Début des années 1950, fin des années 1940. Les villages de Kabylie se vident. Destination : la France, un pays en voie de redynamisation de son industrie.
Le monde ne s’est pas encore remis d’une guerre qui n’a que trop duré. Adolf Hitler est certes vaincu, mais l’heure est à la reconstruction, notamment de l’Europe qui a subi le plus les affres de l’armée allemande d’autant que ce continent a été le théâtre d’une rude confrontation entre les armées des Alliés et celles de l’Axe.
L’on n’évoque nullement ici l’historique de la Seconde Guerre mondiale mais plutôt l’historique d’un exode massif des populations kabyles vers la France particulièrement, eu égard aux liens historiques entre l’Algérie et ce pays. Même la guerre entre ces deux pays n’a pas empêché des milliers de Kabyles d’émigrer en France. Le besoin est mutuel : la France qui sort vainqueur de la Seconde Guerre mondiale a perdu en parallèle pratiquement toutes ses infrastructures de base, les Algériens sont de plus en plus plongés dans une misère indescriptible causée paradoxalement par ces mêmes Français. Une misère qu’il faut donc à tout prix fuir. Les grandes usines de France ont besoin d’une main-d’œuvre : les Algériens, Marocains, Tunisiens, Africains et autres Européens de l’Est sont recrutés par milliers. Pour nos ancêtres kabyles, c’est le début d’un exil forcé payé au prix fort. Beaucoup d’entre eux n’ont vu ni leurs parents enterrés et encore moins leurs enfants grandir. D’autres ont été forcés au divorce car les mentalités de l’époque ne toléraient pas qu’une femme vive seule sans mari dans une société connue pour ses traditions conservatrices. En somme, ils étaient pris entre le marteau des us et l’enclume de subvenir aux besoins de la famille. La mission n’a pas été de tout repos mais comme le dit l’adage : «Travaille pour qu’un jour ton labeur travaille pour toi.» En 1987, un colloque a été organisé à la Sorbonne sur le thème de la France qui s’enrichit des apports multiples dus à l’immigration. Intitulé «La France et le pluralisme des cultures», il apparaît aujourd’hui comme un lointain souvenir. A l’époque le Président François Mitterrand avait déclaré : «Nous sommes tous un peu Roumain, un peu Germain, un peu Juif, un peu Italien, un peu Espagnol, de plus en plus Portugais.» Et d’ajouter : «Je me demande si déjà nous ne sommes pas un peu Arabe». Dans l’Hexagone plus qu’ailleurs, l’immigration et l’industrialisation sont indissolublement liées. Pour faire face à ses déficits démographiques et suppléer les faiblesses historiques de son économie, la France a longtemps fait appel à l’immigration.