Le SNAPO est résolu à prendre à bras-le-corps le dossier des psychotropes. « On sait qu’on ouvre un dossier très lourd, mais nous sommes décidés dans notre action qui prévoit en premier lieu la création lors du conseil national, prévu le 13 mars prochain, d’une commission nationale dont la charge consistera à plancher sérieusement et exclusivement sur la problématique du vide juridique entourant la commercialisation des médicaments de cette catégorie thérapeutique en Algérie », nous a déclaré M. Aïb Raouf, secrétaire général du bureau de wilaya de Constantine et porte-parole local du SNAPO.
Reçu avant-hier au siège de notre rédaction, ce dernier nous a longuement expliqué les visées du SNAPO à travers cette revendication qui peut paraître à première vue surprendre par son caractère étrange, presque infondée.
« Le diazépam, le rivotril, le lexomil ainsi que d’autres marques de médicaments psychotropes n’ont jamais été, et ne seront jamais, classés dans la catégorie des drogues », affirme notre interlocuteur.
Une affirmation qui peut choquer beaucoup de monde, les médias et les services de sécurité notamment, pourtant le syndicaliste du SNAPO ne craint pas de bousculer « les faits établis sur de fausses appréciations », comme il l’a répété avec insistance. D’ailleurs, il n’hésitera pas à reprocher aux professionnels des médias de contribuer à la campagne médiatique qui grossit considérablement la réalité de la consommation des psychotropes.
« Certes, il y a l’effet d’accoutumance et de dépendance entraîné par une consommation régulière de psychotropes, mais ce n’est pas une référence pour conclure qu’il s’agit d’une drogue, c’est le même effet que le tabac », dira-t-il.
Le SNAPO inscrit, donc, dans ses priorités ce dossier sensible, visant à travers ses interventions un changement global dans la vision et le classement des médicaments psychotropes dans la case qui leur convient, normalement.
Dans son argumentaire, le représentant des pharmaciens plaide pour une révision, ou carrément un changement de la législation en vigueur en la matière, jugée obsolète dans son aspect juridique et contraire à l’esprit de la convention onusienne (signée par l’Algérie) portant sur la lutte contre la commercialisation des drogues.
«La loi en question devrait s’inspirer de cette convention internationale, laquelle classe les médicaments dans quatre tableaux, selon leur effet thérapeutique et le danger social induit par la consommation », signale notre interlocuteur.
Pour le cas de l’Algérie, indique-t-il, « nous ne disposons pour l’instant en vente chez le pharmacien que des médicaments du quatrième tableau, dont l’effet thérapeutique est estimé faible à grand », alors que le danger social est désigné « faible ». En clair, pour notre interlocuteur, la consommation de rivotril, de lexomil ou de diazépam ne constitue pas un danger social.
L’exemple des USA ou de la France, plus proche de nous, est exhibé comme preuve à l’appui de la revendication des pharmaciens. « Dans ces pays occidentaux, ces médicaments de la catégorie psychotropes dont le danger social est faible sont vendus sur ordonnance, bien sûr, mais sans faire l’objet d’une inscription contraignante sur un registre ou un quelconque ordonnancier, ce sont les dérivés morphiniques du tableau numéro un qui font l’objet d’un tel contrôle », plaide-t-il encore.
Tout ce durcissement de la législation en cours chez nous participe directement à l’encouragement des réseaux informels et autres trafiquants qui écoulent ces médicaments au prix fort, atteignant jusqu’à 100 dinars pour un seul comprimé, alors que la boîte qui peut contenir 20 comprimés est vendue presque au même prix, parfois moins, qu’un seul comprimé sur le marché noir.
M. Aïb Raouf signale dans ce contexte un exemple édifiant à propos de la vente au noir des médicaments psychotropes, affirmant que de nos jours, le « modestamine », un médicament de la famille des périactine de production syrienne, est en rupture de stock chez les pharmaciens, car certains petits « dealers » ont épuisé les magasins en le revendant sur le marché en faisant croire aux consommateurs qu’il s’agit du « rivotril », profitant dans ce sens de la ressemblance entre les deux comprimés en question.
« Tout se passe dans la tête du consommateur, qui dans ce cas de figure ingurgite du périactine en croyant avoir pris un comprimé de rivotril », explique le représentant du SNAPO.
Ce dernier estime que les choses doivent changer avec l’implication dans le débat de toutes les parties concernées. « Il est, en tout cas, inconcevable de continuer à exiger des pharmaciens d’inscrire sur l’ordonnancier une liste de 4.000 médicaments et de continuer à les astreindre à cette corvée du dépôt de l’ordonnancier en question devant les services de sécurité ! », déclare sur un ton ferme le porte-parole local du syndicat des pharmaciens.
A. Zerzouri