Un dossier qui ne tient pas la route
Beaucoup d’annonces et toujours pas de véhicules. C’est en ces termes que peut être résumée l’aventure de Renault en Algérie.
Les partis représentés à l’APN veulent des têtes. Ils ne supportent plus que les autorités du pays soit roulées dans la farine par Renault. Des noms de certaines personnalités impliquées dans le dossier circulent déjà. Les élus veulent les rendre publiques. Ils seraient même en contact avec la Dgsn, la Gendarmerie nationale et la justice pour rassembler des éléments à verser à leur dossier.
Le but est de débusquer les personnes qui protègent Renault en Algérie. Les annonces successives d’un éventuel investissement pour la production de véhicules en Algérie ont fini par venir à bout de la patience des partis. Même dans le cas où l’investissement serait consenti, il n’est pas sûr que le pays va en tirer des dividendes conséquents.

La dernière annonce parvenant de Renault a trait au fait que l’usine ne sera implantée ni à l’Est ni a Alger mais à Oran. Quelle sera la prochaine parade du groupe pour gagner plus de temps? Les élus veulent aussi savoir pourquoi la porte demeure fermée à d’autres investisseurs qui sont intéressés par le marché des véhicules en Algérie? Selon les informations qui ont filtré sur le projet, les voitures de l’usine seraient destinées au marché local alors que dans la région, Renault a déjà une unité à Tanger dont l’essentiel de la production est destiné à l’exportation. Renault, qui négocie depuis plus de deux ans l’implantation d’une usine en Algérie, n’a signé que récemment un protocole d’accord mais les discussions continuent en vue d’un texte définitif. A ce stade, rien n’est décidé en termes de calendrier pour la future implantation. C’est la cacophonie totale.
L’usine devait fabriquer initialement la voiture la plus vendue par Renault en Algérie: la Symbol, une Clio II à coffre apparent dont le segment de marché varie entre 50.000 à 75.000 unités par an. Sa capacité aurait pu être de 75.000 voitures par an. Avant de revoir le chiffre à la baisse. Il serait de moins de 20.000. Avant les députés, les économistes se sont aussi intéressés à ce projet. Le Pr Abderrahmane Mebtoul pose cette question. Une usine de voitures algérienne de 75.000 unités permet-elle d’atteindre le seuil de rentabilité? Selon lui, les usines qui se maintiendront sur chaque pays seront les plus compétitives, les priorités des dirigeants des constructeurs automobiles étant la technologie. Il est constaté que pour tout projet fiable à moyen et long terme, il s’agit de produire au minimum 300.000 à 500.000 unités pour les gammes de large consommation et non pas de produire 50.000 à 75.000 voitures en misant uniquement sur le marché intérieur algérien, sachant à l’instar de la Snvi, que la majorité des inputs seront presque tous importés. Selon Mebtoul, toute étude de marché sérieuse suppose que l’on réponde au moins à une question stratégique: construit-on actuellement une usine de voitures pour un marché local alors que l’objectif du management stratégique de toute entreprise est régional voire mondial, afin de garantir la rentabilité financière face à la concurrence internationale? Il y a d’autres questions. Quel est ensuite le nombre d’emplois directs et indirects créés, puisqu’un certain nombre d’emplois indirects restent les mêmes (garages, magasins), et avons-nous la qualification nécessaire tenant compte des nouvelles technologies appliquées à l’automobile? L’Algérie étant importatrice de pétrole dans moins de 15 ans, ces voitures fonctionneront-elles à l’essence, au diesel, au GPL ou seront-elles hybrides ou solaires? Quel sera le prix de cession de ces carburants et la stratégie des réseaux de distribution pour s’adapter à ces mutations technologiques? Au Maroc, l’usine Renault produit deux nouveaux modèles entrée de gamme: la famille Dacia Lody et un petit véhicule utilitaire sur une ligne de production à capacité de production annuelle de 170.000 véhicules et à terme, la capacité passera à 400.000 véhicules/an.