Ils étaient des milliers à répondre à l’appel du Cnddc,Pari gagné pour les chômeurs du Sud

Ils étaient des milliers à répondre à l’appel du Cnddc,Pari gagné pour les chômeurs du Sud

“Nous n’avons pas de revendications politiques ; nous ne cherchons pas à occuper des postes politiques, mais nous réclamons des postes d’emploi, des logements, nous aspirons au développement de notre région, longtemps marginalisée”, répétaient, dans un mégaphone, des membres du CNDDC, pendant qu’on pouvait lire sur une banderole accrochée au monument de la place : “Unité nationale : la ligne rouge”.

Les chômeurs du Sud ont tenu leur pari.  Certes, le Comité de défense des droits des chômeurs (CNDDC) n’a pu réunir le “million” de jeunes comme souhaité, dans cette région connue pour être des moins peuplées du pays, mais il a réussi à organiser, tout de même, un grand rassemblement pacifique.

Il y avait au moins une dizaine de milliers de participants, entre jeunes chômeurs issus de différentes wilayas du Sud et des citoyens venus leur apporter leur soutien, à investir durant toute la première moitié de la journée de jeudi dernier l’immense place du 1er-Mai jouxtant le siège de l’Apc de Ouargla. Étaient également présents des élus de différentes obédiences politiques, dont des députés du FFS venus d’Alger.

Ceci, quand bien même les chômeurs n’ont de reconnaissance qu’à leur propre comité (CNDDC). Et ils le disent publiquement : “Nous n’avons besoin de personne pour nous représenter, ni les députés ni les élus locaux et encore moins les notables. Nous sommes les représentants de nous-mêmes et nous voulons dialoguer directement avec les décideurs de ce pays.” Une fois n’est pas coutume, les services de sécurité, vraisemblablement instruits, se sont faits très discrets à cette occasion. L’organisation stricte des chômeurs aidant, la manifestation s’est ainsi déroulée dans une ambiance pacifique jamais connue auparavant. En atteste le sourire affiché par un officier de police engageant le conciliabule avec un élu local à l’intérieur du parking de l’Apc où étaient stationnés les camions de brigades antiémeutes.

Déterminés à faire entendre leur voix, les chômeurs ont scandé à tue-tête des slogans parfois très hostiles au pouvoir certes, mais aussi d’autres plus raisonnables pour réaffirmer leur amour au pays et leur attachement à l’unité nationale. Plutôt leur civisme. “Halte à la marginalisation, à la hogra”, “Nous voulons notre part de pétrole”, ou encore “Cessez de nous traiter de… cherdima” — allusion au dérapage verbal commis par le Premier ministre, Sellal, désormais désigné ennemi juré des chômeurs du Sud — sont les expressions qui reviennent sur les lèvres de tous les manifestants. Ils iront jusqu’à demander à Abdelmalek Sellal de présenter des excuses publiques… “C’est dramatique ce que nous vivons dans ce pays : est-ce que c’est parce que nous demandons un droit des plus élémentaires, celui d’avoir un travail, de pouvoir gagner un bout de pain, que nous méritons d’être traités de la sorte par un responsable censé garantir les droits des citoyens ?” s’interroge, désabusé, un père de famille récemment mis en chômage après l’expiration de son CDD. Et un autre manifestant de reprendre ironiquement : “C’est ce qu’on appelle dormir sur un lit d’or et se couvrir de carton !” Pour autant, les protestataires ne prônent pas de discours politique.

Faisant montre d’une conscience exemplaire des enjeux à l’orée des évènements régionaux, ils cernent leurs revendications dans le cadre purement social, (emploi, logement, développement).

“Nous n’avons pas de revendications politiques ; nous ne cherchons pas à occuper des postes politiques, mais nous réclamons des postes d’emploi, des logements, nous aspirons au développement de notre région, longtemps marginalisée”, répétaient, dans le mégaphone, des membres du CNDDC, pendant qu’on pouvait lire sur une banderole accrochée au monument

de la place : “Unité nationale : la ligne rouge”.

Le syndrome de la Kabylie est toujours vivant…

Pour les chômeurs, ce slogan, qui est d’habitude l’apanage des parties officielles, n’est pas fait pour “tromper l’ennemi”, mais bien pour signifier l’attachement de tous les Algériens à la patrie. “Personne ne peut nous donner des leçons de patriotisme (…)”, vocifère fièrement un jeune chômeur, entassé dans la foule compacte. L’allusion est faite ici notamment à Abdelmadjid Sidi-Saïd, patron de l’Ugta, et Saïda Benhabylès, qui se sont déplacés dernièrement à Ouargla dans l’objectif de désamorcer la situation.

Ce slogan est ainsi fait pour répondre “aux chantres officiels du patriotisme” desquels se démarquent les protestataires du Sud, et de bien d’autres régions auparavant. L’exemple de la Kabylie n’a pas manqué d’être cité à l’occasion du rassemblement de jeudi dernier. “C’est la même la chose qu’on disait des Kabyles lors des évènements de 2001 et 2002 ; là-bas, ils ont créé des aârchs et ici, des notables ! Aujourd’hui, ils nous accusent de séparatistes exactement comme ils l’ont fait en Kabylie à l’époque. SVP cessez de nous traiter d’ennemis de l’Algérie !” peste un jeune Ouargli, rappelant que les citoyens de quelque région qu’ils soient ne revendiquent pas plus que leurs droits.

Une revendication à laquelle convergent, en effet, les citoyens de tout bord. Pour preuve, des centaines de Ouarglis, pas forcément touchés par le chômage, ont tenu à apporter leur soutien aux chômeurs lors du rassemblement de jeudi dernier. “Oui, j’adhère pleinement à leur combat. Leurs revendications sont des plus légitimes. Demander de l’emploi est leur droit absolu”, affirme Abdelkader Talbi, président de l’Office du tourisme de Ouargla et néanmoins militant du RCD, venu soutenir les jeûnes chômeurs. Même son de cloche chez de nombreux citoyens de différents horizons, qui se sont solidarisés avec les chômeurs du Sud. À noter, enfin, que le rassemblement des chômeurs n’avait, à aucun moment, perturbé la sérénité de la ville de Ouargla.

Cela a été rendu possible grâce à

la retenue des services de sécurité qui, cette fois-ci faut-il le souligner, n’ont pas usé de leur excès de zèle !

Les autorités apprendront-elles la leçon de laisser les citoyens s’exprimer librement ?

F. A