Il y a 57 ans, la France bombardait Sakiet Sidi Youcef, Un ciment de l’amitié algéro-tunisienne

Il y a 57 ans, la France bombardait Sakiet Sidi Youcef, Un ciment de l’amitié algéro-tunisienne
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Les Algériens et les Tunisiens célèbrent, aujourd’hui, une date qui a scellé, dans le sang, l’amitié entre les deux peuples.

Pour se rendre de Souk-Ahras à El Kef, on traverse Sakiet Sidi Youcef, un petit village tunisien à quelques encablures de la frontière. En était-ce vraiment une pour les Algériens, combattants de l’ALN ou civils, qui, par milliers, trouvèrent refuge dans ce pays frère ? Malgré l’apparition de quelques incompréhensions vite dissipées, durant la Révolution de Novembre, la Tunisie fut un de ses sanctuaires et de ses soutiens les plus sûrs. Il a fallu construire la ligne Challe pour couper les maquis de l’ALN de ce qui était une de ses bases-arrière. C’est en Tunisie que les principaux dirigeants de la révolution (Krim, Bentobbal, Abbas…) s’étaient installés. Les moyens d’information (radio, le journal El Moudjahid..) au service de l’Algérie en lutte étaient également concentrés dans la capitale tunisienne.

Des colonnes traversaient des centaines de kilomètres pour y aller ramener des armes et traverser parfois les barbelés au prix de leur vie. Par une matinée de février 1958, furieux d’être pris pour cible par la DCA de l’ALN, des pilotes français vont briser la quiétude de ce village. En ce jour de marché hebdomadaire, des écoliers ont péri lors de cette attaque et des locaux de la Croix-Rouge internationale furent pulvérisés par un déluge de bombes. Le colonialisme venait de donner un caractère criminel à ce droit de poursuite réclamé depuis des années par les militaires. Les généraux crurent ainsi anéantir « un nid de rebelles », pour reprendre les termes de l’un d’entre eux. L’erreur fut pourtant chèrement payée. Les événements attirèrent davantage l’attention des chancelleries et de l’opinion publique internationale sur un conflit que la France peinait déjà à résoudre. Le nombre de victimes élevé, 80 dont des enfants et des femmes, provoqua embarras et émoi même dans les capitales du monde libre qui croyaient encore aux thèses de la France. L’écrivain Mouloud Feraoun, dans son journal, évoquait alors « la presse internationale qui, dans son ensemble, crie au scandale ». L’agression caractérisée eut surtout pour effet de renforcer la solidarité du peuple frère de Tunisie. Les victimes étaient des Algériens et des Tunisiens. Les officiels organisèrent des visites guidées sur les lieux du crime et dans les hôpitaux où de nombreux blessés étaient soignés.

Les citoyens se levèrent comme un seul homme pour augmenter les aides à un peuple martyrisé.Les événements de Sakiet Sidi Youcef ébranlèrent la IVe République déjà chancelante. Les hommes politiques s’en prirent aux militaires. Le retour du général de Gaulle était dans l’air pour faire sortir la France de l’ornière où, en ce mois de février 1958, elle s’était davantage enfoncée. « Sa longue silhouette se profile à l’horizon tel un fabuleux pilote seul capable de sauver le navire en détresse », notait Feraoun, pressentant le retour de l’homme du 18 juin. Hélas, il ne tirera pas toutes les leçons de cette tragique erreur. En juillet 1961, il allait bombarder une base à Bizerte, attaque qu’en signe de reconnaissance et de gratitude au peuple tunisien, le FLN s’empressa de condamner. Plus d’un demi-siècle est déjà passé sur ce tragique épisode de l’histoire commune à l’Algérie et la Tunisie qui demeure une source d’inspiration pour ceux qui croient à cette amitié réaffirmée avec éclat lors de la récente visite du président Beji Caïd Essebsi dans notre pays.

H. Rachid