La wilaya de Constantine a commémoré ce mercredi 23 septembre 2015 dans le recueillement, le 59ème anniversaire de la mort du chahid Zighoud Youcef, artisan de l’offensive du Nord-Constantinois, tombé au champ d’honneur le 23 septembre 1956.
Les autorités de la wilaya, accompagnées de moudjahidine, d’enfants de chouhada, d’élus locaux et de nombreux citoyens, se sont rendus au Carré
des martyrs du chef-lieu de la daïra qui porte le nom de l’ancien chef de la wilaya II historique où ils se sont recueillies devant la stèle commémorative érigée à sa mémoire, lu la Fatiha et déposé une gerbe de fleurs.
Zighout Youcef : le stratège, le juste , le rassembleur
Dès son jeune âge, alors natif de Smendou près de Constantine, un 8 février 1921, fils de Saïd et de Amina Bent Mohamed Fayrane, Zighout Youcef, depuis la forge du colon Paul Bernel, à l’école coranique en passant par l’école coloniale française où il subit avec succès l’examen du CEP, sera à 17 ans, responsable des scouts au groupe Anasr de son village.
Il prit conscience de la réalité politique et sociale de son peuple et s’engage dès 1938 dans les rangs du PPA puis du MTLD en réussissant les municipales de 1947 en tant que vice-maire. Zighout Youcef s’embarque définitivement dans la Révolution en s’affiliant clandestinement dans l’Organisation spéciale en 1948 et sera bientôt fait prisonnier en 1950, lorsque l’Organisation spéciale (l’OS) sera démantelée par les forces coloniales.
Il s’évadera alors de la prison de Annaba en fabriquant des clés qui ouvrent les portes de la prison, accompagné de plusieurs détenus. Il prit contact avec le maquis des Aurès dès le 21 juin 1951, et le 23 mars 1954 il est membre du CRUA (Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action). Il assistera à El Madania à Alger en 1954, à la réunion du groupe des 22 qui déclencheront la révolution.
Présent le 1er Novembre 1954 à Smendou en tant qu’adjoint de Didouche Mourad, commandant de la mintaqa Constantinoise, ils seront pris dans un accrochage le 18 janvier 1955 à Oued Boukarkar, Didouche Mourad, décéda avec sept de ses djounoud et Zighout Youcef sera à la tête de la mintaqa nord constantinoise.
Tête pensante des opérations du 20 Août 1955, il y conduira la délégation de la mintaqa au Congrès de la Soummam, composée de Ali Kafi, Lakhdar Ben-Tobal, Brahim Mezhoudi, Hocine Rouibah et Mostefa Benaouda.
Il sera élu membre du CNRA et revint le 20 septembre 1956 à El Milia, puis partira immédiatement dans les Aurès en vue de vulgariser les textes de la Soummam. Il tomba au champ d’honneur le 23 septembre 1956, avec trois de ses djounoud dans un accrochage près de Sidi Mezghich, au lieu dit El-Kherba.
Zighout Youcef sera à la fois le stratège militaire et le théoricien de la guérilla. Homme très humble, pieux, d’une bonté inégalée, il restera un chef respecté jusqu’à sa mort. Le 20 Août 1955, dont il est l’artisan, est un deuxième Novembre qui mettra la locomotive de
la Révolution sur de bons rails
Les Aurès étant quadrillés par les troupes coloniales, Chihani Bachir prit contact avec Zighout Youcef pour desserrer l’étau dans la région d’El-Kahina. Il fallait faire diversion sur l’ennemi et impliquer le peuple dans cette guerre de libération. La cause algérienne a connu un vif succès lors de la Conférence de Bandoeng, l’opinion internationale est sensibilisée du bien-fondé de notre lutte.
Zighout Youcef voulait faire coïncider les offensives contre le colonialisme en usant de ce courant de sympathie au plan international, notamment à l’occasion du premier anniversaire de la déportation du roi Mohamed V exilé à Madagascar, et y impliquer les peuples du Maghreb arabe. Le 20 Août 1955 est également le nouvel an hégirien 1375 et jour de permission pour les soldats français, puisque c’est le jour de samedi.
Après d’ultimes préparaifs dans le lieu appelé Boussatour près de Sidi Mezghich, au sud-ouest de Skikda, puis au lieu-dit Zaman, actuel village de Bouchata, les groupes formés pour les opérations se sont dispersés le 19 juillet 1955. Un accrochage eut lieu où tombèrent deux chouhada, il s’agit de Nafir Mahmoud et Hadj Kasentini, alias El Almani.
Zighout Youcef s’installa alors dans la maison de Rabah Younès dit Ramdane dans une casemate de 16 m2 où il mit les armes et les documents dans ce lieu sûr.
C’est au Koudiat Daoud où se tient la réunion de préparation du 20 août 1955 que chacun des responsables du groupe a reçu les dernières recommandations et instructions. Dans le secret le plus total, participent à cette réunion Lakhdar Ben-Tobal, dit Si Abdellah, Amar Benaouda, Ali Kafi, Messaoud Boudjeriou dit Si Messaoud El-Kasentini, Salah Boubnider dit Saout El-Arab, Bachir Boukadoum, Amar Chetaïbi, Mohamed Raouaï et d’autres. Pendant une semaine, du 23 juillet jusqu’à la fin du mois, la réunion a porté sur la situation générale de la Révolution tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Tout était prêt pour engager l’offensive contre des cibles militaires et économiques du colonialisme.
Mettez la Révolution entre les mains du peuple, il s’en chargera
Après avoir revu les objectifs politiques, militaires et psychologiques, les capacités de la Révolution de s’organiser et de planifier l’offensive le 20 août 1955 à 12 h est possible. Ce fut à Skikda, plus de 3.800 djounoud sous la direction de Smaïn Ziguet, de Amor Bourkaïb et Mohamed Mehri dit le Colonel, qui engagèrent l’offensive sur un certain nombre de positions dans la ville de Skikda.
A Collo, c’est Amar Chetaïbi avec 234 djounoud qui dirigera les opérations. A El Milia, c’est Lakhdar Bentobal et Messaoud Boualia. A Smendou, c’est Bachir Boukadoum et Abdelmadjid Kahleras qui prendront la direction des opérations avec plus de 350 djounoud.
A Constantine, c’est Zighout Youcef en personne qui s’installera dès le 17 août 1955 et dirigera à la tête des 500 djounoud les opérations dans la ville de Constantine. D’autres opérations auront lieu à Ouled Hebara, à Guelma, à Oued Zenati, à Sidi Mezghich, à Taher, à Annaba, à Azzaba où plus de 1.000 djounoud participeront aux opérations en plein jour. A Aïn Abid, des opérations ont touché la gendarmerie, la mairie et les PTT.
La réaction de la part des hordes coloniales vint immédiatement par un génocide de plus d’un millier et demi de chouhada tués collectivement d’une manière sauvage et enterrés dans des fosses communes.
Dans la revue El Djeïch Nº 80, on parle de 16.000 morts du côté des moudjahidine pour toutes les opérations d’offensive, alors que Ali Kafi déclare le chiffre de 13.000 personnes tuées, si on évalue le rapport des nahiyate. Du côté de l’ennemi, les pertes sont énormes au plan matériel et humain. La presse coloniale déclare le chiffre de 1.273 morts du côté algérien et 211 blessés.
Durant tout le mois d’août 1955, la France a redoublé de férocité contre le peuple algérien et tout le Nord Constantinois fut passé au peigne fin par les services de renseignements et de nombreux militants furent torturés.
En conclusion de ce 20 Août 1955, on peut dire que la Révolution a connu une étape nouvelle, celle d’être soutenue entièrement par le peuple et provoquait un retentissement international puisque de nombreux messages de sympathie et de soutien ont été adressés aux délégations du FLN à l’extérieur par l’Irak, l’Egypte, la Syrie, l’Arabie Saoudite, le Pakistan, l’Inde, la Chine et même les USA qui ont manifesté leur soutien à la cause algérienne. Sans nul doute, le 20 août 1955 aura été le ferment d’une Révolution en marche qui va une année après théoriser sa plate-forme politique et militaire à l’occasion du Congrès de la Soummam dont le maître d’œuvre sera le chahid Abane Ramdane.
La Révolution a connu un élan sans précédent après les opérations du 20 Août 1955. De plus en plus, on sentait la nécessité d’organiser les structures et les instances dans un cadre unifié de la Révolution.
Il fallait penser à une stratégie d’organisation unifiée de la Révolution et de l’action révolutionnaire aux plan national et international avec la mise en place de structures opérationnelles militaires, politiques, administratives et sociales sur la base d’un document final qui sera appelé le texte de la plate-forme de la Soummam.