L’occasion est propice pour revenir sur la genèse des faits qui ont influé sur le cours de l’histoire de notre pays
L’année 1980 sera charnière dans cette quête inébranlable de l’identité nationale.
Le lancement de la campagne pour les législatives, la reconversion des têtes pensantes du mouvement culturel berbère en politiciens, la disparition de certains pionniers de la cause, l’émergence et la pluralité des tendances… sont autant de facteurs qui ont sensiblement démobilisé les citoyens à l’occasion de ce 32e anniversaire de la cause amazighe. Même si la nouvelle coordination nationale des étudiants démocrates amazigh, née récemment, a retenu une marche aujourd’hui, qui conduira les participants depuis la place des Martyrs jusqu’au siège de la wilaya (Bouira), les activités commémoratives ont été réduites cette année. L’université Akli Mohand Oulhadj organise aussi un colloque international sur le thème la même journée. L’occasion est propice pour revenir sur la genèse des faits qui ont influé sur le cours de l’histoire de notre pays. Sous le règne sans partage de Boumediene, était né dans la clandestinité le Mouvement culturel berbère (MCB), pourvu d’un projet de société opposé à celui mis en exergue par le pouvoir de l’époque. Le mouvement se voulait aussi une réponse franche à cette mouvance qui tirait ses fondements des théories de Hassan El Bana, l’Egyptien, et que la forte présence de coopérants venus des deux rives du Nil propageaient dans les milieux scolaires parmi les élèves des établissements des trois paliers scolaires. La position de l’autorité, plutôt proche des thèses baathistes n’allait pas faciliter la tâche aux militants de la cause amazighe. L’arabisation à outrance instaurée par décret en remplacement du français sera un acte médité pour frustrer quelque 25% de la population algérienne dont la langue maternelle était autre que l’arabe et s’inscrira contre-courant des perspectives de développement qui prédominaient sur toute la région maghrébine. La Tunisie, le Maroc, nos deux voisins, avaient, eux, privilégié la politique linguistique conforme aux exigences du temps en optant pour une école laïque moderne, utilisant les langues étrangères comme support d’étude. C’est ce paradoxe qui poussera des sommités comme Taos Amrouche, Mouloud Mammeri et bien d’autres à réagir pour essayer de sauver les meubles. Dans cette volonté de redresser la barre, est né et renaît, alors le mouvement culturel berbère. Même si la lutte s’est limitée à la région de la Kabylie et plus précisément aux universités de Tizi Ouzou et la Fac centrale à Alger, les échos de cette lutte parviendront aux autres régions du pays et dépasseront les frontières. Privilégiant les activités culturelles, concerts, débats, pièces théâtrales… et bravant l’interdit, les animateurs finiront par sortir de l’anonymat et feront l’objet d’une surveillance étroite. 1980 sera une année charnière dans cette lutte pour l’identité nationale.
L’annulation d’une conférence sur la poésie kabyle que devait animer Mouloud Maameri le 10 mars à Tizi Ouzou sera le point de départ pour une lutte à visage découvert. Les choses ne tarderont pas à se précipiter, les événements se succéderont et iront crescendo. Le 11 mars: manifestations à Tizi Ouzou, grèves en Kabylie et à Alger. Le 7 avril: imposante manifestation à Alger. La répression est féroce et la journée se solde par une centaine d’arrestations, de nombreux blessés.. D’autres rassemblements ont lieu dans plusieurs villes en Kabylie. Ce même 7 avril: début de la grève à l’université de Tizi Ouzou. Le 8 avril: une autre manifestation converge vers Alger, mais sans réactions violentes des forces de police. Le 10 avril: grève générale en Kabylie. Le 17 avril: dans un discours, le président algérien Chadli Bendjedid déclare que l’Algérie est un pays «arabe, musulman, algérien», et que «la démocratie ne signifie pas l’anarchie». Le même jour, les grévistes sont expulsés de l’hôpital de Tizi Ouzou et des locaux de la Sonelec. Le 20 avril: suite à une répression sur tous les lieux occupés (université, hôpital, usines) de Tizi-Ouzou, une grève générale spontanée est déclenchée par la population de la ville: plus aucune enseigne en arabe ne subsiste, ni plaque de rues. La Kabylie est désormais coupée du monde. Les années se succéderont, se ressembleront et seront jalonnées de faits et d’actes qui pousseront le pouvoir à céder et à reconnaitre la légitimité de la cause identitaire. Tamazighe n’est plus un sujet tabou et est reconnu comme un des principes fondamentaux de cette troisième composante de la nation algérienne. Le temps était venu alors de passer à un niveau supérieur dans ce combat hérité des ancêtres. Face à un pouvoir rodé et jaloux de ses acquis mais, surtout autoritaire, le mouvement est contré dans un plan diabolique mis en place par les laboratoires obscurs des décideurs. La cause est saisie par les politiques qui l’utilisent à des fins inavouées. Même si l’apport du RCD et du FFS, les deux grands partis de la région, reste indéniable, ces deux formations ont enterré le MCB pour prendre les devants de la scène. Le mouvement des aarouch, la plate-forme El kseur viendront extirper la cause aux formations politiques pour la rendre au mouvement associatif et à la rue. Le prix à payer sera immense avec 126 morts et plus de 5000 blessés. Politiquement, le Printemps berbère restera le premier mouvement populaire, citoyen spontané. Il a ouvert la voie à une remise en cause du régime totalitaire semblable à celui qui a dominé le bloc Est. Ce sont ces luttes qui auront pour conclusion le soulèvement de 1988 qui a imposé le pluralisme, la démocratie et la modernité. 1980-2012, 32 années sont passées. Les avancées depuis sont sensibles mais restent insuffisantes. La langue berbère (thamazight) est maintenant reconnue comme langue nationale de l’Algérie. Depuis 1995, un Haut Commissariat à l’amazighité (HCA) existe, et a pour mission de soutenir académiquement et administrativement l’enseignement de tamazight. Après la diffusion depuis plus de 30 ans, d’un journal télévisé en langue amazighe à 19h, une chaîne entièrement dédiée aux Berbères est mise en service. Même si le contenu reste contrôlé, le JT est une copie conforme de l’édition arabophone, ce média lourd reste acquis, arraché par une lutte. Depuis ces cinq dernières années, la langue amazighe est étudiée dans les établissements scolaires primaire, moyen et secondaire. Le statut facultatif de cet enseignement reste un réel obstacle à sa généralisation et un obstacle à son institution. Le 20 avril, et ses conséquences, mérite d’être reconnu comme une date historique puisqu’il s’inscrit dans le prolongement du combat du million et demi de chouhadas. L’algérianité pour laquelle se sont sacrifiés nos ancêtres a toujours été le combat au quotidien de Kateb Yacine, de Massinissa Guermah et d’El Kahina, Massinissa