Câest en prĂ©sence de personnalitĂ©s du monde politique, de diplomates, dâĂ©tudiants de lâinstitut diplomatique, dâuniversitaires, de reprĂ©sentants dâinstitutions publiques et ceux des mĂ©dias, que lâancien chef du gouvernement, et membre de la dĂ©lĂ©gation qui a nĂ©gociĂ© les Accords dâEvian, ouvrant les portes de lâindĂ©pendance Ă notre pays, M.âRĂ©dha Malek, que la commĂ©moration de la signature de ces Accords sâest faite, hier, au centre de presse dâEl Moudjahid.
Rédha Malek, didactique
Comme Ă son habitude, M.âRĂ©dha Malek, a Ă©tĂ© didactique, dâune grande clartĂ© dans les propos, dressant un Ă©tat des lieux tout Ă fait exhaustif dâun Ă©vĂ©nement jugĂ© dâune importance considĂ©rable pour lâavenir de notre pays.âLâancien nĂ©gociateur a restituĂ© avec beaucoup de pertinence, les grands moments dâune pĂ©riode oĂč le combat hĂ©roĂŻque du peuple algĂ©rien Ă travers son avant-garde, le FLN et lâALN, sâĂ©tait mĂȘlĂ© Ă une action diplomatique qui a rĂ©vĂ©lĂ© au monde, des personnalitĂ©s de grande culture qui se sont rĂ©vĂ©lĂ©es de redoutables nĂ©gociateurs face Ă une partie coloniale française qui avait organisĂ© sa stratĂ©gie dâattaque dans une sorte de fuite en avant qui a fini par la mener dans une impasse, pour reconnaĂźtre finalement une rĂ©alitĂ©, celle de lâindĂ©pendance dâun pays, une personnalitĂ© et une dignitĂ© retrouvĂ©es pour un peuple, le peuple algĂ©rien, entrĂ© par la grande porte dans lâhistoire universelle des fruits de son combat. M.âRĂ©dha Malek, Ă©voquant les Accords dâEvian, a relevĂ© quâil y a un certain nombre dâĂ©lĂ©ments quâil se proposait dâannoncer au cours dâune magistrale dĂ©monstration et qui peuvent, disait-il, Ă©clairer notre situation, mĂȘme actuelle.
Un moment important de la vie de la nation
Les Accords dâEvian ont bien Ă©tĂ© un moment important de la vie du pays.âIls sont contenus dans cinquante pages, rappelle lâĂ©minent orateur.âQuand on consulte, ces cinquante pages, il y a des Ă©lĂ©ments essentiels qui ressortent et parmi ceux-ci celui qui retient lâexistence dâune nation solidement installĂ©e dans son unitĂ©, celle du peuple, celle aussi du territoire national qui donne un aspect particulier Ă cet acquis en ces temps oĂč lâon vit, Ă travers le monde et dans les pays arabes singuliĂšrement, une pĂ©riode difficile.
Deux grands axes ressortent dans les Accords
Quand on examine les Accords dâEvian, relĂšve lâancien nĂ©gociateur, on y retrouve deux grands axes, lâunitĂ© populaire il faut rappeler, note M.âRĂ©dha Malek, que la consolidation de ce concept a Ă©tĂ© le fruit dâun long combat face Ă la nĂ©gation de lâadministration coloniale française pour qui il nâexistait pas de peuple algĂ©rien, tout juste, disaient les apĂŽtres du fait colonial, pouvait-on parler de groupements humains ayant chacun sa personnalitĂ©.âCette façon de voir a Ă©tĂ© tout naturellement combattue et celle fut avec acharnement.
Les dirigeants de la RĂ©volution du 1er Novembre 1954, rappelant sans cesse, le concept sacro-saint, de lâunitĂ© populaire.âLe deuxiĂšme axe, on le retrouve dans lâunitĂ© territoriale.âCe principe a Ă©tĂ© Ă©galement au cĆur du combat pour lâindĂ©pendance.
Les manĆuvres
de lâadministration coloniale dĂ©jouĂ©es
Les manĆuvres de lâadministration coloniale ont Ă©tĂ© toutes dĂ©jouĂ©es, elles qui voulaient faire Ă©clater cette unitĂ© de notre territoire en nous spoliant du Sahara et de la base navale de Mers El Kebir.âLa position des dirigeants de la RĂ©volution a Ă©tĂ© de tout temps inĂ©branlable.âElle rappelait, en tous lieux et en toutes circonstances, que câĂ©tait lĂ un principe non nĂ©gociable.
LâAlgĂ©rie devait ĂȘtre restaurĂ©e dans la plĂ©nitude de son aire gĂ©ographique, avec tous ses attributs, sa diplomatie, sa dĂ©fense, etc..âCes principes se retrouvent en clair dans les Accords dâEvian.âIl faut rappeler, ajoute lâĂ©minent homme dâEtat, quâil sâagit de principes qui font Ă travers le monde, lâobjet de contestations, citant Ă cette occasion, la partition toute rĂ©cente du Soudan.âCes contestations se sont Ă©tendues Ă beaucoup de pays africains. Quand les Accords dâEvian ont Ă©tĂ© nĂ©gociĂ©s, note lâorateur, câĂ©tait au temps oĂč la dĂ©colonisation avait, selon le terme utilisĂ© par M. RĂ©dha Malek, le vent en poupe.âLa RĂ©volution algĂ©rienne a Ă©tĂ©, note-t-il, un foyer principal de la lutte anticolonialiste et impĂ©rialiste.
Câest pourquoi la nĂ©gociation officielle a durĂ© plus dâun an.âA propos dâune mise en exergue des membres de lâĂ©quipe de nĂ©gociateurs, lâĂ©minent orateur a soulignĂ© que la lutte de LibĂ©ration nationale a Ă©tĂ© une Ćuvre collective, et quâĂ©voquer telle ou telle personnalitĂ© nâĂ©tait pas le plus important, chacun avait conscience quâil se fondait dans un tout collectif.âCâest le GPRA qui Ă©tablissait la stratĂ©gie de la lutte avec la contribution du FLN et de lâALN.âCâĂ©tait un ensemble compact et on ne pouvait en extraire un Ă©lĂ©ment ou un autre.
La lutte pour lâindĂ©pendance a Ă©tĂ© le fruit de sacrifices Ă©normes. Chacun y a apportĂ© sa pierre. M.âRĂ©dha Malek rappelle les multiples manĆuvres du gouvernement colonial français pour ne pas nĂ©gocier avec les reprĂ©sentants lĂ©gitimes du peuple algĂ©rien, rĂ©unis au sein du GPRA.
Un puissant hommage à la nation algérienne en lutte
LâĂ©minent homme dâEtat souligne quâil faut rendre un puissant hommage Ă lâensemble pour la grande patience et lâimmense abnĂ©gation face aux manĆuvres de la partie ennemie, patience et abnĂ©gation du peuple algĂ©rien aussi, en dĂ©pit de la fĂ©rocitĂ© de la rĂ©pression de lâadministration et des troupes dâoccupation de notre pays. Quand on mĂšne un combat du type de celui qui a Ă©tĂ© menĂ© par la RĂ©volution algĂ©rienne, combat de haute importance, il y a parfois une espĂšce de relĂąchement quand des nĂ©gociations sont entamĂ©es. Maintenir le rythme ne peut ĂȘtre quâune partie difficile engagĂ©e entre lutte armĂ©e et action diplomatique.
Depuis 1955, la France nâa jamais essayĂ© de sonder les dirigeants de la RĂ©volution
Sâagissant des nĂ©gociations, M.âRĂ©dha Malek, rappelle que câest en fait depuis 1955 que la France coloniale, envoyaient des signaux qui en dĂ©finitive, sâavĂ©raient ĂȘtre autant de tentatives pour connaĂźtre les intentions de la RĂ©volution algĂ©rienne.âCe nâĂ©tait donc pas pour engager des nĂ©gociations.âLe gouvernement colonial français a mĂȘme utilisĂ© des intermĂ©diaires, comme AndrĂ© Mandouze, connu pour ĂȘtre un grand ami de lâAlgĂ©rie combattante, mais il sâagissait de contacts.âDâautres contacts ont Ă©tĂ© Ă©tablis par dâautres Ă©missaires français. A un moment donnĂ©, ce sont les dirigeants de la RĂ©volution, qui face Ă lâinertie du gouvernement colonial français, ont dĂ©cidĂ© de ne plus se prĂȘter Ă ces contacts, sauf si la partie française, acceptait le prĂ©alable de lâindĂ©pendance.
Ne pas descendre une marche au risque de dégringoler
CâĂ©tait une façon, disait Abane Ramdane, de montrer la fermetĂ© face aux tentatives de lâennemi.
Il sâagissait dans lâesprit de Abane Ramdane, de ne pas prĂȘter le flanc et que si lâon descendait une marche, et de concession en concession, on risquait la dĂ©gringolade. Câest Ă partir du 13 mai 1958 que les choses commencĂšrent Ă mĂ»rir, avec la fronde contre le gouvernement français, accusĂ© de faiblesse. En 1960-61, lâarmĂ©e dâoccupation comprenait 800.000 soldats (dont 100.000 prĂ©sents en AlgĂ©rie), en plus dâun million dâEuropĂ©ens installĂ©s dans notre pays. Cette communautĂ© avait ses propres milices qui luttaient contre le peuple algĂ©rien. La constitution, le13 mai 1958 en France, dâune comitĂ© de Salut Public Ă lâinstigation du gĂ©nĂ©ral Massu, dans la mĂȘme pĂ©riode, il y a eu la tragĂ©die de Sakiet Sidi Youcef, en Tunisie.âLe gouvernement français, a frappĂ© le village tunisien, causant des milliers de victimes et provoquant une crise diplomatique. Les agresseurs, en souhaitant raser les bases installĂ©es de lâALN, ont ratĂ© leur objectif, faisant payer Ă des paisibles populations le prix de leur folie sanguinaire
LâarrivĂ©e de deâGaulle devait correspondre au maintien de lâAlgĂ©rie française
Câest dans ce contexte, que devait intervenir lâirruption de de Gaulle Ă qui il Ă©tait demandĂ© de maintenir âlâAlgĂ©rie françaiseâ. De Gaulle aura comme les autres, essayĂ©, sans y parvenir. Plus tard, câest le groupe fasciste, regroupĂ© dans la sinistre OAS qui voulait maintenir lâAlgĂ©rie dans le giron de la France, sans rĂ©ussir lĂ aussi.
Les contacts Ă©tablis par les reprĂ©sentants de lâOAS avec M.âChawki Mostefai, reprĂ©sentant de la dĂ©lĂ©gation provisoire installĂ©e au Rocher Noir, au lendemain du cessez-le-feu, eurent pour rĂ©sultat, le rappel par le reprĂ©sentant algĂ©rien des dispositions contenues dans les Accords dâEvian qui prĂ©voyaient des garanties accordĂ©es Ă la communautĂ© française installĂ©e en AlgĂ©rie, selon des conditions trĂšs prĂ©cises. M.ââRĂ©dha Malek a rappelĂ© que lâarrivĂ©e de de Gaulle au pouvoir en France, lâa Ă©tĂ© dans lâesprit des jusquâaux-boutistes coloniaux pour faire plier la RĂ©volution algĂ©rienne.âDe Gaulle effectivement avait dĂ©fini son objectif qui Ă©tait celui dâen finir avec la RĂ©volution algĂ©rienne.
La paix des braves et les déboires français
Il proposa dâabord la paix des braves qui nâĂ©tait pas autre quâune réédition.âA ce propos, lâĂ©minent orateur rappela une anecdote relative au dĂ©funt prĂ©sident de lâAutoritĂ© palestinienne, M.âYasser Arafat qui Ă©voquait pour le compte de son pays de façon Ă©logieuse, la paix des braves.âLe dirigeant palestinien, avait bien entendu une autre vision de ce concept, alors quâen rĂ©alitĂ© il ne signifiait pas autre chose que â jetez les armes et rejoignez vos douarsâ avec lâassurance de ne pas voir pleuvoir dâĂ©ventuelles sanctions.
Câest cela quâon voulait rappeler au dĂ©funt prĂ©sident Yasser Arafat.âSâagissant de la proposition française, elle fut Ă©videmment rejetĂ©e par les dirigeants de la RĂ©volution comme cela Ă©tait naturel. La paix des braves, ce nâĂ©tait Ă©videmment pas quelque chose de sĂ©rieux de la part du gouvernement colonial français, conclut M.âRĂ©dha Malek.âDe Gaulle a fini par comprendre cela avant de rabattre le rappel pour ouvrir dâautres nĂ©gociations.âLes dirigeants de la RĂ©volution emprisonnĂ©s au chĂąteau dâAulnoy, enâFrance, Ă©taient des interlocuteurs, vous pouvez vous adresser Ă eux pour nĂ©gocier, a-t-il Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© au gouvernement français.âDeâGaulle avait quelques scrupules Ă nĂ©gocier avec des personnalitĂ©s dĂ©tenues.âCâest alors les reprĂ©sentants de Grande-Bretagne qui rappellent Ă leurs collĂšgues français que les Anglais ont bien nĂ©gociĂ© avec Gandhi, le dirigeant indien alors mĂȘme quâil Ă©tait en dĂ©tention, rappelle lâancien Chef du gouvernement.
Le plan Challe de sinistre mémoire
M.âRĂ©dha Malek en vient Ă Ă©voquer les nĂ©gociations secrĂštes de Melun. De Gaulle avait fait la proposition aprĂšs avoir renforcĂ© lâarmĂ©e dâoccupation, mis en place, le plan Challe, de sinistre mĂ©moire, et la sĂ©rie dâopĂ©rations qui y figuraient (opĂ©rations âJumellesâ, âPierres prĂ©cieusesâ, etc.).âCes opĂ©rations sâĂ©talaient dâouest enâest du pays.âCâest ainsi que tout en renforçant son potentiel militaire rĂ©pressif enâAlgĂ©rie, le Chef de lâEtat français proposait des nĂ©gociations.âLes dirigeants de la RĂ©volution ne se faisaient aucune illusion sur lâissue de ces nĂ©gociations mais pensaient tout de mĂȘme quâelles pouvaient avoir une utilitĂ© en renforçant la reprĂ©sentativitĂ© de la RĂ©volution algĂ©rienne au niveau international.
Les honorables diplomates, Boumendjel et Benyahia, constituaient la dĂ©lĂ©gation duâFLN.âLâĂ©minent orateur a racontĂ© alors dans le dĂ©tail, de quelle façon les deux Ă©missaires algĂ©riens se rendirent Ă la nĂ©gociation aprĂšs avoir refusĂ© dâĂȘtre transportĂ©s dans un avion militaire français et firent le choix dâemprunter un avion de ligne de Tunis Air.âLes contacts nâont pas abouti face Ă la mauvaise volontĂ© des vis-Ă -vis français.âEn fait, les nĂ©gociations ont Ă©tĂ© vides, fit remarquer M.âRĂ©dha Malek.
LâAlgĂ©rie algĂ©rienne lâautre dĂ©sillusion
de la colonisation
Ainsi fut mis en Ă©vidence, un autre concept celui de lâAlgĂ©rie algĂ©rienne, qui devait susciter lâĂ©tonnement et la surprise des AlgĂ©riens avant de se voir rĂ©pondre que câĂ©tait lâĂ©quivalent du concept de la Normandie normande et de la Bretagne bretonne…âEn fait rien de sĂ©rieux.âLes contacts de Melun auront durĂ© 2 jours au total.âMĂȘme si la rencontre ne sâest soldĂ©e par aucun rĂ©sultat, la RĂ©volution algĂ©rienne aura gagnĂ© entre-temps en notoriĂ©tĂ© et en crĂ©dibilitĂ©.âElle aura montrĂ© sa disponibilitĂ© Ă la nĂ©gociation et au dialogue.âQuelque temps aprĂšs, relĂšve M.âRĂ©dha Malek, Krim Belkacem qui sâĂ©tait rendu Ă lâONU devait rencontrer le dirigeant soviĂ©tique, Nikita Kroutchev, rencontre qui lui a Ă©tĂ© reprochĂ©e par les Français, avant de se voir rĂ©pliquer par le dirigeant soviĂ©tique, que si le gouvernement français Ă travers ses reprĂ©sentants, acceptait de rencontrer des reprĂ©sentants du GPRA, on ne comprendrait pas trĂšs bien pourquoi les SoviĂ©tiques se refuseraient ce droit.
La France isolée sur le plan international
En fait, le gouvernement français se trouvait isolĂ© sur la scĂšne internationale Ă propos de la question algĂ©rienne.âLâancien Chef du gouvernement en vient ensuite Ă rappeler les contacts Ă©tablis par M.âBoularouf, reprĂ©sentant du FLN en Suisse et Ă Rome, avec certaines personnalitĂ©s suisses, dont M.âOlivier Long qui a toujours manifestĂ© beaucoup dâintĂ©rĂȘt pour la lutte du peuple algĂ©rien.âLe contact Ă©tait pris Ă©galement avec des reprĂ©sentants officiels de la ConfĂ©dĂ©ration helvĂ©tique.âM.âOlivier Long initia des contacts avec M.âLouis Joxe, personnalitĂ© française.âTout cela mena Ă un premier contact secret Ă Lucerne, en fĂ©vrier 1961 entre les Ă©missaires algĂ©riens, MM. Boularouf et Boumendjel, pour la partie algĂ©rienne et Georges Pompidou pour la partie française. M.âGeorges Pompidou qui devient plus tard Chef dâEtat français Ă©tait Ă ce moment-lĂ ,âfondĂ© de pouvoirs Ă la Banque Rothschild.âIl Ă©tait aussi un proche du gĂ©nĂ©ral de Gaulle. Câest ce proche du PrĂ©sident français qui devait alors dĂ©clarer que la France nâa pas peur de lâindĂ©pendance de lâAlgĂ©rie, mais il fallait mettre les conditions, soit lâAlgĂ©rie moins le Sahara et moins aussi la base navale de Mers El Kebir.âInutile dâajouter alors que tout cela a fait lâobjet dâun rejet des reprĂ©sentants algĂ©riens.âCâĂ©tait lâĂ©poque oĂč le concept dâautodĂ©termination devait Ă©merger.âPuis vint NeuchĂątel, et des contacts qui nâaboutirent pas comme ceux qui les ont prĂ©cĂ©dĂ©s,âvint ensuite le temps oĂč de Gaulle proposa des nĂ©gociations sans prĂ©alable.âCâest ainsi que sâouvrirent les nĂ©gociations dâEvian.âIl y eut Evian 1, en mai 1961.âEvian fut choisie comme ville chevauchant sur la frontiĂšre franco-suisse.âElle fut le rĂ©sultat dâun compromis entre les deux Ă©quipes de nĂ©gociations, algĂ©rienne et française.âLes AlgĂ©riens avaient souhaitĂ© en effet que les nĂ©gociations sâouvrent sur terrain neutre.âCe fut lâEmir du Qatar qui offrit Ă la dĂ©lĂ©gation algĂ©rienne sa rĂ©sidence Ă GenĂšve.âLes Suisses ont mis Ă la disposition de la dĂ©lĂ©gation algĂ©rienne un hĂ©licoptĂšre pour assurer leur transport au lieu de nĂ©gociation.
Evian 1 dura du 20 mai au 13 juin 1961.âTous les problĂšmes inhĂ©rents Ă la nĂ©gociation ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s durant cette pĂ©riode, les bases françaises au Sahara (Reggane et Colomb-BĂ©char, selon lâappellation de lâĂ©poque pour cette derniĂšre localitĂ©).âReggane Ă©tait le centre dâessais nuclĂ©aires appelĂ© pudiquement centre dâexpĂ©riences scientifiques. Colomb-BĂ©char Ă©tait le centre dâessais des fusĂ©es spatiales.âDe Gaulle note, M.âRĂ©dha Malek, avait beaucoup investi pour inclure la France dans le club trĂšs fermĂ© de pays disposant de la bombe atomique.âOn leur demandait de partir, cela Ă©tait difficile pour eux.
Avec Evian 1, nous nâavions pas beaucoup avancĂ©.âA lâĂ©poque, M.âRĂ©dha Malek souligne quâil Ă©tait porte-parole de la dĂ©lĂ©gation du FLN.âJe donnais tous les jours une confĂ©rence de presse, face Ă lâimpasse des nĂ©gociations de Gaulle avait donnĂ© ordre Ă la dĂ©lĂ©gation française dâinterrompre les discussions âArrĂȘtez-moi, ce disqueâ, avait-il dit selon M.âRĂ©dha Malek.
En juillet 1961, nouvel appel de de Gaulle pour relancer les nĂ©gociations, cet appel survenait Ă un moment de crise diplomatique entre la France et la Tunisie, aprĂšs la demande du prĂ©sident Bourguiba, faite au gouvernement français dâĂ©vacuer la base de Bizerte.âDe Gaulle avait donnĂ© alors ordre Ă lâaviation française de bombarder la base.âRĂ©sultat de cette expĂ©dition, 900 victimes innocentes tunisiennes.
Oui Ă la nĂ©gociation, mais avec un seul point Ă lâordre du jour
Pour en revenir Ă la nĂ©gociation avec la dĂ©lĂ©gation algĂ©rienne, les dirigeants de la RĂ©volution ont donnĂ© leur accord, mais la stratĂ©gie sâest affinĂ©e : ainsi un seul point Ă lâordre du jour Ă©tait proposĂ© : celui de lâunitĂ© territoriale. Sâagissant du Sahara, le gouvernement français reconnaĂźt quâil ne pouvait le garder, mais souhaitait quâun accord de coopĂ©ration soit conclu pour cette rĂ©gion.âCâĂ©tait une porte ouverte en faveur de la nĂ©gociation, souligne M.âRĂ©dha Malek.âM.âRĂ©dha Malek et Benyahia se rendirent Ă BĂąle, en Suisse, pour sâassurer des dĂ©clarations de de Gaulle sur le Sahara.âDes nĂ©gociations sâouvrirent aux Rousses, qui durĂšrent 10 jours.
Reconnaissance
de lâindĂ©pendance dans son intĂ©gralitĂ©
Le prĂ©alable de lâunitĂ© territoriale Ă©tait de nouveau avancĂ© par la dĂ©lĂ©gation algĂ©rienne.âLâaccord de coopĂ©ration ne posait pas de problĂšmes insurmontables.âSâagissant de Mers El Kebir, il a Ă©tĂ© convenu dâun bail de 15 ans. AprĂšs lâindĂ©pendance, les Français Ă©vacuĂšrent la base au bout de cinq ans.â80.000 hommes y Ă©taient en garnison.âSâagissant de lâunitĂ© nationale, la tentative de la dĂ©lĂ©gation française dâimposer une solution style habit dâarlequin (un habit bigarrĂ© fait de blanc, de rouge, de bleu) a Ă©chouĂ©.âLe peuple algĂ©rien ne constituait pas, comme la version française voulait lâimposer, plusieurs communautĂ©s, mais un seul peuple. Sâagissant de la communautĂ© française installĂ©e dans notre pays du fait de lâoccupation de celui-ci, elle bĂ©nĂ©ficiait de garanties.âLâAlgĂ©rie Ă©tait loin dâĂȘtre une mosaĂŻque, selon lâidĂ©e coloniale quâon voulait rĂ©pandre sur elle.âLe point de vue de lâunitĂ© nationale a fini par sâimposer tout naturellement.
Le peuple algĂ©rien a son histoire, ses valeurs.âLes Accords dâEvian aboutirent Ă la reconnaissance de lâindĂ©pendance totale du pays.âSelon la dĂ©claration gĂ©nĂ©rale liĂ©e aux Accords dâEvian, lâAlgĂ©rie Ă©tait libre de dĂ©finir son rĂ©gime social, sa diplomatie, sa dĂ©fense, son Ă©conomie, etc.
L’unitĂ© du peuple et du territoire des pays colonisĂ©s, consacrĂ©s dans le cas algĂ©rien par les Accords d’Evian, demeurent « d’actualitĂ© », car ces « principes » se trouvent, aujourd’hui, menacĂ©s, a estimĂ© hier, Ă Alger le porte-parole de la dĂ©lĂ©gation du GPRA (Gouvernement Provisoire de la RĂ©publique AlgĂ©rienne) Ă Evian, M. Redha Malek. « Les rĂ©alisations du GPRA Ă Evian demeurent toujours d’actualitĂ©, en particulier, sur les volets liĂ©s Ă l’unitĂ© du peuple et du territoire algĂ©riens ainsi qu’Ă l’indĂ©pendance totale qui n’Ă©taient pas pour les responsables de la RĂ©volution nĂ©gociable », a soulignĂ©, M. Malek, lors d’une confĂ©rence organisĂ©e au Forum d’El Moudjahid Ă l’occasion de la cĂ©lĂ©bration de 49e anniversaire du cessez-le-feu (19 mars 1962). Il s’agit, pour lui, de trois « principes » contenus dans les Accords d’Evian et qui se trouvent, aujourdâhui, a-t-il notĂ©, menacĂ©s ailleurs. A ce sujet,
M. Malek a citĂ© la partition du Soudan, survenue rĂ©cemment, avec la crĂ©ation d’un nouvel Etat dans sa partie sud et la menace de dĂ©sintĂ©gration d’autres Etats africains du fait, a-t-il expliquĂ©, de la mondialisation. M. Malek a rappelĂ©, par ailleurs, que les nĂ©gociations d’Evian ayant dĂ©bouchĂ© sur l’indĂ©pendance totale de l’AlgĂ©rie, « s’Ă©taient dĂ©roulĂ©es dans un contexte marquĂ© par un mouvement mondial pour la dĂ©colonisation » qui a connu, a-t-il dit, son point culminant avec la RĂ©volution algĂ©rienne. L’ancien chef du gouvernement a insistĂ©, en outre, sur le fait que « le GPRA n’a jamais acceptĂ© d’engager des nĂ©gociations avec les autoritĂ©s coloniales, tout en arrĂȘtant l’activitĂ© militaire sur le terrain ». Il a rendu, Ă ce propos, hommage au peuple algĂ©rien qui a fait preuve, a-t-il soulignĂ©, « d’une grande patience » pour voir ces nĂ©gociations aboutir Ă l’indĂ©pendance. Par ailleurs, M. Malek est revenu sur les diffĂ©rentes Ă©tapes des nĂ©gociations entres les deux parties, dĂšs le dĂ©but de l’annĂ©e 1955 jusqu’Ă Melun en juin 1960, en insistant sur les raisons de ces Ă©checs rĂ©pĂ©tĂ©s. Pour lui, ces nĂ©gociations buttaient sur l’intransigeance du GPRA sur les questions liĂ©es au « Sahara algĂ©rien, au statut de la minoritĂ© europĂ©enne et Ă l’unitĂ© du peuple algĂ©rien ainsi qu’au statut de la base militaire aĂ©ronavale de Mers El Kebir ». Il a expliquĂ©, en outre, qu’il y avait deux rounds de nĂ©gociations Ă Evian, Ă savoir, a-t-il prĂ©cisĂ©, Evian I (du 20 mai Ă 13 juin 1961) et Evian II (Ă partir de septembre 1961). Ces deux rounds devaient dĂ©boucher sur la signature des Accords, donnant naissance Ă la RĂ©publique algĂ©rienne indĂ©pendante.