Il y a 49 ans les Accords d’Evian : Le triomphe de la RĂ©volution algĂ©rienne

Il y a 49 ans les Accords d’Evian : Le triomphe de la RĂ©volution algĂ©rienne
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C’est en prĂ©sence de personnalitĂ©s du monde politique, de diplomates, d’étudiants de l’institut diplomatique, d’universitaires, de reprĂ©sentants d’institutions publiques et ceux des mĂ©dias, que l’ancien chef du gouvernement, et membre de la dĂ©lĂ©gation qui a nĂ©gociĂ© les Accords d’Evian, ouvrant les portes de l’indĂ©pendance Ă  notre pays, M. RĂ©dha Malek, que la commĂ©moration de la signature de ces Accords s’est faite, hier, au centre de presse d’El Moudjahid.

Rédha Malek, didactique

Comme Ă  son habitude, M. RĂ©dha Malek, a Ă©tĂ© didactique, d’une grande clartĂ© dans les propos, dressant un Ă©tat des lieux tout Ă  fait exhaustif d’un Ă©vĂ©nement jugĂ© d’une importance considĂ©rable pour l’avenir de notre pays. L’ancien nĂ©gociateur a restituĂ© avec beaucoup de pertinence, les grands moments d’une pĂ©riode oĂč le combat hĂ©roĂŻque du peuple algĂ©rien Ă  travers son avant-garde, le FLN et l’ALN, s’était mĂȘlĂ© Ă  une action diplomatique qui a rĂ©vĂ©lĂ© au monde, des personnalitĂ©s de grande culture qui se sont rĂ©vĂ©lĂ©es de redoutables nĂ©gociateurs face Ă  une partie coloniale française qui avait organisĂ© sa stratĂ©gie d’attaque dans une sorte de fuite en avant qui a fini par la mener dans une impasse, pour reconnaĂźtre finalement une rĂ©alitĂ©, celle de l’indĂ©pendance d’un pays, une personnalitĂ© et une dignitĂ© retrouvĂ©es pour un peuple, le peuple algĂ©rien, entrĂ© par la grande porte dans l’histoire universelle des fruits de son combat. M. RĂ©dha Malek, Ă©voquant les Accords d’Evian, a relevĂ© qu’il y a un certain nombre d’élĂ©ments qu’il se proposait d’annoncer au cours d’une magistrale dĂ©monstration et qui peuvent, disait-il, Ă©clairer notre situation, mĂȘme actuelle.

Un moment important de la vie de la nation

Les Accords d’Evian ont bien Ă©tĂ© un moment important de la vie du pays. Ils sont contenus dans cinquante pages, rappelle l’éminent orateur. Quand on consulte, ces cinquante pages, il y a des Ă©lĂ©ments essentiels qui ressortent et parmi ceux-ci celui qui retient l’existence d’une nation solidement installĂ©e dans son unitĂ©, celle du peuple, celle aussi du territoire national qui donne un aspect particulier Ă  cet acquis en ces temps oĂč l’on vit, Ă  travers le monde et dans les pays arabes singuliĂšrement, une pĂ©riode difficile.

Deux grands axes ressortent dans les Accords

Quand on examine les Accords d’Evian, relĂšve l’ancien nĂ©gociateur, on y retrouve deux grands axes, l’unitĂ© populaire il faut rappeler, note M. RĂ©dha Malek, que la consolidation de ce concept a Ă©tĂ© le fruit d’un long combat face Ă  la nĂ©gation de l’administration coloniale française pour qui il n’existait pas de peuple algĂ©rien, tout juste, disaient les apĂŽtres du fait colonial, pouvait-on parler de groupements humains ayant chacun sa personnalitĂ©. Cette façon de voir a Ă©tĂ© tout naturellement combattue et celle fut avec acharnement.

Les dirigeants de la RĂ©volution du 1er Novembre 1954, rappelant sans cesse, le concept sacro-saint, de l’unitĂ© populaire. Le deuxiĂšme axe, on le retrouve dans l’unitĂ© territoriale. Ce principe a Ă©tĂ© Ă©galement au cƓur du combat pour l’indĂ©pendance.

Les manƓuvres

de l’administration coloniale dĂ©jouĂ©es

Les manƓuvres de l’administration coloniale ont Ă©tĂ© toutes dĂ©jouĂ©es, elles qui voulaient faire Ă©clater cette unitĂ© de notre territoire en nous spoliant du Sahara et de la base navale de Mers El Kebir. La position des dirigeants de la RĂ©volution a Ă©tĂ© de tout temps inĂ©branlable. Elle rappelait, en tous lieux et en toutes circonstances, que c’était lĂ  un principe non nĂ©gociable.

L’AlgĂ©rie devait ĂȘtre restaurĂ©e dans la plĂ©nitude de son aire gĂ©ographique, avec tous ses attributs, sa diplomatie, sa dĂ©fense, etc.. Ces principes se retrouvent en clair dans les Accords d’Evian. Il faut rappeler, ajoute l’éminent homme d’Etat, qu’il s’agit de principes qui font Ă  travers le monde, l’objet de contestations, citant Ă  cette occasion, la partition toute rĂ©cente du Soudan. Ces contestations se sont Ă©tendues Ă  beaucoup de pays africains. Quand les Accords d’Evian ont Ă©tĂ© nĂ©gociĂ©s, note l’orateur, c’était au temps oĂč la dĂ©colonisation avait, selon le terme utilisĂ© par M. RĂ©dha Malek, le vent en poupe. La RĂ©volution algĂ©rienne a Ă©tĂ©, note-t-il, un foyer principal de la lutte anticolonialiste et impĂ©rialiste.

C’est pourquoi la nĂ©gociation officielle a durĂ© plus d’un an. A propos d’une mise en exergue des membres de l’équipe de nĂ©gociateurs, l’éminent orateur a soulignĂ© que la lutte de LibĂ©ration nationale a Ă©tĂ© une Ɠuvre collective, et qu’évoquer telle ou telle personnalitĂ© n’était pas le plus important, chacun avait conscience qu’il se fondait dans un tout collectif. C’est le GPRA qui Ă©tablissait la stratĂ©gie de la lutte avec la contribution du FLN et de l’ALN. C’était un ensemble compact et on ne pouvait en extraire un Ă©lĂ©ment ou un autre.

La lutte pour l’indĂ©pendance a Ă©tĂ© le fruit de sacrifices Ă©normes. Chacun y a apportĂ© sa pierre. M. RĂ©dha Malek rappelle les multiples manƓuvres du gouvernement colonial français pour ne pas nĂ©gocier avec les reprĂ©sentants lĂ©gitimes du peuple algĂ©rien, rĂ©unis au sein du GPRA.

Un puissant hommage à la nation algérienne en lutte

L’éminent homme d’Etat souligne qu’il faut rendre un puissant hommage Ă  l’ensemble pour la grande patience et l’immense abnĂ©gation face aux manƓuvres de la partie ennemie, patience et abnĂ©gation du peuple algĂ©rien aussi, en dĂ©pit de la fĂ©rocitĂ© de la rĂ©pression de l’administration et des troupes d’occupation de notre pays. Quand on mĂšne un combat du type de celui qui a Ă©tĂ© menĂ© par la RĂ©volution algĂ©rienne, combat de haute importance, il y a parfois une espĂšce de relĂąchement quand des nĂ©gociations sont entamĂ©es. Maintenir le rythme ne peut ĂȘtre qu’une partie difficile engagĂ©e entre lutte armĂ©e et action diplomatique.

Depuis 1955, la France n’a jamais essayĂ© de sonder les dirigeants de la RĂ©volution

S’agissant des nĂ©gociations, M. RĂ©dha Malek, rappelle que c’est en fait depuis 1955 que la France coloniale, envoyaient des signaux qui en dĂ©finitive, s’avĂ©raient ĂȘtre autant de tentatives pour connaĂźtre les intentions de la RĂ©volution algĂ©rienne. Ce n’était donc pas pour engager des nĂ©gociations. Le gouvernement colonial français a mĂȘme utilisĂ© des intermĂ©diaires, comme AndrĂ© Mandouze, connu pour ĂȘtre un grand ami de l’AlgĂ©rie combattante, mais il s’agissait de contacts. D’autres contacts ont Ă©tĂ© Ă©tablis par d’autres Ă©missaires français. A un moment donnĂ©, ce sont les dirigeants de la RĂ©volution, qui face Ă  l’inertie du gouvernement colonial français, ont dĂ©cidĂ© de ne plus se prĂȘter Ă  ces contacts, sauf si la partie française, acceptait le prĂ©alable de l’indĂ©pendance.

Ne pas descendre une marche au risque de dégringoler

C’était une façon, disait Abane Ramdane, de montrer la fermetĂ© face aux tentatives de l’ennemi.

Il s’agissait dans l’esprit de Abane Ramdane, de ne pas prĂȘter le flanc et que si l’on descendait une marche, et de concession en concession, on risquait la dĂ©gringolade. C’est Ă  partir du 13 mai 1958 que les choses commencĂšrent Ă  mĂ»rir, avec la fronde contre le gouvernement français, accusĂ© de faiblesse. En 1960-61, l’armĂ©e d’occupation comprenait 800.000 soldats (dont 100.000 prĂ©sents en AlgĂ©rie), en plus d’un million d’EuropĂ©ens installĂ©s dans notre pays. Cette communautĂ© avait ses propres milices qui luttaient contre le peuple algĂ©rien. La constitution, le13 mai 1958 en France, d’une comitĂ© de Salut Public Ă  l’instigation du gĂ©nĂ©ral Massu, dans la mĂȘme pĂ©riode, il y a eu la tragĂ©die de Sakiet Sidi Youcef, en Tunisie. Le gouvernement français, a frappĂ© le village tunisien, causant des milliers de victimes et provoquant une crise diplomatique. Les agresseurs, en souhaitant raser les bases installĂ©es de l’ALN, ont ratĂ© leur objectif, faisant payer Ă  des paisibles populations le prix de leur folie sanguinaire

L’arrivĂ©e de de Gaulle devait correspondre au maintien de l’AlgĂ©rie française

C’est dans ce contexte, que devait intervenir l’irruption de de Gaulle Ă  qui il Ă©tait demandĂ© de maintenir “l’AlgĂ©rie française”. De Gaulle aura comme les autres, essayĂ©, sans y parvenir. Plus tard, c’est le groupe fasciste, regroupĂ© dans la sinistre OAS qui voulait maintenir l’AlgĂ©rie dans le giron de la France, sans rĂ©ussir lĂ  aussi.

Les contacts Ă©tablis par les reprĂ©sentants de l’OAS avec M. Chawki Mostefai, reprĂ©sentant de la dĂ©lĂ©gation provisoire installĂ©e au Rocher Noir, au lendemain du cessez-le-feu, eurent pour rĂ©sultat, le rappel par le reprĂ©sentant algĂ©rien des dispositions contenues dans les Accords d’Evian qui prĂ©voyaient des garanties accordĂ©es Ă  la communautĂ© française installĂ©e en AlgĂ©rie, selon des conditions trĂšs prĂ©cises. M.  RĂ©dha Malek a rappelĂ© que l’arrivĂ©e de de Gaulle au pouvoir en France, l’a Ă©tĂ© dans l’esprit des jusqu’aux-boutistes coloniaux pour faire plier la RĂ©volution algĂ©rienne. De Gaulle effectivement avait dĂ©fini son objectif qui Ă©tait celui d’en finir avec la RĂ©volution algĂ©rienne.

La paix des braves et les déboires français

Il proposa d’abord la paix des braves qui n’était pas autre qu’une réédition. A ce propos, l’éminent orateur rappela une anecdote relative au dĂ©funt prĂ©sident de l’AutoritĂ© palestinienne, M. Yasser Arafat qui Ă©voquait pour le compte de son pays de façon Ă©logieuse, la paix des braves. Le dirigeant palestinien, avait bien entendu une autre vision de ce concept, alors qu’en rĂ©alitĂ© il ne signifiait pas autre chose que “ jetez les armes et rejoignez vos douars” avec l’assurance de ne pas voir pleuvoir d’éventuelles sanctions.

C’est cela qu’on voulait rappeler au dĂ©funt prĂ©sident Yasser Arafat. S’agissant de la proposition française, elle fut Ă©videmment rejetĂ©e par les dirigeants de la RĂ©volution comme cela Ă©tait naturel. La paix des braves, ce n’était Ă©videmment pas quelque chose de sĂ©rieux de la part du gouvernement colonial français, conclut M. RĂ©dha Malek. De Gaulle a fini par comprendre cela avant de rabattre le rappel pour ouvrir d’autres nĂ©gociations. Les dirigeants de la RĂ©volution emprisonnĂ©s au chĂąteau d’Aulnoy, en France, Ă©taient des interlocuteurs, vous pouvez vous adresser Ă  eux pour nĂ©gocier, a-t-il Ă©tĂ© suggĂ©rĂ© au gouvernement français. De Gaulle avait quelques scrupules Ă  nĂ©gocier avec des personnalitĂ©s dĂ©tenues. C’est alors les reprĂ©sentants de Grande-Bretagne qui rappellent Ă  leurs collĂšgues français que les Anglais ont bien nĂ©gociĂ© avec Gandhi, le dirigeant indien alors mĂȘme qu’il Ă©tait en dĂ©tention, rappelle l’ancien Chef du gouvernement.

Le plan Challe de sinistre mémoire

M. RĂ©dha Malek en vient Ă  Ă©voquer les nĂ©gociations secrĂštes de Melun. De Gaulle avait fait la proposition aprĂšs avoir renforcĂ© l’armĂ©e d’occupation, mis en place, le plan Challe, de sinistre mĂ©moire, et la sĂ©rie d’opĂ©rations qui y figuraient (opĂ©rations “Jumelles”, “Pierres prĂ©cieuses”, etc.). Ces opĂ©rations s’étalaient d’ouest en est du pays. C’est ainsi que tout en renforçant son potentiel militaire rĂ©pressif en AlgĂ©rie, le Chef de l’Etat français proposait des nĂ©gociations. Les dirigeants de la RĂ©volution ne se faisaient aucune illusion sur l’issue de ces nĂ©gociations mais pensaient tout de mĂȘme qu’elles pouvaient avoir une utilitĂ© en renforçant la reprĂ©sentativitĂ© de la RĂ©volution algĂ©rienne au niveau international.

Les honorables diplomates, Boumendjel et Benyahia, constituaient la dĂ©lĂ©gation du FLN. L’éminent orateur a racontĂ© alors dans le dĂ©tail, de quelle façon les deux Ă©missaires algĂ©riens se rendirent Ă  la nĂ©gociation aprĂšs avoir refusĂ© d’ĂȘtre transportĂ©s dans un avion militaire français et firent le choix d’emprunter un avion de ligne de Tunis Air. Les contacts n’ont pas abouti face Ă  la mauvaise volontĂ© des vis-Ă -vis français. En fait, les nĂ©gociations ont Ă©tĂ© vides, fit remarquer M. RĂ©dha Malek.

L’AlgĂ©rie algĂ©rienne l’autre dĂ©sillusion

de la colonisation

Ainsi fut mis en Ă©vidence, un autre concept celui de l’AlgĂ©rie algĂ©rienne, qui devait susciter l’étonnement et la surprise des AlgĂ©riens avant de se voir rĂ©pondre que c’était l’équivalent du concept de la Normandie normande et de la Bretagne bretonne… En fait rien de sĂ©rieux. Les contacts de Melun auront durĂ© 2 jours au total. MĂȘme si la rencontre ne s’est soldĂ©e par aucun rĂ©sultat, la RĂ©volution algĂ©rienne aura gagnĂ© entre-temps en notoriĂ©tĂ© et en crĂ©dibilitĂ©. Elle aura montrĂ© sa disponibilitĂ© Ă  la nĂ©gociation et au dialogue. Quelque temps aprĂšs, relĂšve M. RĂ©dha Malek, Krim Belkacem qui s’était rendu Ă  l’ONU devait rencontrer le dirigeant soviĂ©tique, Nikita Kroutchev, rencontre qui lui a Ă©tĂ© reprochĂ©e par les Français, avant de se voir rĂ©pliquer par le dirigeant soviĂ©tique, que si le gouvernement français Ă  travers ses reprĂ©sentants, acceptait de rencontrer des reprĂ©sentants du GPRA, on ne comprendrait pas trĂšs bien pourquoi les SoviĂ©tiques se refuseraient ce droit.

La France isolée sur le plan international

En fait, le gouvernement français se trouvait isolĂ© sur la scĂšne internationale Ă  propos de la question algĂ©rienne. L’ancien Chef du gouvernement en vient ensuite Ă  rappeler les contacts Ă©tablis par M. Boularouf, reprĂ©sentant du FLN en Suisse et Ă  Rome, avec certaines personnalitĂ©s suisses, dont M. Olivier Long qui a toujours manifestĂ© beaucoup d’intĂ©rĂȘt pour la lutte du peuple algĂ©rien. Le contact Ă©tait pris Ă©galement avec des reprĂ©sentants officiels de la ConfĂ©dĂ©ration helvĂ©tique. M. Olivier Long initia des contacts avec M. Louis Joxe, personnalitĂ© française. Tout cela mena Ă  un premier contact secret Ă  Lucerne, en fĂ©vrier 1961 entre les Ă©missaires algĂ©riens, MM. Boularouf et Boumendjel, pour la partie algĂ©rienne et Georges Pompidou pour la partie française. M. Georges Pompidou qui devient plus tard Chef d’Etat français Ă©tait Ă  ce moment-lĂ , fondĂ© de pouvoirs Ă  la Banque Rothschild. Il Ă©tait aussi un proche du gĂ©nĂ©ral de Gaulle. C’est ce proche du PrĂ©sident français qui devait alors dĂ©clarer que la France n’a pas peur de l’indĂ©pendance de l’AlgĂ©rie, mais il fallait mettre les conditions, soit l’AlgĂ©rie moins le Sahara et moins aussi la base navale de Mers El Kebir. Inutile d’ajouter alors que tout cela a fait l’objet d’un rejet des reprĂ©sentants algĂ©riens. C’était l’époque oĂč le concept d’autodĂ©termination devait Ă©merger. Puis vint NeuchĂątel, et des contacts qui n’aboutirent pas comme ceux qui les ont prĂ©cĂ©dĂ©s, vint ensuite le temps oĂč de Gaulle proposa des nĂ©gociations sans prĂ©alable. C’est ainsi que s’ouvrirent les nĂ©gociations d’Evian. Il y eut Evian 1, en mai 1961. Evian fut choisie comme ville chevauchant sur la frontiĂšre franco-suisse. Elle fut le rĂ©sultat d’un compromis entre les deux Ă©quipes de nĂ©gociations, algĂ©rienne et française. Les AlgĂ©riens avaient souhaitĂ© en effet que les nĂ©gociations s’ouvrent sur terrain neutre. Ce fut l’Emir du Qatar qui offrit Ă  la dĂ©lĂ©gation algĂ©rienne sa rĂ©sidence Ă  GenĂšve. Les Suisses ont mis Ă  la disposition de la dĂ©lĂ©gation algĂ©rienne un hĂ©licoptĂšre pour assurer leur transport au lieu de nĂ©gociation.

Evian 1 dura du 20 mai au 13 juin 1961. Tous les problĂšmes inhĂ©rents Ă  la nĂ©gociation ont Ă©tĂ© Ă©voquĂ©s durant cette pĂ©riode, les bases françaises au Sahara (Reggane et Colomb-BĂ©char, selon l’appellation de l’époque pour cette derniĂšre localitĂ©). Reggane Ă©tait le centre d’essais nuclĂ©aires appelĂ© pudiquement centre d’expĂ©riences scientifiques. Colomb-BĂ©char Ă©tait le centre d’essais des fusĂ©es spatiales. De Gaulle note, M. RĂ©dha Malek, avait beaucoup investi pour inclure la France dans le club trĂšs fermĂ© de pays disposant de la bombe atomique. On leur demandait de partir, cela Ă©tait difficile pour eux.

Avec Evian 1, nous n’avions pas beaucoup avancĂ©. A l’époque, M. RĂ©dha Malek souligne qu’il Ă©tait porte-parole de la dĂ©lĂ©gation du FLN. Je donnais tous les jours une confĂ©rence de presse, face Ă  l’impasse des nĂ©gociations de Gaulle avait donnĂ© ordre Ă  la dĂ©lĂ©gation française d’interrompre les discussions “ArrĂȘtez-moi, ce disque”, avait-il dit selon M. RĂ©dha Malek.

En juillet 1961, nouvel appel de de Gaulle pour relancer les nĂ©gociations, cet appel survenait Ă  un moment de crise diplomatique entre la France et la Tunisie, aprĂšs la demande du prĂ©sident Bourguiba, faite au gouvernement français d’évacuer la base de Bizerte. De Gaulle avait donnĂ© alors ordre Ă  l’aviation française de bombarder la base. RĂ©sultat de cette expĂ©dition, 900 victimes innocentes tunisiennes.

Oui Ă  la nĂ©gociation, mais avec un seul point Ă  l’ordre du jour

Pour en revenir Ă  la nĂ©gociation avec la dĂ©lĂ©gation algĂ©rienne, les dirigeants de la RĂ©volution ont donnĂ© leur accord, mais la stratĂ©gie s’est affinĂ©e : ainsi un seul point Ă  l’ordre du jour Ă©tait proposĂ© : celui de l’unitĂ© territoriale. S’agissant du Sahara, le gouvernement français reconnaĂźt qu’il ne pouvait le garder, mais souhaitait qu’un accord de coopĂ©ration soit conclu pour cette rĂ©gion. C’était une porte ouverte en faveur de la nĂ©gociation, souligne M. RĂ©dha Malek. M. RĂ©dha Malek et Benyahia se rendirent Ă  BĂąle, en Suisse, pour s’assurer des dĂ©clarations de de Gaulle sur le Sahara. Des nĂ©gociations s’ouvrirent aux Rousses, qui durĂšrent 10 jours.

Reconnaissance

de l’indĂ©pendance dans son intĂ©gralitĂ©

Le prĂ©alable de l’unitĂ© territoriale Ă©tait de nouveau avancĂ© par la dĂ©lĂ©gation algĂ©rienne. L’accord de coopĂ©ration ne posait pas de problĂšmes insurmontables. S’agissant de Mers El Kebir, il a Ă©tĂ© convenu d’un bail de 15 ans. AprĂšs l’indĂ©pendance, les Français Ă©vacuĂšrent la base au bout de cinq ans. 80.000 hommes y Ă©taient en garnison. S’agissant de l’unitĂ© nationale, la tentative de la dĂ©lĂ©gation française d’imposer une solution style habit d’arlequin (un habit bigarrĂ© fait de blanc, de rouge, de bleu) a Ă©chouĂ©. Le peuple algĂ©rien ne constituait pas, comme la version française voulait l’imposer, plusieurs communautĂ©s, mais un seul peuple. S’agissant de la communautĂ© française installĂ©e dans notre pays du fait de l’occupation de celui-ci, elle bĂ©nĂ©ficiait de garanties. L’AlgĂ©rie Ă©tait loin d’ĂȘtre une mosaĂŻque, selon l’idĂ©e coloniale qu’on voulait rĂ©pandre sur elle. Le point de vue de l’unitĂ© nationale a fini par s’imposer tout naturellement.

Le peuple algĂ©rien a son histoire, ses valeurs. Les Accords d’Evian aboutirent Ă  la reconnaissance de l’indĂ©pendance totale du pays. Selon la dĂ©claration gĂ©nĂ©rale liĂ©e aux Accords d’Evian, l’AlgĂ©rie Ă©tait libre de dĂ©finir son rĂ©gime social, sa diplomatie, sa dĂ©fense, son Ă©conomie, etc.

L’unitĂ© du peuple et du territoire des pays colonisĂ©s, consacrĂ©s dans le cas algĂ©rien par les Accords d’Evian, demeurent « d’actualitĂ© », car ces « principes » se trouvent, aujourd’hui, menacĂ©s, a estimĂ© hier, Ă  Alger le porte-parole de la dĂ©lĂ©gation du GPRA (Gouvernement Provisoire de la RĂ©publique AlgĂ©rienne) Ă  Evian, M. Redha Malek. « Les rĂ©alisations du GPRA Ă  Evian demeurent toujours d’actualitĂ©, en particulier, sur les volets liĂ©s Ă  l’unitĂ© du peuple et du territoire algĂ©riens ainsi qu’Ă  l’indĂ©pendance totale qui n’Ă©taient pas pour les responsables de la RĂ©volution nĂ©gociable », a soulignĂ©, M. Malek, lors d’une confĂ©rence organisĂ©e au Forum d’El Moudjahid Ă  l’occasion de la cĂ©lĂ©bration de 49e anniversaire du cessez-le-feu (19 mars 1962). Il s’agit, pour lui, de trois « principes » contenus dans les Accords d’Evian et qui se trouvent, aujourd’hui, a-t-il notĂ©, menacĂ©s ailleurs. A ce sujet,

M. Malek a citĂ© la partition du Soudan, survenue rĂ©cemment, avec la crĂ©ation d’un nouvel Etat dans sa partie sud et la menace de dĂ©sintĂ©gration d’autres Etats africains du fait, a-t-il expliquĂ©, de la mondialisation. M. Malek a rappelĂ©, par ailleurs, que les nĂ©gociations d’Evian ayant dĂ©bouchĂ© sur l’indĂ©pendance totale de l’AlgĂ©rie, « s’Ă©taient dĂ©roulĂ©es dans un contexte marquĂ© par un mouvement mondial pour la dĂ©colonisation » qui a connu, a-t-il dit, son point culminant avec la RĂ©volution algĂ©rienne. L’ancien chef du gouvernement a insistĂ©, en outre, sur le fait que « le GPRA n’a jamais acceptĂ© d’engager des nĂ©gociations avec les autoritĂ©s coloniales, tout en arrĂȘtant l’activitĂ© militaire sur le terrain ». Il a rendu, Ă  ce propos, hommage au peuple algĂ©rien qui a fait preuve, a-t-il soulignĂ©, « d’une grande patience » pour voir ces nĂ©gociations aboutir Ă  l’indĂ©pendance. Par ailleurs, M. Malek est revenu sur les diffĂ©rentes Ă©tapes des nĂ©gociations entres les deux parties, dĂšs le dĂ©but de l’annĂ©e 1955 jusqu’Ă  Melun en juin 1960, en insistant sur les raisons de ces Ă©checs rĂ©pĂ©tĂ©s. Pour lui, ces nĂ©gociations buttaient sur l’intransigeance du GPRA sur les questions liĂ©es au « Sahara algĂ©rien, au statut de la minoritĂ© europĂ©enne et Ă  l’unitĂ© du peuple algĂ©rien ainsi qu’au statut de la base militaire aĂ©ronavale de Mers El Kebir ». Il a expliquĂ©, en outre, qu’il y avait deux rounds de nĂ©gociations Ă  Evian, Ă  savoir, a-t-il prĂ©cisĂ©, Evian I (du 20 mai Ă  13 juin 1961) et Evian II (Ă  partir de septembre 1961). Ces deux rounds devaient dĂ©boucher sur la signature des Accords, donnant naissance Ă  la RĂ©publique algĂ©rienne indĂ©pendante.