Le ton se fait plus ferme
A peine cette alliance scellée qu’elle affiche déjà ses ambitions politiques: atteindre les plus hauts sommets de l’Etat.
A défaut de bomber le torse, les islamistes algériens, grisés par la vague verte qui a déferlé en Afrique du Nord, ne veulent pas céder un pouce de leur «territoire». Et de le démontrer par une présence accrue sur le terrain vague déserté par les démocrates, ils multiplient les promesses et les propositions, voire – s’il le faut – musclent leur discours. Abdelmadjid Menasra apostrophe le Premier ministre, Bouguerra Soltani veut une Constitution faite sur mesure par et pour les islamistes et Fateh Rebaï promet un gouvernement populaire. Un discours ficelé avec soin pour ne pas réveiller des blessures encore vives chez le peuple algérien. Mais il y a une faille dans la cuirasse car le jargon utilisé trahit les ambitions d’un Etat islamique jusque-là timidement affichées. Le cofondateur de l’alliance verte, excelle dans la surenchère politicienne.
S’exprimant à l’occasion d’un meeting populaire, M.Soltani a indiqué que le Parlement qui émanera du scrutin du 10 mai prochain «doit être capable de mener seul l’élaboration de la future Constitution, loin de toute pression ou ingérence», ajoutant que cette «Constitution doit aboutir à l’émergence d’un système parlementaire susceptible de traduire, en réalité, les aspirations du peuple algérien». Cette déclaration sonne comme un avertissement pour on ne sait qui? Sinon, pourquoi insister sur une évidence si ce n’est une arrière-pensée de ce pratiquant de l’entrisme à outrance.
Si cette déclaration venait d’un islamiste pur et dur qui a de la consistance et de la constance dans ses positions et approches politiques, on aurait dit qu’il aurait commis une erreur de stratégie par euphorisme.
Or, faut-il faire confiance à Bouguerra Soltani dont même l’électorat et le vivier commun d’où il puise la mouvance islamiste, lui reprochent son opportunisme démesuré: «Après avoir passé près de dix ans dans l’antre du pouvoir, participé et cautionné toutes les dérives, il n’a pas hésité à s’aligner du côté des islamistes. Que fera-t-il demain si un autre camp lui faisait appel, des étrangers le soudoyaient, ne risque-t-il pas d’aller jusqu’à menacer les intérêts du pays?» s’interrogent les citoyens encore. Pour sa part, le secrétaire général du mouvement En Nahda, Fateh Rebaï, a affiché les ambitions du conglomérat politique islamiste dénommé «Algérie verte».
«Nous sommes sortis de l’esprit partisan étroit pour s’allier dans le cadre de ‘l’Algérie verte » dans le but d’écarter l’actuel gouvernement et constituer un gouvernement populaire», a-t-il déclaré dans un meeting hier à Oran. Il s’est longuement attardé sur les enjeux des élections législatives du 10 mai et l’alliance des partis islamistes autour de projet baptisé «Algérie verte» et ce, tout en expliquant les objectifs principaux de cette union. Ainsi donc, à peine cette alliance islamiste scellée que ses ambitions politiques commencent à se dessiner: il s’agit d’atteindre les plus hauts sommets de l’Etat.
En effet, le mouvement En Nahda l’a annoncé clairement: les partis composant l’alliance de l’Algérie verte tendent à se placer en tant que force parlementaire importante aux fins de procéder aux changements au sein même de l’Assemblée populaire nationale.
Fateh Rebaï est très explicite: «Nous nous sommes alliés pour corriger le cours des réformes et ce, lors de la prochaine Assemblée populaire nationale.» Se voulant être à la fois sûr et rassurant, le leader du mouvement En Nahda a mis en garde contre toute tentative de fausser les résultats des élections du 10 mai. «Toute main touchant aux résultats des urnes est traître aux martyrs de la révolution de la Libération nationale», a-t-il lancé.
Sur un autre registre, le paysage politique de la deuxième ville du pays a totalement changé de façade et de rapports de force ces derniers jours, la scène politique connaît une effervescence sans précédent. Si les états-majors de toutes les formations politiques sont en alerte rouge, les bases locales ne sont pas en reste. La mobilisation est perceptible un peu partout.
Sachant que tous les chemins mènent à l’hémicycle de Zighout-Youcef, tous les coups sont permis et toutes les pistes sont bonnes à emprunter. L’enjeu est de taille tandis que la guerre est de plus en plus acharnée et ce, à la moindre petite rumeur, faussant tous les calculs, jetée dans la rue en vue de sonder les réactions des populations locales.