Croyant introduire un cheval de Troie au sein de la résistance algérienne, la France coloniale s’est aperçue tard que ceux qu’elle voulait prendre pour des traîtres étaient des purs patriotes.
Un homme les guidait sur instruction de la hiérarchie suprême. Il s’agit du colonel Mohamed Iazourène à qui l’association Machaâl Chahid a rendu hommage hier au centre de presse El Moudjahid en présence de sa famille, de ses compagnons d’armes et de ceux qui l’ont connu et côtoyé.
Une rencontre qui s’est voulue également un moment de recueillement à la mémoire du chahid, mort il y a 25 ans. Le professeur Mohamed-Salah Seddik rappellera non sans émotion les qualités de cet homme doué d’une grande intelligence, ce qui lui vaudra dès son jeune âge le surnom kabyle de “Vrirouche” (le rusé). Des anecdotes racontées par l’orateur font état de sa bravoure et de son amour pour la patrie. “Il vouait une haine terrible pour le colonialisme qu’il tenait à combattre par tous les moyens”, dira en conclusion l’intervenant.
Son fils Mouloud fera une lecture succincte du parcours du père en tant que militant du PPA-MTLD dès 1942 dont il fut responsable pour la région d’Azazga (son magasin servait de refuge à Krim Belkacem et Amar Ouamrane qui étaient recherchés, et ce, jusqu’au déclenchement de la guerre de Libération). C’est ainsi qu’il prit part à la désignation du groupe qui devait participer à la première opération de Novembre 1954 dans la Mitidja.
Si Saïd, son nom de guerre, était aux côtés d’Ali Melah dans une série d’opérations armées à Azazga comme l’attaque de la brigade de gendarmerie, le domicile de l’administrateur, la ferme du colon et l’incendie du plus important dépôt de liège de la région. L’administration coloniale réagit en brûlant sa maison.
Cependant, le nom de Iazourène Mohand-Saïd “Vrirouche” reste indissociable de la fameuse opération Oiseau Bleu qui a touché une partie de la Kabylie. Il y a joué un rôle prépondérant. D’une clairvoyance inégalable, il a su, sous la responsabilité de Krim Belkacem et de son adjoint Mohammedi Saïd, mener à bien cette opération délicate. L’opération Oiseau Bleu ou “Force K” ainsi appelée en référence à la Kabylie fut mise en œuvre par les services secrets français en 1956 après l’élaboration de son projet par le gouvernement général de l’Algérie dès la fin 1955. L’objectif était de détacher de la rébellion du FLN des centaines de Kabyles puis de les transformer en commandos clandestins (habillés en tenues de fellagas et portant les mêmes armes utilisées à l’époque par ces derniers). Cette initiative colonialiste n’était qu’une suite logique vis-à-vis de la rébellion FLN de plus en plus active dans la région. Initiée par Jacques Soustelle, l’opération sera poursuivie par Robert Lacoste qui succéda au premier. L’inspecteur Oussmer de la DST, d’origine kabyle, est chargé de tisser la toile. Il contacte un de ses amis, Tahar Achiche d’Azazga qui accepte l’idée de constituer un maquis anti-FLN dans cette région où les partisans du MNA de Messali Hadj sont nombreux. Ce dernier en parle à son ami Ahmed Zaïdat, aubergiste, jouissant d’une bonne réputation parmi la population.
Celui-ci se confie à son ami garagiste Mohamed Iazourène qui n’est autre que le futur colonel et ami de Mohammedi Saïd. Ce dernier persuade Krim Belkacem d’avaliser le projet. Finalement Mohamed Iazourène est chargé de l’organisation et de la responsabilité de la manœuvre.
Des hommes sont recrutés à Iflissen comme Mehlal Saïd et Omar Toumi qui joueront chacun de son côté un rôle important. Supervisée par la compagnie relevant du 15e bataillon des chasseurs alpins, l’opération sera totalement détournée par le FLN à son profit. L’administration coloniale envoie régulièrement des armes (Mousquetons, des fusils Garand, Sten et des fusils de chasse), des munitions et de l’argent. Plus de 1 200 armes et des dizaines de millions de francs ont été envoyés au FLN. “Cette providence a permis aux hommes de l’ALN de se forger une force de frappe qui a servi par la suite à mener des actions d’éclat, à l’élimination de traîtres à la cause nationale et d’affronter la grande bataille d’Agouni Ouzidhoudh (La palombe) qui a duré du 9 au 14 octobre 1956”, dira Mouloud Iazourène, le fils du colonel et d’ajouter que cette bataille à eu un retentissement au plan international d’autant que les forces colonialistes se trouvaient contraintes de faire intervenir les trois armées (air, mer et terre).
Peu de temps après la débâcle de l’opération Oiseau Bleu, l’armée coloniale monte une série de représailles dans toute la région de la Kabylie dont la fameuse “bleuite”.
A F