Ils étaient encore des milliers hier à la place de la république: Les Algériens de France veulent le changement maintenant

Ils étaient encore des milliers hier à la place de la république: Les Algériens de France veulent le changement maintenant

Les manifestants ont également ciblé le président français lui reprochant son soutien à Bouteflika.

“Abdelaziz Macron soutient un coup d’État constitutionnel contre le peuple algérien.” La pancarte est bien mise en évidence sur le monument éponyme qui surplombe la Place de la République, à Paris, où des milliers d’Algériens — plus de 10 000 selon les organisateurs — se sont rassemblés.

Le message est clair. Il est adressé au président français qui a promptement “salué”, la semaine dernière, la décision de son homologue algérien de reporter l’élection présidentielle et de se maintenir au pouvoir pour gérer la transition.

“Macron agit selon une logique coloniale. Il cautionne un pouvoir inféodé qui sert les intérêts de la France et asservit les Algériens”, dénonce Rachid, au milieu d’une foule immense.

C’est la quatrième fois depuis le 19 février dernier, que le jeune ingénieur manifeste à République. “Je reviendrai s’il le faut cent fois, jusqu’à ce que ce régime tombe”, fait-il savoir, résolu.

La même détermination transparaît dans une belle brochette de post-it, collés sur un panneau. “Le gang qui a fait main basse sur la République algérienne va partir. Il partira”, “Nous demandons un changement radical”, “Le peuple est plus fort que le pouvoir”, ont écrit des mains anonymes en français, en arabe et en tifinagh. De grandes feuilles blanches alignées sur le sol ont également servi à transcrire les revendications des manifestants.

Contrairement aux rassemblements précédents, les protestataires ne se sont pas contentés, cette fois, de scander des slogans. Ils ont aussi exprimé des propositions sur l’organisation de la transition politique en Algérie. Des stands installés notamment par Jil Jadid Europe ont servi de lieux de discussion et d’échanges. “Nous ne devons pas nous faire voler notre victoire sur le régime. Il faut nous organiser pour entériner le changement”, souligne Salima, militante associative. Après avoir quitté l’Algérie dans les années 90, forcée à l’exil par le terrorisme, elle s’imagine aujourd’hui de retour.

“Je voudrais prendre part à la reconstruction du pays, à la réalisation de tous les rêves qui nous ont été confisqués, voir les femmes et les jeunes libres de prendre leurs destin en main”, se projette la manifestante.

Mouloud souhaite voir ses enfants qui l’ont accompagné, renouer un jour avec la terre de leurs aïeux, y vivre et y apporter, une fois grands, leur savoir et leur expertise. “L’Algérie m’a formé, mais elle ne m’a pas donné, à moi, la chance de construire un avenir. Eux le feront peut-être”, espère notre interlocuteur.

Jamais sans doute, le lien des Algériens — expatriés en France — avec leur pays n’a été aussi perceptible. À République, les clameurs et les chants ont fait vibrer la fibre patriotique des manifestants qui, tard dans l’après-midi, avaient encore du mal à quitter la place.

Comme d’habitude, le rassemblement s’est distingué par une organisation infaillible. Il a été un modèle de civisme dans la capitale française, marquée la veille par les manifestations violentes des Gilets jaunes.

Des jeunes avec des brassards ont veillé au grain, empêchant les manifestants de déborder sur la chaussée. Certains portant des gilets ont été placés au milieu de la rue pour faire la circulation, à la place des agents de l’ordre.

“Macron, ne t’occupe pas de l’Algérie, occupe-toi des Champs-Élysées”, se sont d’ailleurs moqués des Algériens sur une pancarte. Il est à noter qu’une délégation de binationaux doit rencontrer, aujourd’hui à l’Élysée, des conseillers du président français. Elle souhaite aussi s’entretenir avec lui pour lui demander d’arrêter de cautionner le régime algérien et d’être plus attentif aux revendications du peuple.

À Paris, ces revendications seront de nouveau exprimées dimanche prochain, au cours d’un énième rassemblement. Le comité d’organisation formé d’une dizaine d’associations de l’émigration devra se réunir, demain, mardi, pour esquisser les contours du prochain rassemblement.

S. L.-K.