan.

Les rues d’Alger, sans exception aucune, sont parsemées de mendiants de toute origine, parfois regroupés par famille entière, père, mère et enfants. Handicapés, vieux et jeunes, femmes, ils jaillissent de toute part pour squatter les espaces publics : parvis des mosquées, abords des cimetières, gares routières, cafés, restaurants, jardins publics… Bref, ils sont partout. Le phénomène est endémique. Les rues Abane Ramdane, Ali Boumendjel, Hassiba Ben-Bouali, Larbi Ben-M’hidi, Bab-Azzoun, l’avenue Pasteur et bien d’autres artères de la capitale sont «habitées » par les mendiants. «Ô âme charitable, aide une personne faible, Rabi te le rendra plus tard», s’écrie d’une voix suppliante une femme à l’adresse des passants à l’avenue Pasteur.



A quelques mètres d’elle, un homme, main tendue et tête baissée pour éviter peut-être le regard inquisiteur de certains. Autre fait, les femmes n’hésitent pas à traîner avec elles des enfants en bas âge, voire des nourrissons. Bab-Azzoun. Une expression vague dans ses yeux, une femme, la trentaine, lance : «Vous croyez que c’est facile de tendre la main pour quelques pièces de monnaie ?» Les maux et les mots pleuvent. Cette mère célibataire poursuit : «Après le divorce, je me suis retrouvée avec un enfant à nourrir. Il y a l’allocation alimentaire de mon ex-époux. Mais, celle-ci ne suffit pas, et en ce moment, il me faut cet argent pour préparer la rentrée scolaire de mon fils qui fera cette année ses débuts à l’école». Regard nimbé de tristesse et un sourire un peu cassé, une adolescente explique également les raisons qui l’ont poussée vers la mendicité. «Tout a commencé en 2006. Une dispute familiale s’est enclenchée. On m’a accusée à tort d’un acte que je n’ai jamais commis. J’ai, alors fugué et depuis je n’ai plus remis les pieds à la maison», raconte-t-elle non sans contrition. Autre lieu, autres raisons de cette déchéance. Rue Larbi Ben-M’hidi. Un quinquagénaire s’explique : «J’ai été licencié de mon poste de travail. Je me suis retrouvé au chômage. Au début, je n’étais pas très inquiet, j’avais de l’argent sur moi. Mais aujourd’hui, je n’ai rien. Et comme c’est toujours ardu de trouver un emploi, je suis vieux, il ne me restait que la mendicité pour subvenir aux besoins de ma famille», résume-t-il

VRAIS OU FAUX MENDIANTS : L’IMPOSSIBLE DISTINCTION

Pour d’aucuns, ceux qui s’adonnent à la mendicité ne sont pas dans le besoin mais juste pour se faire de l’argent facile. Mieux encore, ils accusent ces derniers, notamment les femmes, de louer des enfants auprès de parents peu scrupuleux, et les initient à ce «métier».

Témoignages.

pris une septuagénaire en train de descendre d’un véhicule pour prendre place sur le trottoir et y faire la manche. «C’était à Kouba dans la rue allant vers l’annexe de la maison de la presse», souligne-t-il. Depuis, ce jeune de 34 ans ne regarde plus les mendiants avec le même œil. «Il pourrait y avoir de vrais mendiants mais ils sont en train de payer pour les faux », ajoute-t-il. Un autre citoyen rencontré à la placette de Bab El Oued abonde dans le même sens. «Un jour, j’ai accosté un mendiant et lui ai proposé de la nourriture, mais à ma surprise il a refusé précisant qu’il voulait plutôt d’argent».

Même son de cloche chez Ami Saïd. Ce septuagénaire croit dur comme fer qu’il s’agit de faux mendiants. Pour lui, ces gens profitent de la générosité des Algériens. «La règle est claire : un homme n’est jamais démuni tant qu’il a une langue dans sa bouche et qu’il est en bonne santé», assène-t-il. Des propos qui n’ont pas laissé indifférente Nora qui jure par tous les saints qu’elle est une vraie mendiante. «En écoutant ce genre de propos, la douleur dépasse les limites de la conscience. Moi, en tout cas, j’ai la conscience aussi pure que le souffle d’un nouveau-né», lance-t-elle.

En tout état de cause, il convient de souligner que le ministère de la Solidarité a annoncé, récemment, qu’un projet de loi portant des dispositions dissuasives contre la mendicité est en cours d’élaboration. L’objectif est de lutter contre les réseaux de mendicité notamment ceux recourant à des bébés, des enfants, ou des personnes handicapées. Avant lui, Djamel Ould Abbès, alors ministre de la Solidarité, avait promis une enquête nationale sur le phénomène. Mais depuis, rien n’a été fait. Entre-temps, la mendicité a pris des proportions inquiétantes.