Une centaine de conseillers sont sommés de quitter les cabinets ministériels. Non sans panique et sans colère.
Prière de faire fissa. « Des lettres de licenciement sont déjà parties », affirme un membre de cabinet ministériel.
La feuille de route envoyée par Nicolas Sarkozy à François Fillon le 28 juin, afin de « redresser les finances », se voulait comminatoire :
« Cet effort d’exemplarité doit également concerner l’entourage des ministres. Le nombre de leurs collaborateurs de cabinet a été fixé à un maximum de vingt personnes, et quatre pour les secrétaires d’Etat.
Cette règle doit être rigoureusement respectée dès la rentrée prochaine. »
Un cinquième du personnel ministériel menacé
La menace a été entendue. Les chefs de cabinet ont jusqu’au 31 juillet pour faire connaître leur plan de réduction d’effectifs. S’il n’y a pas de dérogations (et il y en aura sûrement quelques unes), c’est plus d’une centaine de collaborateurs qui devront faire leurs cartons. Soit près d’un cinquième du personnel ministériel. Non sans une certaine inquiétude et/ou amertume.
« Imaginez l’ambiance en cas de plan de licenciement dans une entreprise, là c’est pareil », témoigne un conseiller, plus chanceux qu’un autre de ses collègues qui peine à dissimuler sa rancœur :
« Vous avez l’impression d’être un boulet, de ne servir à rien, sauf à coûter de l’argent à l’Etat, alors que vous travaillez 80 heures par semaine. »
Une deuxième vague attendue en octobre
Surtout que le mouvement ne fait que s’enclencher et va se durcir encore. Le remaniement prévu au mois d’octobre promet une nouvelle fois d’aboutir à un gouvernement resserré. Mais la promesse devrait cette fois être respectée : 2012 approche à grands pas et, en pleine affaire Bettencourt-Woerth, il faut laver plus blanc que blanc.
Cela signifierait le départ d’au moins une centaine d’autres conseillers ministériels. « Il y a un véritable plan de licenciement en cours d’élaboration au gouvernement », témoigne un chef adjoint de cabinet, étonné par l’ampleur de la tournure des évènements : « C’est du jamais vu ! »
Rien à voir, bien sûr, avec les mouvements sociaux de Renault à Vilvoorde ou des « Conti » de Clairoix. Eux ne touchaient pas 6 500 euros net par mois, comme cette conseillère en communication d’un ministère, en plus des avantages en nature. Mais la crainte du chômage n’est pas pour autant absente.
Une crainte qui se présente différemment selon que le collaborateur ministériel est fonctionnaire ou contractuel. Dans le premier cas, il doit « retrouver un emploi correspondant à son grade », stipule la note de deux pages envoyée le 12 juillet aux chefs de cabinet par le secrétaire général du gouvernement, et que Rue89 s’est procurée.
La réalité n’est toutefois pas si simple témoigne un des récipiendaires, chargé de gérer le cas de plusieurs de ses collègues :
« Il y a des plafonds d’emplois dans l’administration, qu’on a d’ailleurs nous-mêmes durcis. Certains demandent aux ministres de les recaser, mais même les ministres se voient opposer des refus par les directeurs d’administration. »
« En 2009, je n’en ai pas replacé un »
Leur contrat étant généralement muet sur les conditions de rupture, les contractuels sont eux soumis à un décret de 1986 qui leur permet de bénéficier d’une « indemnité de licenciement égale à la moitié de sa rémunération de base mensuelle nette par année de service » (mais ils n’ont droit à rien s’il sautent en même temps que leur ministre).
Une aubaine pour les entreprises privées avides de pourvoyeurs de carnets d’adresses ? Pas forcément. Comme les fonctionnaires, ils risquent de devoir revoir à la baisse leurs prétentions. Le marché de l’emploi n’est pas plus favorable en haut qu’en bas, et leur profil est loin d’être toujours des plus recherchés. Un agent d’un grand cabinet de recrutement confirme :
« Il n’a pas été prévu pour l’instant de partenariat de reclassement dans le privé, comme on en a passé récemment avec l’armée. Tout semble très précipité.
Cela ne va pas faciliter la tâche des jeunes collaborateurs licenciés qui sont souvent entrés dans les ministères dès leur sortie d’école, et ont acquis une connaissance très pointue d’un dossier mais rarement dans plusieurs secteurs. »
Un autre chasseur de têtes se souvient du remaniement de juin 2009 :
« J’ai reçu vingt dossiers de collaborateurs ministériels, je n’en ai pas replacé un. »
« L’application de la règle est bête »
Voilà pour ceux qui partent, mais la colère pointe aussi chez ceux qui restent. Nettement moins menacés que les conseillers techniques, des directeurs et chefs de cabinet doutent de la rationalité de la mesure concernant le travail au quotidien. L’un d’eux :
« L’esprit de la règle est bon car on se doit de donner l’exemple, mais l’application est bête. Si on a moins de conseillers techniques, on devra davantage s’appuyer sur les directeurs et les sous-directeurs d’administration. C’est bien de responsabiliser les administrations ; ça fonctionne très bien aux Etats-Unis.
Mais il faut aller au bout de la logique. Quand un ministre est nommé, il devrait alors pouvoir faire le ménage à la tête de son administration. Il faudrait politiser les directions d’administration comme aux Etats-Unis. Comment voulez-vous confier la gestion d’un dossier sensible à quelqu’un qui vous est hostile ? »
D’aucuns sont enfin amers d’observer que cette même exemplarité n’est pas mise en oeuvre à l’Elysée ou à Matignon. Ce que les services du Premier ministre assument séchement :
« De par la transversalité de leurs fonctions, l’Elysée et Matignon ne peuvent pas être touchés. »
Prière de faire fissa. « Des lettres de licenciement sont déjà parties », affirme un membre de cabinet ministériel. La feuille de route envoyée par Nicolas Sarkozy à François Fillon le 28 juin, afin de « redresser les finances », se voulait comminatoire :
« Cet effort d’exemplarité doit également concerner l’entourage des ministres. Le nombre de leurs collaborateurs de cabinet a été fixé à un maximum de vingt personnes, et quatre pour les secrétaires d’Etat.
Cette règle doit être rigoureusement respectée dès la rentrée prochaine. »
Un cinquième du personnel ministériel menacé
La menace a été entendue. Les chefs de cabinet ont jusqu’au 31 juillet pour faire connaître leur plan de réduction d’effectifs. S’il n’y a pas de dérogations (et il y en aura sûrement quelques unes), c’est plus d’une centaine de collaborateurs qui devront faire leurs cartons. Soit près d’un cinquième du personnel ministériel. Non sans une certaine inquiétude et/ou amertume.
« Imaginez l’ambiance en cas de plan de licenciement dans une entreprise, là c’est pareil », témoigne un conseiller, plus chanceux qu’un autre de ses collègues qui peine à dissimuler sa rancœur :
« Vous avez l’impression d’être un boulet, de ne servir à rien, sauf à coûter de l’argent à l’Etat, alors que vous travaillez 80 heures par semaine. »
Une deuxième vague attendue en octobre
Surtout que le mouvement ne fait que s’enclencher et va se durcir encore. Le remaniement prévu au mois d’octobre promet une nouvelle fois d’aboutir à un gouvernement resserré. Mais la promesse devrait cette fois être respectée : 2012 approche à grands pas et, en pleine affaire Bettencourt-Woerth, il faut laver plus blanc que blanc.
Cela signifierait le départ d’au moins une centaine d’autres conseillers ministériels. « Il y a un véritable plan de licenciement en cours d’élaboration au gouvernement », témoigne un chef adjoint de cabinet, étonné par l’ampleur de la tournure des évènements : « C’est du jamais vu ! »
Rien à voir, bien sûr, avec les mouvements sociaux de Renault à Vilvoorde ou des « Conti » de Clairoix. Eux ne touchaient pas 6 500 euros net par mois, comme cette conseillère en communication d’un ministère, en plus des avantages en nature. Mais la crainte du chômage n’est pas pour autant absente.
Une crainte qui se présente différemment selon que le collaborateur ministériel est fonctionnaire ou contractuel. Dans le premier cas, il doit « retrouver un emploi correspondant à son grade », stipule la note de deux pages envoyée le 12 juillet aux chefs de cabinet par le secrétaire général du gouvernement, et que Rue89 s’est procurée.
La réalité n’est toutefois pas si simple témoigne un des récipiendaires, chargé de gérer le cas de plusieurs de ses collègues :
« Il y a des plafonds d’emplois dans l’administration, qu’on a d’ailleurs nous-mêmes durcis. Certains demandent aux ministres de les recaser, mais même les ministres se voient opposer des refus par les directeurs d’administration. »
« En 2009, je n’en ai pas replacé un »
Leur contrat étant généralement muet sur les conditions de rupture, les contractuels sont eux soumis à un décret de 1986 qui leur permet de bénéficier d’une « indemnité de licenciement égale à la moitié de sa rémunération de base mensuelle nette par année de service » (mais ils n’ont droit à rien s’il sautent en même temps que leur ministre).
Une aubaine pour les entreprises privées avides de pourvoyeurs de carnets d’adresses ? Pas forcément. Comme les fonctionnaires, ils risquent de devoir revoir à la baisse leurs prétentions. Le marché de l’emploi n’est pas plus favorable en haut qu’en bas, et leur profil est loin d’être toujours des plus recherchés. Un agent d’un grand cabinet de recrutement confirme :
« Il n’a pas été prévu pour l’instant de partenariat de reclassement dans le privé, comme on en a passé récemment avec l’armée. Tout semble très précipité.
Cela ne va pas faciliter la tâche des jeunes collaborateurs licenciés qui sont souvent entrés dans les ministères dès leur sortie d’école, et ont acquis une connaissance très pointue d’un dossier mais rarement dans plusieurs secteurs. »
Un autre chasseur de têtes se souvient du remaniement de juin 2009 :
« J’ai reçu vingt dossiers de collaborateurs ministériels, je n’en ai pas replacé un. »
« L’application de la règle est bête »
Voilà pour ceux qui partent, mais la colère pointe aussi chez ceux qui restent. Nettement moins menacés que les conseillers techniques, des directeurs et chefs de cabinet doutent de la rationalité de la mesure concernant le travail au quotidien. L’un d’eux :
« L’esprit de la règle est bon car on se doit de donner l’exemple, mais l’application est bête. Si on a moins de conseillers techniques, on devra davantage s’appuyer sur les directeurs et les sous-directeurs d’administration. C’est bien de responsabiliser les administrations ; ça fonctionne très bien aux Etats-Unis.
Mais il faut aller au bout de la logique. Quand un ministre est nommé, il devrait alors pouvoir faire le ménage à la tête de son administration. Il faudrait politiser les directions d’administration comme aux Etats-Unis. Comment voulez-vous confier la gestion d’un dossier sensible à quelqu’un qui vous est hostile ? »
D’aucuns sont enfin amers d’observer que cette même exemplarité n’est pas mise en oeuvre à l’Elysée ou à Matignon. Ce que les services du Premier ministre assument séchement :
« De par la transversalité de leurs fonctions, l’Elysée et Matignon ne peuvent pas être touchés. »