Ils appellent au boycott de la récolte de pommes de terre via TikTok et écopent de 7 ans de prison

Ils appellent au boycott de la récolte de pommes de terre via TikTok et écopent de 7 ans de prison
Pomme de terre

Le président du pôle national de lutte contre les crimes liés aux technologies de l’information et de la communication près le tribunal de Dar El Beïda a prononcé une peine de 7 ans de prison ferme à l’encontre des accusés qui ont incité à la spéculation sur la récolte de pommes de terre dans la wilaya de Mostaganem. Il s’agit de quatre accusés actuellement détenus à l’établissement pénitentiaire d’El Harrach.

Un cinquième accusé, en état de fuite, a été condamné par contumace à une peine de 10 ans de prison ferme, avec émission d’un mandat d’arrêt physique à son encontre.

Le verdict a été rendu après que le procureur de la République ait requis, lors de l’audience, la peine maximale prévue par la loi, soit 20 ans de prison ferme et une amende de 10 millions de dinars algériens (DA), conformément à l’article 13 de la loi relative à la lutte contre la spéculation illicite.

Deux agriculteurs de la capitale de la wilaya sont impliqués dans cette affaire : le dénommé Ch.A. Abdelkader et Gh. El Aid. Quant aux autres accusés, l’un a avoué travailler comme « courtier » sur le marché des légumes, et le quatrième est le propriétaire de la vidéo, qui a reconnu avoir enregistré les agriculteurs alors qu’ils incitaient à ne pas récolter les pommes de terre.

Pommes de terre : leur appel au boycott sur les réseaux sociaux leur vaut 7 ans de prison ferme

Les prévenus susmentionnés étaient poursuivis pour les délits de menace et de spéculation illicite. L’agent judiciaire du Trésor public s’est également constitué partie civile, déposant une note écrite devant la même instance judiciaire, pour obtenir réparation des dommages subis.

Le déroulement du procès a mis en lumière de nouveaux détails. Il est ressorti des aveux du premier accusé, Ch. Abdelkader, qu’au jour des faits, il avait sollicité un correspondant de presse agréé d’une chaîne locale nationale pour diffuser la vidéo officiellement par le biais de son média.

Il lui avait même proposé une somme de 10 000 DA afin de porter sa préoccupation aux autorités concernant « l’accaparement du marché local par les courtiers » – selon ses dires – qui auraient causé de lourdes pertes aux agriculteurs de la région, les empêchant de vendre leur production de pommes de terre.

Le même accusé a expliqué au juge que la vidéo était destinée au groupe de « courtiers » de sa wilaya qui achètent la récolte de pommes de terre aux grossistes à un prix très bas, qu’il a fixé entre 45 DA et 50 DA, pour ensuite la revendre aux citoyens à des prix multipliés.

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L’année dernière, les prix auraient atteint jusqu’à 160 DA le kilogramme, empêchant les agriculteurs de vendre « une seule pomme de terre » sur le marché pendant plusieurs semaines.

L’accusé a déploré devant le juge les efforts considérables des agriculteurs, depuis la semence et l’irrigation jusqu’à la récolte, ainsi que la cherté des intrants, notamment les engrais. Il a ajouté que le courtier intervient en dernière étape pour vendre la récolte à un prix exorbitant aux citoyens.

C’est cette situation, a-t-il affirmé, qui l’a poussé à un accès de colère et à l’idée de diffuser une vidéo pour faire entendre sa voix et celle des autres agriculteurs aux autorités algériennes.

Cependant, le juge a interrompu l’accusé pour lui rappeler que s’il avait eu l’intention de dénoncer ces courtiers ou de révéler leurs agissements, il aurait dû s’adresser aux autorités compétentes par les voies légales. Le président de séance a également interpellé les accusés en affirmant que l’agriculteur n’est pas contraint de traiter avec le courtier, jugeant cet argument exagéré et non une justification valable.

Une vidéo virale qui a déclenché l’enquête judiciaire

De son côté, le deuxième accusé, « Gh. El Aid », a reconnu avoir proféré des menaces dans la vidéo diffusée à l’encontre de quiconque récolterait ou vendrait la pomme de terre au prix de 45 DA. L’accusé a justifié ses propos en précisant que ses paroles visaient uniquement les courtiers.

L’accusé « A.Ch.J », troisième prévenu et travaillant dans le domaine de l’entreprise, a déclaré qu’au jour des faits, il était en état d’ébriété avancé et s’était joint, par simple curiosité, à un rassemblement d’agriculteurs qu’il avait aperçu. C’est ainsi qu’il est apparu dans la vidéo au cœur du délit.

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Enfin, le quatrième accusé, « H.B.D », a admis être celui qui a filmé les agriculteurs avec son téléphone portable et qui a mis la vidéo en ligne sur la plateforme TikTok. Il a néanmoins affirmé ignorer l’origine des autres vidéos qui se sont propagées sur les réseaux sociaux, prétextant que des dizaines de personnes se trouvaient près de lui, tentant ainsi de leur imputer la faute pour s’exonérer de la responsabilité pénale.

Il est à rappeler que cette affaire a suscité un tollé sur les réseaux sociaux en avril dernier, suite à la large diffusion d’une vidéo montrant un agriculteur incitant à ne pas récolter les pommes de terre. Une enquête préliminaire avait été ouverte, conduisant à l’arrestation des accusés, y compris l’auteur de la vidéo sur les lieux du crime.