Dessinateur et graphiste finlandais, Ilpo Koskela est l’auteur de sept romans graphiques dont Aleks Revel. Traduit en langue amazighe, il nous parle dans cet entretien de son parcours richissime. Il revient également sur ses 30 années d’expérience dans le monde de la bande dessinée.
Le Jeune Indépendant : Vous traitez dans vos BD d’une multitude de thèmes dont la société finlandaise. C’est ce qu’on a pu constater dans votre roman graphique le Voilier du Nord (Oxygen publishing house, 2015). Ce dernier a été traduit en berbère, Aɣeṛṛabu n ugafa. Pourquoi avez-vous décidé de vous exprimer à travers cette langue ?
Ilpo Koskela : J’ai trouvé ma vocation dans le 9e art. Cela m’a permis de réaliser des BD, notamment sur l’histoire de Cuba et de la Finlande. Permeren Jähti a récemment été traduit en tamazight (Aɣeṛṛabu n ugafa) par mon ami Hamza Amarouche (traducteur algérien résidant en Finlande). Le rapprochement culturel était aussi un argument de taille. Finnich Literature Exchange (Fili) a joué un rôle important. Cette association culturelle (Finlande) m’a proposé de traduire certaines de mes œuvres en tamazight. Bien entendu, j’ai tout de suite accepté. C’était en 2013, lors du Festival international de la bande dessinée d’Helsinki. Notre collaboration a donné ses fruits puisque ce projet s’est récemment concrétisé.
Que pouvez-vous nous dire de plus sur les dessous de votre œuvre, le Voilier du Nord ?
Je retrace dans ce roman graphique la vie sociopolitique de la Finlande à une certaine époque. Les événements se sont déroulés en effet pendant la guerre de Crimée (1853-1856). Un groupe d’archéologues russes et anglais, partis pour une mission, découvrent le fossile d’un grand dinosaure. Les Russes décident de transporter le fossile à Saint-Pétersbourg pour examiner cette grande découverte. La Société Royale de Londres ne lâche pas. Les Anglais persistent et décident de retrouver le fossile. C’est un grand challenge qui éclate au golfe de Botnie en Finlande. L’atmosphère générale de cette histoire est donc un aperçu sur l’Europe d’antan. N’oublions pas le contexte historique : il y avait une guerre féroce qui opposait la Russie à une coalition qui comprenait l’Empire ottoman, la France, le Royaume-Uni et le royaume de Sardaigne.
Vous avez participé à de nombreux colloques et animer plusieurs conférences (France, Chine, Cuba). Transmettre votre savoir était une évidence pour vous…
Le fait de voir mes œuvres traduites en plusieurs langues m’a beaucoup motivé. J’ai senti que la BD finlandaise était en fait demandée. Aussi, j’ai donné plusieurs confé- rences dans le monde, dans des instituts et dans des universités. Je parlais surtout des nouvelles méthodes requises pour réussir un travail de bande dessinée. Cela s’est avéré satisfaisant dans la mesure où j’ai trouvé des cibles réceptives ; je parle bien sûr des bédéistes.
Comment arrivez-vous à repérer les jeunes talents, quels sont les signes révélateurs ?
Il y a beaucoup de personnalités, ce qui signifie qu’il y a beaucoup de styles. Mais une personne qui se démarque des autres est celle qui arrive à mettre en cohésion ses états d’âme et ses dessins. C’est une affaire de technique et d’invention. Il faut que le travail ait un certain aura sur les férus de la BD. Une chose qui me permet de dire que l’auteur que je supervise est doté d’un certain talent. Je dis toujours aux gens que l’inspiration est imprévisible. Si vous avez un projet en tête, mettez-le en exergue. N’encombrez pas votre esprit avec d’autres projets.
Pensez-vous que le talent est inné, que c’est le fruit d’un hasard fructueux ?
Le talent est loin d’être suffisant dans le 9e art. C’est quelque chose qu’on doit avant tout apprendre. On peut être talentueux, avoir une conviction qui nous fait dire que le 9e art est ancré en nous, mais pour devenir professionnel, il faut se montrer patient. On doit peiner, travailler et persé- vérer. Il faut savoir aussi qu’on apprend en voyant le travail des autres. Il faut donc lire beaucoup de BD.